Michel Piquemal, Access - "l'OS mobile ALP est un produit déterminant pour notre stratégie"

Alexandre Habian
Publié le 30 juillet 2008 à 18h00
Michel Piquemal est le directeur du développement et le responsable pour la France de la société Access, qui développe les systèmes d'exploitation mobiles Garnet OS (ex Palm OS) et ALP (Access Linux Platform), en parallèle du navigateur web multi-plateforme NetFront.

Michel Piquemal bonjour, où en est aujourd'hui le développement du système ALP pour mobiles et smartphones ?
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ALP est un produit déterminant pour la stratégie d'Access. Mais nous avons aussi une position de leader dans le monde des navigateurs web pour set-top box, mobiles et systèmes embarqués pour voitures. En Europe, Netfront est entre autres intégré dans les mobiles Sony Ericsson et dans bon nombre de mobiles Samsung. Access ne tente pas de développer sa marque auprès du grand public.

Netfront a été déployé 600 millions de fois dans le monde. Le niveau des déploiements connait une très forte accélération depuis un an (on a doublé nos chiffres en un an). Nous sommes dans ce secteur dans une logique B2B. Du coté de ALP, notre but est d'étendre nos activités sur le monde des développeurs. Netfront tire la majorité des revenus du groupe avec le cœur du navigateur et dans certains cas (au Japon) avec une collection d'applications qui se sont greffées autour de Netfront (dont la messagerie instantanée). Nous croyons également au développement de nouvelles technologies comme le DLNA (Digital Living Network Alliance) via notre fonction « Netfront Living Connect ».

Avec ALP, vous laissez tomber définitivement le système Garnet OS ?
Nous avons revendu les droits sur la marque Palm avant même que Access acquiert Palmsource. Le nouveau système d'Access est aujourd'hui ALP. L'un de ses composants phare est d'être doté d'une machine virtuelle qui permet de faire fonctionner l'ensemble des applications Garnet OS. Plus de 80% des applications Garnet OS devraient être compatibles avec notre système mobile. Au moment de la sortie de Palm OS 5, nous avions déjà fait une migration importante des terminaux à processeur Motorola vers des terminaux à processeur ARM. Nous utilisons cette même technologie dans notre moteur Linux.

Du côté des licenciés Garnet OS, le produit que l'on commercialise aujourd'hui est encore une fois exclusivement ALP. Nos licenciés actuels peuvent continuer à développer du Garnet OS mais nous les encourageons à investir directement dans notre nouvelle version de l'OS mobile. Mais il reste difficile de les pousser à migrer en attendant qu'il y ait un volume suffisant de terminaux ALP pour que les développeurs fassent le premier pas. D'autant plus que ALP offre de nouvelles possibilités de développement plutôt que de simplement autoriser le portage d'applications de Garnet OS vers ALP.

La stratégie Linux s'est faite de manière concomitante entre la sortie de ALP et l'annonce de Palm OS 6. Palmsource avait donc déjà décidé d'investir sur cette technologie opensource. Le problème de Palm OS 6 Cobalt concernait de plus son côté fermé avec des drivers propriétaires qui devaient entre autres être de re développés. Mais nous nous sommes servis d'une partie des développements de Cobalt sur d'autres solutions.

Quels sont les avantages de ALP face à d'autres systèmes open source comme Symbian OS de Nokia (fondation Symbian) ou Android de Google ?
L'avantage de Linux pour mobiles est la portabilité du système. Les vendeurs de chipsets commencent à développer des drivers et ont commencé à les concevoir en natif sur Linux. Avec notre solution, il devient donc plus simple de porter ces drivers sur nos solutions. Comparativement aux autres concurrents de Linux mobile, nous sommes disponibles auprès des constructeurs partenaires depuis plus d'un an. Les SDK sont disponibles pour les développeurs et nous pensons que l'approche Linux est la bonne car l'ensemble de l'industrie est avec nous derrière cette idée d' « ouverture ». Nous sommes membres de l'association LiMo pour démocratiser ces usages avec des opérateurs clés (Vodafone, DoCoMo, Orange) et des constructeurs de terminaux (Samsung, LG, Motorola).

