Alors que Christine Albanel se félicite du vote par le Sénat du projet de loi « Création et Internet », le quotidien La Tribune publie aujourd'hui les conclusions d'un avis rendu le 29 avril dernier par la Commission nationale informatique et libertés (Cnil), qui se montrait alors des plus sévères vis à vis des mesures préconisées par le gouvernement. Le rapport, qui n'est que consultatif, souligne, en vrac, le caractère trop restrictif de « la liste des exonérations prévues par le projet de loi », la potentielle « atteinte excessive à la protection des données à caractère personnel », sans oublier un « risque d'atteinte aux libertés individuelles ».
Chargée de juger des modalités d'application du projet, et non la portée de ce dernier, la Cnil prononce donc un avis défavorable, motivé par un trop grand nombre d'imprécisions et de lacunes, susceptibles d'engendrer des risques de nature diverse pour le citoyen. Au rang des flous artistiques, la commission dirigée par Alex Türk constate en premier lieu que le projet de loi laisse aux ayants droits toute la marge nécessaire pour eux-mêmes qualifier les faits dont ils sont victimes, puisqu'ils pourront saisir l'Hadopi pour « manquement à l'obligation de sécurisation du poste informatique », mais aussi s'adresser à un juge civil ou à un juge pénal pour « acte de contrefaçon ».
Principal cheval de bataille de la Cnil, le respect de la vie privée serait également compromis par le projet de loi Hadopi, dans la mesure où la haute autorité qu'il institue procèderait à la constitution d'un fichier recensant les données nominatives des titulaires de ligne convaincus de téléchargement illégal. Pour la Commission, qui invoque un précédent avis déjà émis par le conseil constitutionnel, une telle mesure ne doit être prise qu'après avis d'un juge, et « le projet de loi ne comporte pas en l'état les garanties nécessaires pour assurer un juste équilibre entre le respect de la vie privée et le respect des droits d'auteur ».
Interrogée vendredi à ce sujet par nos soins, Christine Albanel confirme qu'il est bien question de construire un tel fichier. Sans explicitement rappeler que « la fin justifie les moyens », pour reprendre le proverbe consacré, elle explique simplement qu'il est impossible de mettre en place un dispositif gradué si l'on ne dispose pas d'un outil permettant d'assurer le suivi des avertissements et sanctions prononcés.
En conclusion de ce long avis, intégralement retranscrit par La Tribune, la Cnil « relève que le projet de loi attribue à des agents des compétences » jusqu'ici réservées aux autorités judiciaires agissant dans le cadre d'une procédure ad hoc, et « estime dès lors que le projet de loi ne comporte pas en l'état les garanties nécessaires pour assurer un juste équilibre entre le respect de la vie privée et le respect des droits d'auteur ».