L'opérateur historique jouerait-il la montre? France Télécom Orange (FTO) vient en effet d'annoncer que le déploiement de son réseau Internet à très haut débit, via la fibre optique, serait retardé d'un an. Cette annonce a été confirmée lors de la conférence « i2010: quelle société de l'information pour demain? », après la publication, mardi, d'une lettre du directeur exécutif France du groupe de télécommunications Louis-Pierre Wenes, dans la Correspondance de la presse. Ce retard serait imputable à « un manque de clarification du cadre réglementaire ».
Alors que les opérateurs concurrents Free et SFR comptent, respectivement, investir un milliard d'euros dans la fibre, que la Loi de Modernisation de l'Économie (LME) vient d'être publiée au Journal officiel (5 août 2008), mentionnant les modalités de mutualisation du réseau national, cette annonce brouille d'autant plus les pistes. En 2006, France Télécom avait annoncé un « prédéploiement », qui visait à raccorder à la fibre de 150.000 à 200.000 clients sur plus d'un million de clients raccordables fin 2008, pour un investissement total d'environ 270 millions d'euros.
Le déploiement de la fibre en France représente une étape majeure dans la modernisation du pays. Depuis plusieurs années les opérateurs cherchent à renouveler une infrastructure de télécommunication en fil de cuivre vieille de près d'un siècle, et qui a généralement demandé d'énormes travaux de génie civil. L'opérateur historique, France Télécom, propriétaire de la marque Orange, présente dans plusieurs pays d'Europe (Espagne, Pologne, Royaume-Uni, France), est accusé de profiter de sa position dominante sur ce marché des « tuyaux de communication ». Free rétrocèderait ainsi près de sept euros à FTO, pour chaque ligne dégroupée.
Avec la LME, le groupe se voit désormais dans l'obligation de « partager » ses infrastructures lourdes avec ses concurrents sur le marché. Certains comme Neuf et SFR ont, eux, choisi de déployer une partie de leur réseau le long des lignes de chemin de fer et voies fluviales afin d'en faciliter l'installation. Mais ils s'associent également avec d'autres comme Free pour revendiquer auprès de FTO un accès aux boucles locales.
Car si tout le monde s'accorde sur le principe d'une mutualisation des fibres optiques, la question du lieu de cette mutualisation reste complexe. Comme pour l'ADSL, Free propose de la gérer depuis les dizaines nœuds de raccordement optiques (NRO) parisiens, tandis que France Telecom lui propose une connexion directe, mais plus laborieuse, aux pieds des 90.000 immeubles de la capitale (Fiber To The Home ou FTTH). Resterait alors aux syndics le choix du fournisseur. Problème: la mutualisation au pied du bâtiment serait plus complexe à mettre en place pour les challengers de FTO.
Reste que tous les opérateurs n'ont pas attendu ces décisions pour commencer leur déploiement de fibres sur les boucles locales et même jusqu'au pied des bâtiments. Pour preuve, Numéricable avait, en juillet dernier, été bousculé par les autres opérateurs après la diffusion d'une pétition qui visait à justifier un amendement autorisant la société à déployer sa fibre au sein de ses réseaux ADSL préexistants (sous prétexte de « rénovation »), sans le consentement du syndic.
L'Institut de l'Audiovisuel et des Télécommunications (Idate) estimait en 2006 que le remplacement du haut débit classique par le très haut débit commencera à être significatif en 2010/2012. Le très haut débit devrait représenter 27% (FTTH à 18%) du total de la base « broadband » en 2015.