Bouygues Telecom : pourquoi la vente n'a pas abouti

Olivier Robillart
Publié le 01 avril 2016 à 21h32

En l'espace de seulement deux années, les tentatives de vente de Bouygues Telecom auront échoué par trois fois. Les derniers essais viennent de se terminer par un constat cinglant : malgré plusieurs semaines d'âpres négociations, les acteurs ne se sont pas entendus sur le montant final de la transaction. Pour que l'opération réussisse, il eut fallu que l'ensemble du secteur des Télécoms s'entende. Orange ne pouvait en effet reprendre in extenso son concurrent sous peine de voir le régulateur du marché contester l'opération.

Une fois l'opération bouclée, le combo Orange et Bouygues aurait formé un géant des télécoms contre qui SFR-Numericable aurait pu éventuellement lutter. Quant à la place des autres opérateurs (Free Mobile et MVNO), elle aurait été plus que réduite. Chacun devait donc faire des concessions, un pari patent à l'heure où la concurrence demeure rude sur le marché.

A ces difficultés s'ajoute un autre point de conflit de taille. L'accord de l'Etat est incontournable en tant qu'actionnaire de l'opérateur historique. L'entité publique détient 23% du capital d'Orange à travers, non seulement l'Agence des participation de l'Etat (APE), mais également Bpifrance. Elle doit donc donner son accord, ce dernier devant être verrouillé par Bercy, le ministère de l'Economie.

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Bercy sans concessions

En contrepartie de la vente de Bouygues Telecom à Orange, Martin Bouygues demandait la somme de 10 milliards d'euros, dont une partie aurait été en cash mais une autre, plus importante, sous forme d'actions. Estimé à hauteur de 6 milliards d'euros sur les comptes de Bouygues Telecom, l'Etat aurait été contraint de faire un effort. De même, Orange et son actionnaire auraient été sommés de proposer des actions de l'opérateur historique à bas prix.


De son côté, Martin Bouygues aurait dû s'engager à ne pas céder, ni acquérir de nouvelles actions dans la société pendant une période de 10 années (clause dite de standstill). Le capitaine d'industrie n'aurait donc pas été autorisé à monter au capital d'Orange, le privant d'une prise de contrôle lente mais certaine... Dans un communiqué, Bouygues reprend d'ailleurs certains de ces arguments pour commenter la rupture des bans. Parmi les causes qu'il met en avant figurent clairement : « le niveau de participation de Bouygues dans le capital d'Orange et la gouvernance associée pour être un actionnaire significatif permettant d'accompagner la croissance d'Orange sur le long-terme » ainsi que « la valeur retenue pour Bouygues Telecom ».

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Emmanuel Macron et le ministère de l'Economie auraient donc été les principaux artisans de cet échec. Bercy souhaitait que l'Etat demeure présent au capital du groupe au dessus des 20% et ce, sur le long terme. En conséquence, les exigences de Martin Bouygues (d'atteindre 15% d'Orange) ont été jugées trop gourmandes.

Free Mobile l'autre point compliqué

Autre point compliqué, Xavier Niel n'aurait pas été extrêmement intéressé par les actifs à acquérir. Selon Les Echos, Free Mobile aurait certes pu mettre la main sur une partie des fréquences de Bouygues Telecom et donc étendre sa couverture réseau. Dans le panier figurait toutefois le réseau de 550 boutiques physiques de Bouygues Telecom disséminées sur l'ensemble du territoire. Dans la mesure où la stratégie de Free Mobile n'a jamais été de miser sur une présence physique, mais plutôt sur la vente en ligne, ces actifs représentaient davantage un poids qu'un élément positif.

D'autant que si le rachat avait été finalisé, l'Etat aurait eu à coeur d'imposer aux partenaires plusieurs conditions d'ordre social (conservation du personnel sur une durée déterminée). Free Mobile aurait dû composer avec une variante des plus compliquées. Toutefois, les exigences d'Iliad n'auraient pas été un moteur de l'échec des négociations. Le groupe aurait tout simplement maintenu ses positions sans exiger davantage au fil des négociations.

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Bouygues Telecom, une stratégie du stand alone mais pour combien de temps ?

Demeure une question, suite à ces multiples échecs, que peut-il à présent advenir de Bouygues Telecom. Dans sa communication, l'opérateur insiste sur le fait que « dans un marché où l'hypothèse d'une consolidation devient désormais durablement exclue, Bouygues Telecom poursuivra sa stratégie stand alone ». Le message est clair, l'opérateur n'est plus à vendre, tout du moins pour les prochains mois.

Bouygues se cantonne à présent à ses propres objectifs et dit disposer « d'un avantage concurrentiel fort et durable grâce à son portefeuille de fréquences et à son réseau 4G ». Le marché demeure néanmoins extrêmement tendu et l'opérateur va devoir à nouveau séduire les clients du bien-fondé de sa démarche.

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Olivier Robillart
Par Olivier Robillart

Mêler informatique, politique et journalisme tu essaieras ! Voilà ce que m'a demandé un jour un monsieur ridé tout vert qui traînait dans un square en bas de mon immeuble. J'essaie désormais de remplir cette mission en tant que rédacteur pour Clubic. Je traite principalement de politique numérique tout comme de sécurité informatique et d’e-Business. Passionné de Star Wars, de Monster Hunter, d’Heroic Fantasy et de loisirs numériques, je collabore régulièrement à de multiples projets vidéo de la rédaction. J’ai également pris la fâcheuse habitude de distribuer aux lecteurs leur dose hebdomadaire de troll via la Clubic Week.

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