Officiellement conçu pour répondre aux objections formulées par le Conseil constitutionnel au sujet de la loi « Création et Internet », le nouveau texte qui sera présenté au Parlement dans l'été soulève lui aussi son lot de problèmes. Selon le quotidien La Tribune daté de mardi, le Conseil d'Etat aurait en effet émis un avis critique sur le projet, et insisté sur le fait qu'il présente lui aussi par endroits un caractère anticonstitutionnel.
Principale pierre d'achoppement pour le Conseil d'Etat : le système d'ordonnance pénale voulu par le gouvernement, qui constituerait une atteinte à la séparation des pouvoirs, principe selon lequel les fonctions administratives de l'Etat ne doivent pas interférer avec ses fonctions judiciaires. « La procédure choisie, l'ordonnance pénale qui a la faveur du gouvernement, réduit l'intervention judiciaire à un simple rôle quasi administratif, sans aucun débat », explique la plus haute juridiction administrative française.
Dans le système de l'ordonnance pénale, que connaissent déjà certains (ex) titulaires du permis de conduire, le juge se borne en effet à prononcer sans réel débat la condamnation infligée au contrevenant, sans débat contradictoire.
Problématique également, le projet de décret qui sanctionnerait de 1500 euros d'amende et d'un mois de suspension d'accès à Internet les internautes convaincus de téléchargement illégal, qui là encore témoigne d'une incursion du législatif dans l'enceinte gardée du judiciaire. Enfin, le Conseil d'Etat remarque et déplore la présomption de culpabilité posée par la nouvelle loi Hadopi, en soulignant que cette dernière ne peut être admise que s'il est matériellement possible d'apporter la preuve de son innocence.
Bien que cet avis n'ait qu'une valeur consultative, il laisse présager des débats orageux lors de l'examen par les deux Chambres de cette « Hadopi 2 », déposée officiellement comme le « projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet ». Ce faisant, le Conseil d'Etat laisse également entrevoir quel pourrait être son verdict s'il était saisi suite à la publication du décret instituant le couple amende / suspension d'un mois.