Autre époque, autres mœurs : là où, en 1997, il suffisait de changer de disque pour vivre la suite des aventures de Cloud Strife et de la joyeuse troupe d’Avalanche, 27 ans plus tard il aura fallu patienter pas loin de quatre longues années pour enfin sortir de Midgar et s’élancer à la poursuite de Sephiroth. Un sacré temps de chargement qui arrive enfin à son terme, avec à la clef la promesse d’un vaste monde ouvert, tout entier offert à notre soif d’exploration.
- Une aventure pleine de rebondissements…
- Le système de combat encore enrichi de nouvelles possibilités
- Une multitude d’activités annexes amusantes
- Visuellement et musicalement somptueux
- … mais étirée sur un temps trop long
- Une narration qui accuse quelques faiblesses de rythme
- Un monde ouvert trop vaste pour ce qu’il a à offrir
- Beaucoup d’objectifs anecdotiques
Mais si Square Enix a tenu son pari de faire du chapitre inaugural une aventure plutôt bien rythmée en dépit de fréquentes redites, qu’en est-il de cette suite qui, de l’aveu de son réalisateur Naoki Hamaguchi, réserve une bonne centaine d’heures de jeu aux plus téméraires ? Eh bien, nous allons le voir, malgré d’immenses qualités, pour partie héritées du premier acte, ils ont plutôt intérêt à l’être, téméraires.
Kalm avant la tempête
C’est dans la charmante ville de Kalm qui, d’ordinaire, porte plutôt bien son nom, que l’on retrouve notre équipe de fugitifs, planquée dans une petite auberge le temps que la poussière retombe sur Midgar après les événements cataclysmiques concluant le premier chapitre. Une petite pause avant de reprendre la route durant laquelle Cloud et Tifa racontent ensemble au reste du groupe le sort funeste réservé à leur village natal de Nibelheim par Sephiroth cinq ans plus tôt.
Un flashback introductif, comme le jeu nous en réservera quelques autres par la suite, qui, sous prétexte d’offrir à ce moment clef de l’histoire la mise en scène qu’il mérite, s’appesantit un peu trop lourdement à souligner le tragique de la situation.
D’emblée, Final Fantasy VII : Rebirth dévoile l’une des principales faiblesses de son approche narrative, à savoir cette propension à broder autour du récit original pour en exagérer les enjeux, au point d’en faire souvent trop et d’en affaiblir le rythme.
Un travers dont on pouvait déjà un peu s’agacer dans Remake, mais qui prend ici une autre dimension compte tenu des nombreux développements, pour certains inédits, dont l’histoire fait l’objet. Sans trop en dévoiler, disons que Rebirth revisite la chronologie des événements dépeints dans l’original en s’appuyant sur l’univers étendu de la licence, et prend même la liberté de la bousculer en offrant à Zack Fair un rôle de première importance.
De quoi surprendre les amateurs du jeu original, et plutôt dans le bon sens sur ce point. En revanche, l’omniprésence de Sephiroth le dévalorise. Le jeu en fait malheureusement des tonnes à son sujet, nous épuisant à force de chercher à en asseoir la stature, à tel point que ses apparitions finissent par en devenir prévisibles.
Fort heureusement, cette tendance à la grandiloquence est régulièrement contrebalancée par l’humour caractéristique de la licence et c’est finalement lorsqu’il parvient à jongler entre les registres que Rebirth se montre le plus convaincant.
L’illustration la plus probante en est sans nul doute le chapitre se déroulant à Junon, particulièrement rythmé et dont la tension dramatique s'accommode très bien de moments légers, voire carrément hilarants. Hélas, on ne peut pas en dire autant de toutes les parties du jeu. Il est fréquent que l’enthousiasme s’étiole au fil de séquences inutilement longues et verbeuses, quand elles ne nous obligent pas à « jouer » des moments narratifs auxquels on aurait encore préféré assister en simples spectateurs.
Du reste, il s’agit là d’un risque inhérent au parti pris de cette relecture en trois jeux : on peut difficilement revisiter une partie de l’histoire originale étirée sur une grosse cinquantaine d’heures de jeu et quelques milliers de kilomètres carrés sans s’appesantir artificiellement sur des moments anecdotiques ou qui, tout du moins, n’en méritaient pas tant.
Pour autant, on a quand même plaisir à retrouver des personnages marquants du jeu original, tels que Dio, le flamboyant taulier du Gold Saucer, Johnny, loser magnifique et optimiste forcené, ou encore Rochey, rival autoproclamé de Cloud introduit par Remake et qui connaîtra une destinée inattendue. Le jeu est même parvenu à nous émouvoir lors des retrouvailles entre Barret et Dyne, sans hésitation l’un des moments les plus forts de ce deuxième acte.
