Bonjour Miguel Valdés Faura. Pouvez-vous d'abord nous rappeler en quoi consiste le BPM ?
Le business process management sert tout simplement à optimiser la gestion des processus métier. Prenons l'exemple des ressources humaines : lorsque vous embauchez un collaborateur, son processus de recrutement devra obéir à plusieurs étapes comme son accueil, la signature de son contrat, la configuration de son poste, l'édition de son badge, etc.
Ce type de solution est assez générique et s'adresse à de multiples secteurs et métiers. Prenons la production. Lorsqu'un constructeur automobile développe un nouveau modèle, il a évidemment besoin de modéliser l'ensemble des processus à respecter pour mener à bien sa fabrication. Dans la banque, un processus peut concerner l'octroi de prêts. Là, l'établissement devra par exemple vérifier si la personne est déjà endettée, etc. Le BPM concerne toutes les interactions entre l'homme et l'entreprise. Une fois modélisé, un processus peut être automatisé.
Bonitasoft a vu le jour en 2009 alors que de grands acteurs étaient présents. Qu'apportez-vous ?
Le BPM a une vingtaine d'année. Il s'adresse historiquement aux grands comptes ou aux entreprises de taille intermédiaire et est dominé par des sociétés comme IBM, Oracle ou Pega. Très chers et très complexes, ces logiciels coûtent entre 300 000 et 500 000 euros rien que pour la licence, sans compter les services et la maintenance. Ces logiciels étaient utilisés pour les projets critiques comme chez Air France par exemple.
Alors nous avons eu une idée un peu folle : démocratiser le BPM aux plus petites structures, pour tout type de société et de projet. Pour cela il fallait une innovation produit suffisante pour que ce logiciel soit simple à installer, configurer et utiliser. Ensuite il a fallu abaisser la barrière à l'entrée. Notre solution, open source, est librement téléchargeable sur notre site Internet ce qui nous rend attrayant vis-à-vis de nos concurrents.
Est-ce que ce modèle fonctionne ? Pouvez-vous nous donner les derniers chiffres de Bonitasoft ?
Depuis notre création nous avons réalisé trois tours de table qui nous ont permis de lever un total de 23 millions d'euros. Le dernier date de mai 2013 où nous avons récolté 10 millions d'euros auprès du FSN PME, le fonds mis en place dans le cadre du Programme d'Investissements d'Avenir (Bpifrance aujourd'hui) mais aussi auprès de nos investisseurs historiques, à savoir les fonds Ventech, Auriga Partners et Serena Capital.
Nous employons actuellement 130 salariés de 25 nationalités différentes. Deux chiffres sont importants : notre logiciel a été téléchargé 2,5 millions de fois dans 197 pays, dont environ 500 000 téléchargements depuis le début de l'année. Nous comptons 750 clients dans 60 pays qui paient un abonnement annuel pour le support et la maintenance - c'est notre modèle économique. Parmi eux il y a vingt sociétés du CAC 40.
Notre chiffre d'affaires grossit de 100% par an. Nous avons ouvert un bureau à San Francisco mais notre siège reste à Grenoble. Sur nos 750 clients, 75% sont des entreprises de taille moyenne et la France est le premier pays représenté, devant les États-Unis, l'Amérique latine et l'Europe du Nord. Nous comptons également beaucoup sur les PME qui accèdent à Bonitasoft gratuitement mais nous fournissent un feedback important.
Quelle est votre stratégie pour gagner des parts de marché face aux mastodontes IBM ou Oracle ?
Nous entrons par la petite porte ! La plupart de ces concurrents partent d'une approche dite « top-down », ou descendante, où les processus sont décidés par la direction puis appliqués aux métiers. Nous nous allons d'abord voir les départements, ils installent notre solution, la testent, se rendent compte de son efficacité.
Puis nous montons à l'intérieur de l'entreprise. Notre approche est pragmatique car elle part de la base, (« bottom-up », ou descendante). C'est une façon concrète d'opérer car nous partons de problématiques de terrain. Ensuite après quelques projets, nous discutons avec la direction des systèmes d'information. Nous ne craignons pas nos concurrents car ils ont un modèle économique établi et ils ne peuvent pas en changer si simplement.
Dans la mesure où vous cherchez à simplifier le BPM, pourquoi ne pas proposer une version SaaS de votre solution ?
Lorsqu'on fait du logiciel à la demande (SaaS), tout doit être hébergé à distance et cette façon de fonctionner ne correspond pas totalement aux besoins du BPM. Sans entrer dans les détails techniques, lorsqu'on modélise le dessin d'un processus, cela ne peut pas être totalement sur le Web car cela rendrait le déploiement trop complexe. Par contre les clients veulent bien héberger leurs productions.
Dans votre démarche de démocratisation de la gestion des processus métiers, quel est le défi principal ?
Le côté positif est qu'aujourd'hui, à peu près tout le monde comprend les processus et veut les améliorer. Mais ce que demande le marché, c'est de pouvoir mesurer le retour sur investissement (ROI) d'une solution de BPM. Notre approche est de réduire le scope sur un processus simple. On teste la solution sur trois semaines puis on regarde les résultats. En fonctionnant par l'exemple, l'entreprise voit facilement le bénéfice.
Bientôt la plateforme Bonitasoft permettra de définir les objectifs en termes de gains de productivité et les objectifs métiers. Une entreprise voulant par exemple augmenter sa qualité de service requise (SLA) de 7% pourra travailler à atteindre ce but en définissant des objectifs chiffrés sur les processus. Nous apportons une solution à un vrai problème car 60% des DSI recourant au BPM, actuellement, ne mesurent pas leur ROI.