Bien que l'amendement 138, validé hier par le Parlement européen à une large majorité, ait été interprété par tous comme le refus du concept de riposte graduée tel que souhaite le mettre en place le gouvernement français, la ministre de la Culture Christine Albanel a affirmé hier soir dans un communiqué que ce vote ne s'opposait pas à « l'approche préventive et graduée contre le piratage » du projet de loi « Création et Internet ». Le cabinet de la rue de Valois rappelle que d'une part, il n'est pas dit que la suspension de l'abonnement à Internet puisse être considéré comme une atteinte aux libertés individuelles, et d'autre part que ce vote n'est qu'une première étape du processus de ratification au niveau européen : le texte peut donc une nouvelle fois être amendé, cette fois-ci en faveur de la riposte graduée.
Voté à une majorité de 88,6%, l'amendement 138 impose qu'aucune restriction aux libertés individuelles du citoyen ne doit être prise sans décision préalable de l'autorité judiciaire, sauf dans les cas où il en irait de la sécurité publique, ce qui ne risque guère de concerner le téléchargement de films ou de MP3. Le fait de suspendre temporairement l'abonnement à Internet d'un citoyen convaincu de téléchargement illégal doit-il être considéré comme une atteinte aux libertés individuelles ? Christine Albanel et les ayants droits répondront que non, alors que les internautes visés adopteront vraisemblablement le point de vue inverse. C'est à eux que semble donner la raison la Charte des droits fondamentaux européenne - sans oublier un précédent vote européen - puisqu'elle défend le droit à une information libre qu'aucune autorité publique ne doit avoir le pouvoir d'entraver.
Pour la ministre, les mesures envisagées par le projet de loi Hadopi « ne portent en aucun cas atteinte » aux droits et libertés fondamentaux. Elle observe en outre que la Cour de justice des communautés européennes a déjà rappelé qu'une liberté ne devait être défendue au détriment d'une autre et qu'il était impossible de négliger les « droits de propriété des artistes et des industries culturelles avec la liberté de communication sur les réseaux numériques ». L'un de ces deux droits doit-il primer sur l'autre ?
Passé en première lecture devant le parlement européen, le texte du « paquet télécom » devra encore être étudié par le Conseil de l'Union et par la Commission européenne. Si ces derniers décident d'opérer des modifications au texte, celui-ci devra alors passer en seconde lecture au Parlement. Autrement dit, rien n'est jouté pour Christine Albanel, qui précise « qu'aucun des Etats membres qui composent le Conseil, pas plus que la Commission, n'ont manifesté leur volonté de soutenir un amendement de cette nature » et que son adoption définitive parait donc, à ce stade du processus, « hautement improbable ».