L'envers du monde ouvert
Mais revenons-en à nos fugitifs. Leur répit n’est que de courte durée et l’intervention des troupes de la Shinra dans les rues de Kalm les contraint à sortir des murs de la ville pour s’élancer dans les vastes plaines environnantes. C’est alors que se révèle à nos yeux l’immensité des terres à explorer, ce monde ouvert qui cristallise à lui seul l’essentiel des espoirs placés dans ce deuxième acte.
Et il faut bien reconnaître que s’y aventurer les premières fois suscite l'émerveillement. Au fil de l’aventure, on y traverse des paysages aux tonalités variées, des reliefs abrupts et arides de Cosmo Canyon à la forêt luxuriante où se niche le village de Gongaga en passant par les alentours paradisiaques de Costa Del Sol. Il n’est d’ailleurs pas rare de s’attarder longuement sur un panorama spectaculaire, à la faveur d’un point de vue haut perché. Visuellement, la map, comme on l’appelait autrefois, est un vrai régal à contempler. Mais la parcourir est une toute autre histoire.
Ce n'est pas tant que Cloud et sa clique aient des difficultés à cheminer sur des reliefs escarpés — encore qu’il faille parfois étouffer un juron devant leur refus arbitraire de franchir certains obstacles — mais ce monde ouvert n’a en réalité pas autant à offrir que nous l’espérions. Il s’agit avant tout d’un espace transitoire entre différentes destinations clefs.
Le jeu nous invite par de multiples biais à nous y attarder, mais trop rarement pour nous y raconter quelque chose d’intéressant. Square Enix emploie des artifices éculés pour donner corps à son monde ouvert, mais l’illusion ne prend pas ou si peu. Chacune des places fortes du jeu offre par exemple son lot de quêtes secondaires, rassemblées sur un tableau d'affichage ou confiées par leurs habitants, mais rares sont celles à nous emmener dans des lieux inédits ou à développer des histoires dignes d'intérêt.
L’exploration hors des sentiers battus n’est pas non plus récompensée par des découvertes inattendues puisque l'essentiel de ce qu'il y a à défricher se résume à des objectifs superficiels assignés par Chadley, prétexte à du remplissage digne du premier open world Ubisoft venu.
Des fragments de mémoire d'Esper à rassembler afin d’affaiblir ces derniers dans le simulateur de combat ; des gisements de Mako à débusquer, révélant des rapports d'exploration qui nous conduiront à leur tour à crapahuter jusqu'à leur emplacement pour le sport ; ou encore des tours à réactiver pour, je vous le donne en mille, étoffer davantage notre carte de destinations parfaitement accessoires.
Pour surcharger encore le tableau, ces promenades sont émaillées d’innombrables ressources à ramasser au sol pour alimenter le synthétiseur d’objet qui fait son apparition dans ce second volet.
Ces invitations à explorer le monde sont évidemment rétribuées en bonus d’expérience, argent, matérias ou pièces d’équipement, mais le plaisir du voyage et de la découverte y est somme toute assez limité. Et puis, à moins d’être un complétiste forcené, quel intérêt y’a-t-il à accumuler les richesses et à maximiser l'évolution de ses personnages si l’on se trouve privé des fruits de son labeur au lancement du dernier acte de l’histoire d’ici quelques années ?
Car, nous ne l’avons pas encore évoqué, mais de notre précieuse sauvegarde héritée de Remake il ne reste pour ainsi dire pas grand-chose. Au moment de lancer notre partie, elle a bien été détectée par le jeu, mais seulement pour nous offrir l’invocation Léviathan. Une bien maigre compensation au regard du temps investi dans Remake.
Certes, on pouvait se douter que l’on ne débuterait pas ce deuxième acte fort de toutes les évolutions acquises dans le premier, et ça n’est d’ailleurs pas si problématique en soi, mais il est alors difficile dans cette configuration d’inciter le joueur à explorer le monde de fond en comble si son seul intérêt à le faire réside précisément dans la quête de puissance.
Les joueurs que cette privation annoncée n’effraient pas pourront du reste compter sur les différentes espèces de Chocobo à dompter pour se faciliter la vie et la possibilité de restaurer divers réseaux de transport pour se rendre instantanément dans des régions du monde déjà visitées, tandis que le Tiny Bronco leur ouvrira l’accès aux zones côtières en toute fin d’aventure.