Le problème des sorties de terminaux dépend des constructeurs de terminaux mobiles. Nous travaillons de manière très proche avec Samsung et Orange. Toutes ces entités font tous les efforts pour lancer les premiers terminaux ALP aussi vite que possible. Il y a une différence fondamentale entre Google et nous car Google est fournisseur de services. Et Google est avant tout une agence publicitaire et garde une stratégie de communication vis à vis de cela. Ils font de la technologie pour vendre de la publicité.

Le système ALP est opensource mais payant avec des composants propriétaires. Le modèle d'Access est un modèle avec un coût de développement et un cout de licences associées. Dans le cas de Symbian, dans la réalité, il n'y a pas grand chose qui va réellement changer. Nokia était déjà plus ou moins propriétaire de Symbian et reste l'une des seules compagnies à déployer du Symbian. Sur l'aspect distribution de Symbian et S60, ils ont certes l'intention de le mettre en open source dans un horizon de 2 ans mais Nokia contrôlant 40% du marché mondial des mobiles, son objectif est d'en faire une plateforme de services avec OVI.

Il y a donc des enjeux stratégiques dans le choix d'une plateforme qui vont au dela du prix de la licence, même gratuite. Qui contrôlera la R&D de Symbian ? Cela sera entièrement Nokia. Il est important de pouvoir se différencier. Le monde du PC est essentiellement un monde de clone avec peu d'acteurs qui se différencient. Dans le marché du mobile, chaque constructeur à voulu développer une image de marque importante. Je doute qu'un Samsung veuille avoir une interface qui ressemble à celle d'un Nokia.

Avec ALP, comptez-vous développer une interface tactile aussi innovante que celle de l'iPhone d'Apple ?
Les interfaces tactiles, c'est comme la mode, tout le monde sort la même couleur en même temps. Elles étaient aussi dans nos cartons. Nous avons déjà dévoilé au dernier Mobile World Congress de Barcelone certains prototypes de terminaux avec une interface tactile utilisable au doigt. Elle pouvait être utilisée au doigt, au stylet, avec un clavier virtuel ou avec un clavier de mobile classique. Nous ne visons en revanche pas que le segment des mobiles milieu ou haut de gamme. L'enjeu est de descendre en gamme mais si nous nous doutons que les premières implémentations de ALP se feront sur des terminaux milieu ou haut de gamme.

Recrutez-vous toujours de nouveaux licenciés avec le système ALP ?
Nous recrutons toujours de nouveaux licenciés. De nouveaux acteurs sont sur le point de signer avec nous. Nous parlons de plus avec l'ensemble des acteurs de la mobilité, opérateurs et constructeurs. En Europe, il est à noter que ce ne sont pas les opérateurs qui licencient nos systèmes mais ce sont tout de même des donneurs d'ordre qui mettent en avant ALP auprès de leurs clients.

Nous visons donc à faire un ensemble de services et d'applications liés aux opérateurs. Au delà de la personnalisation graphique, les opérateurs veulent des services à valeur ajoutée comme la TV mobile ou le téléchargement de musiques. Nous travaillons d'ailleurs avec Bluestreak et Packetvidéo pour développer ces activités. Cela nous permet d'aller voir ensuite un constructeur de mobiles pour lui demander d'utiliser ALP dans le but de concevoir un terminal avec une « signature » opérateur.

Et comment comptez-vous développer ALP face au nouveau système mobile de Palm également dérivé de Linux ?
Palm semble suivre sa propre route autour de Linux. Nous n'avons pas plus d'informations sur le sujet. La guerre n'est pas forcément déclarée avec nous sachant que Palm dispose de toute façon également d'une licence Garnet OS. Palm est sur un segment de marché qui reste assez restreint.

Access a une filiale importante en France avec une soixantaine de salariés et un centre de R&D entièrement tourné autour de ALP. Cela fait partie de notre stratégie produit. Des pans entiers de ALP sont développés ici. Cela permet d'augmenter notre présence en Europe pour déployer localement des ressources. Les opérateurs qui ont une stratégie Linux les plus avancées sont Orange et Vodafone. Et nous tenons à être présents avec des acteurs locaux pour dialoguer avec des derniers.

Michel Piquemal, je vous remercie.
Alexandre Habian
Par Alexandre Habian

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