Alors que les maisons de disque et 52 artistes occupant le devant de la scène offrent un soutien explicite au projet de loi Hadopi, un « homme de l'ombre » tente de renouveler le modèle de la vente de disques en mettant en place un dispositif inédit qui permettra la création d'un CD à la demande. L'internaute sera amené à composer lui même la liste des titres qu'il désire voir figurer sur son disque, ainsi qu'à choisir les visuels, livrets et autres bonus qui l'accompagneront.
Rencontre avec Joachim Garraud, DJ, remixeur, producteur ; plus connu des adeptes des clubs que du grand public en dépit de ses collaborations avec des grands noms de la scène actuelle comme David Guetta ou Jean-Michel Jarre, à l'occasion de la sortie de son premier album, Invasion 2008, que l'internaute pourra donc personnaliser à loisir.
« La notion de partage modifie la valeur des choses. Or Internet favorise le partage, et l'on ne peut pas criminaliser cette tendance. Malheureusement, il se trouve que la musique est le contenu le plus facile à pirater, et qu'aujourd'hui la plupart des gens éprouvent le même plaisir à écouter un CD ou un MP3 », explique Joachim Garraud à Clubic.com. « Puisqu'il parait impossible de redonner sa pleine valeur au morceau en tant que tel, il faut que le CD en tant qu'objet retrouve de l'importance ».
« Pour le cinéma, on pensait que ça serait différent, mais finalement, ça ne l'est pas. Aujourd'hui, les gens préfèrent le plus souvent regarder un film téléchargé sur leur ordinateur portable que d'aller dans les salles ». Fort de ce constat, Garraud ambitionne donc de livrer clé en main le CD de son choix à l'internaute, et se sert de son premier album comme d'une expérience pilote.
A partir du 5 juillet, date de sortie officielle de cet opus qui ne sera distribué que sur Internet, l'internaute se verra offrir la possibilité de sélectionner les titres de son choix parmi une liste de cinquante morceaux originaux et remix signés Garraud pour composer son CD. Il pourra ensuite déterminer la nature du CD qui sera pressé (standard, carbone, ou gold), et faire son marché parmi différents livrets, bonus (DVD vidéo par exemple) et coffrets. Enfin, différents visuels seront proposés, avec la possibilité de faire inscrire un message personnalisé au dos de l'album.
« Pour un CD standard, avec le livret de base, et une douzaine de titres, il faudra compter environ 15 euros ». La version luxe, avec deux CD, un DVD bonus, un livret de 80 pages, atteindrait quant à elle une quarantaine d'euros. « Dans tous les cas, vous recevez votre album, chez vous, en 48 heures », souligne le DJ. « En parallèle, nous allons essayer de rendre le site vivant, avec des exclusivités, des morceaux mis en vente pour seulement quelques jours, etc. Enfin, nous proposerons au téléchargement payant des morceaux en WAV 24 bits échantillonnés à 96 KHz, au prix du MP3, histoire que les gens comprennent ce que c'est que le bon son ».
« Le plus dur a été de synchroniser le site, et le dispositif de commande en ligne, avec le système informatique de la société qui presse les disques, ainsi qu'avec la Poste, qui assure les livraisons en France », explique encore Joachim Garraud, qui, par la suite, verrait bien cette plateforme commercialisée en marque blanche auprès d'artistes ou de distributeurs intéressés. « Elle permettrait par exemple à un groupe de proposer ses albums dans un pays pour lequel il n'a ni maison de disques, ni accord de distribution », justifie-t-il, endossant sa casquette de producteur.
En attendant de savoir si cette initiative recueillera les suffrages des internautes, aujourd'hui peu enclins à se déplacer en magasin pour acheter des disques, Garraud et son équipe reconnaissent réfléchir au moyen de lutter contre le piratage d'un album dont les titres se retrouveront immanquablement sur les réseaux d'échange.