C'est un tournant historique sur le secteur des télécommunications : près de 150 ans après l'invention du téléphone, attribuée à Alexander Graham Bell et à ses contemporains, le réseau cuivre va finalement prendre sa retraite. Orange ne raccordera plus certains immeubles neufs à son réseau cuivre à partir du 1er décembre 2014. Le réseau téléphonique commuté (RTC) et l'ADSL (ou le VDSL) ne seront plus disponibles dans ces immeubles. Internet mais aussi le téléphone fixe emprunteront obligatoirement la fibre (ou dans une moindre mesure le câble).
Au mois d'avril dernier, Orange projetait de n'abandonner le cuivre qu'à partir de 2016. Mais dans un relevé de décision que le fondateur du repaire d'experts des télécoms LaFibre.info a obtenu mardi, le directeur technique d'Orange France Laurent Benatar a annoncé en interne et donc avancé la date.
Ce projet succède à une expérimentation démarrée en 2013 à Palaiseau, en région parisienne, mais aussi et surtout à l'arrêt le 2 octobre dernier de la commercialisation des offres cuivre grand public dans les immeubles neufs raccordés à la fois aux réseaux cuivre et fibre d'Orange.
Et donc à partir du 1er décembre, dans les nouveaux immeubles dont il sera l'opérateur de zone ou l'opérateur d'immeuble pour la fibre, et dans les communes disposant de Numericable, Orange ne raccordera pas en cuivre les immeubles résidentiels d'au moins quatre logements, dans les zones moins denses et dans les poches de basse densité des zones très denses, ou d'au moins douze logements dans le reste des zones très denses. Des opérateurs qui ne proposent que de l'ADSL, tels que Free en dehors des grandes villes, seront donc chassés de nombreuses communes.
Du cuivre mort né dans de futurs immeubles
En plus de la fibre depuis le 1er avril 2012, le code de la construction et de l'habitation impose encore aux promoteurs immobiliers l'installation d'un réseau cuivré au sein des immeubles. Dans les immeubles concernés, ce réseau privé ne sera pas raccordé au réseau public.Mais c'est du code des postes et des communications électroniques qu'Orange dépend. Celui-ci lui impose, en tant qu'unique délégataire du service universel, le raccordement et la fourniture d'un service téléphonique à toute personne le demandant. Mais le service universel est technologiquement neutre, comme nous le précise Jean-François Hernandez, directeur de la communication de l'Arcep, le régulateur des télécoms en France.
Téléphone fixe : fiabilité en baisse, complexité en hausse ?
Or depuis le mois de juillet, Orange peut rendre via la fibre toutes les prestations du service universel et la majorité des prestations proposées jusqu'à présent sur du cuivre. On peut tout particulièrement souscrire l'abonnement téléphonique traditionnel, au même tarif et dans les mêmes conditions. Si ce n'est qu'au lieu de brancher son téléphone directement à la prise, on emprunte pour le moment plusieurs intermédiaires. On branche en fait son téléphone à une Livebox accouplée à un ONT, comme avec une offre d'accès à Internet, comme nous l'a expliqué Jean-Benoît Besset, directeur stratégie valorisation réseau d'Orange France.Faute de téléphones fixes fibre, les non-internautes perdent donc la fiabilité et la qualité quasi infaillibles du vénérable téléphone analogique, qui fonctionnait sans équipements actifs et donc en l'absence de courant électrique. Certains équipements existants tels que des alarmes peuvent ne plus fonctionner s'ils empruntent la voix sur IP. Quant à la télécopie, comprise dans le service universel, elle marche « a peu près », c'est-à-dire qu'elle marche avec des documents courts mais pas avec des documents longs.
Une expérimentation pour l'Arcep, mais pas pour Orange
Baptisé ZLIN en interne, pour Zone logement immeuble neuf — « avec le Z de zéro cuivre », s'amuse son géniteur Jean-Benoît Besset — ce plan va certes dans le sens de l'histoire mais présente surtout de l'intérêt pour Orange. Vivien Guéant rappelle sur son forum LaFibre.info que le raccordement d'un immeuble lui coûte 400 euros, et que l'entretien du réseau cuivre lui coûte 150 à 200 millions d'euros par an. À terme l'opérateur historique pourra faire beaucoup d'économies, on ne compte par exemple qu'un NRO (nœud de raccordement optique) pour quatre NRA (nœud de raccordement d'abonnés), et il pourra revendre son cuivre brut. Rien que les câbles des Hauts-de-Seine étaient estimés à 50 millions d'euros au cours d'avril 2014.ZLIN est qualifié de « mise en place sous surveillance » par l'opérateur, mais d'« expérimentation » par le régulateur. Il fera quoi qu'il en soit l'objet d'un rapport, confié à l'ex-directeur de l'Arcep Paul Champsaur, attendu pour mi-décembre 2014. En tout cas la France est le premier pays d'Europe, sinon du monde, à tester grandeur nature l'abandon du cuivre.
Téléphone portable : découvrez des offres à bas prix sur notre comparateur de prix !