« Une loi plus ou moins avortée, qui ne servira à rien ». Voilà comment Jacques Attali, qui défend depuis plusieurs années le modèle de la licence globale, résume dans une interview accordée au quotidien Libération le projet Hadopi, dont le dernier acte doit se jouer courant septembre au Parlement. Une loi qui selon lui présente l'intérêt de « défendre quelques vedettes politiquement très visibles », mais qui ne soutient pas réellement la création. Début 2008, il fustigeait déjà le principe de lutte contre le téléchargement illégal par la répression au travers de son rapport « Pour la libération de la croissance française ».
L'économiste, ancien conseiller de François Mitterand, enfourche donc une nouvelle fois son cheval de bataille : la licence globale, un mécanisme dans lequel une rémunération fixe et forfaitaire, de quelques euros par mois, permet à l'internaute d'échanger librement sur Internet musique et vidéo, dans les limites d'un usage non commercial.
Pour mettre le pied de l'industrie culturelle à l'étrier, Jacques Attali suggère le recours à la « licence musique » préconisée par Laurent Petitgirard, ex président de la Sacem. Un portail « officiel » permettrait alors aux internautes de télécharger des morceaux à volonté, à partir du catalogue des maisons de disque intéressées par l'idée, en échange d'un abonnement mensuel.
« Quand la Sacem aura accepté de changer de paradigme, la discussion sera infiniment plus ouverte et beaucoup d'autres choses pourront être admises », indique jacques Attali, reconnaissant qu'il faut encore « que soient étudiés tous les aspects d'une telle licence : comment la rémunération est construite, quel est son montant, son mode de suivi, son mode de répartition, etc. ».
Campées sur leurs positions, sociétés d'auteur et grandes maisons de disque courraient à leur perte. Avec l'arrivée, plus ou moins inéluctable selon Attali, de la licence globale, l'ensemble du secteur aurait intérêt à se mobiliser pour que naisse un système équitable de répartition des droits. « Tout dépendra du caractère démocratique, transparent et clair de la répartition par les sociétés d'auteur de cette manne nouvelle. Et du rôle des FAI dans cette répartition. C'est pourquoi un accord entre fournisseurs d'accès, majors et sociétés d'auteurs est fondamental », insiste-t-il, avant de prévenir : « si la négociation se passe mal, dans dix ans les sociétés d'auteur n'existeront plus, tout sera réparti entre majors et FAI ».