En définitive, c’est au cœur de ses villes et villages emblématiques que le jeu a le plus à offrir. La plupart fourmillent de petites activités amusantes, au premier rang desquelles l’excellent jeu de cartes Queen’s Blood, pour la maîtrise duquel on ne se trouve jamais à court d’adversaires.
Citons également le mini-jeu de piano, particulièrement exigeant et intéressant, ou encore les multiples distractions du Gold Saucer ou de Costa Del Sol. Les amateurs de belles prises de vue pourront évidemment compter sur un mode photo, mis en valeur au travers d’un club pour lequel partir en quête des meilleurs clichés.
Le nerf de la guerre
À cette multitude d’activités, il faut également ajouter celle qui occupe une bonne part du temps de jeu, à savoir la baston. Rebirth s’appuie bien entendu sur les excellentes bases posées par son prédécesseur. On retrouve donc cette hybridation réussie entre le temps réel et le tour par tour, étoffée de nouvelles possibilités offensives et défensives comme les compétences et actions synchronisées.
Les premières sont, au même titre que les compétences propres à chaque personnage, des techniques utilisables contre une ou deux jauges d’ATB et combinent les spécialités de deux de nos combattants dans des attaques joliment mises en scènes et généreuses en dégâts. Une nouveauté déjà aperçue dans l’épisode additionnel Intergrade et ici généralisée à l’ensemble des personnages de notre groupe.
Les secondes sont quant à elles des actions combinées gratuites enrichissant notre panoplie d’attaques normales histoire d’apporter un peu plus de variété aux affrontements et d’étoffer nos possibilités de combo.
Enfin, l’ajout de trois nouveaux personnages jouables - à savoir Yuffie, Red XIII et Cait Sith - vient encore étendre nos possibilités sur le champ de bataille et parfaire ce système de combat déjà bien rôdé. À noter que Vincent Valentine et Cid Highwind font bien leur apparition dans ce second chapitre mais ne sont, pour l’heure, pas encore jouables, à l’instar de Red XIII dans le précédent volet. Il faudra attendre la conclusion du triptyque pour enfin disposer de notre équipe au grand complet.
Son & lumière
Un mot enfin sur le versant technique du jeu pour clore cet article. Exclusif à la PS5, Final Fantasy VII : Rebirth peut dès lors se permettre d’afficher un maximum de détails en un minimum de temps de chargements. Les transitions entre les villes et le monde ouvert sont, la plupart du temps, imperceptibles, tandis que le jeu met le paquet pour sublimer ses décors et personnages à grands renforts de jeux de lumière absolument saisissants.
On note bien quelques retards d’affichage ici et là, ou encore ce léger flou en mode Performance que Square Enix promet de corriger le jour de la sortie, mais pas de quoi ternir la superbe plastique du jeu.
L’environnement sonore n’est pas en reste, à commencer par les formidables compositions musicales accompagnant l’action et épousant à merveille les transitions entre exploration et combat, en dépit de quelques pistes un peu assommantes à la longue durant l’exploration de certaines villes.
Quant aux doublages, on privilégiera une fois encore la version originale japonaise pour le talent et la conviction de ses comédiens, tandis que la piste française s’en sort honorablement.
Final Fantasy VII Rebirth : l'avis de Clubic
À la lecture de cet article, on pourrait penser que Final Fantasy VII : Rebirth nous laisse un goût amer. C’est vrai, le jeu manque de densité et accuse quelques sérieuses faiblesses de rythme, tandis que son vaste cadre est artificiellement rempli d’objectifs anecdotiques.
Square Enix a eu la folie des grandeurs alors qu’il aurait été mieux avisé de ramasser un peu plus sa proposition de monde ouvert et, surtout, de la penser autrement qu’il y a quinze ans. Heureusement pour lui, Final Fantasy VII : Rebirth compte tout de même quelques séquences mémorables, ponctuées d’un humour délicieusement décalé, et s’appuie sur un système de combat passionnant à maîtriser, tandis que de nombreuses et amusantes activités annexes sont là pour égayer nos séjours dans ses différentes places fortes.
Ce second acte est donc un patchwork d’intentions inégalement exécutées mais dont les belles réussites valent franchement le détour.
- Une aventure pleine de rebondissements…
- Le système de combat encore enrichi de nouvelles possibilités
- Une multitude d’activités annexes amusantes
- Visuellement et musicalement somptueux
- … mais étirée sur un temps trop long
- Une narration qui accuse quelques faiblesses de rythme
- Un monde ouvert trop vaste pour ce qu’il a à offrir
- Beaucoup d’objectifs anecdotiques