Le principal motif de censure (partielle) du premier volet de la loi Hadopi était que les sanctions n'étaient pas prononcées par un juge, mais par une autorité administrative. Un point qu'a retenu le Conseil constitutionnel, estimant que dans la mesure où la suspension de l'abonnement à Internet constituait une entrave à la liberté d'expression et de communication, cette dernière ne pouvait être prononcée que par le pouvoir judiciaire.
Afin de répondre à cette objection, Hadopi 2 replace bien le juge au centre du processus de sanction, mais prévoit l'ordonnance pénale, un système simplifié que l'on n'utilise généralement que dans le cadre de délits où la culpabilité de l'accusé ne fait aucun doute (l'exemple typique étant une infraction au code de la route telle que l'alcoolémie, attestée par une mesure certifiée) tout en laissant toute latitude à ce dernier pour déposer un recours.
Pour les auteurs de la saisine, les actes de contrefaçon constituent un « contentieux dont la complexité commande le maintien de toutes les garanties procédurales » et ne sauraient être traités par une ordonnance pénale. « Les simples relevés d'adresses IP sont des éléments de preuve éminemment discutables et contestables qui se doivent d'être discutés dans le cadre d'une procédure contradictoire », insistent-ils.
Le recours invite par ailleurs le Conseil constitutionnel à se pencher sur la question de l'inégalité face à la sanction de suspension de l'abonnement à Internet, qui pourrait se révéler plus délicate à mettre en oeuvre dans les zones non dégroupées. « Dès lors, il est manifestement contraire au principe d'égalité devant la loi pénale d'établir une sanction dont la mise en œuvre ne sera pas la même sur l'ensemble du territoire national et dépendra des contingences techniques ».
Entre autres choses, la saisine réclame encore que soit supprimé l'article 7, qui propose que l'abonné suspendu continue à payer son forfait Internet, toujours au nom du principe d'égalité puisque le montant ne serait pas le même pour tout le monde. Elle dénonce également la possibilité qu'aura le juge de choisir entre deux délits (contrefaçon ou défaut de sécurisation de la ligne) alors qu'aucun critère précis ne régit la distinction entre les deux.
Au total, la censure de cinq des treize articles de la loi est demandée. Le Conseil constitutionnel les envisagera l'un après l'autre, et pourra choisir de laisser passer, ou autre contraire de censurer partiellement, voire totalement, les parties du texte qu'il estimera litigieuses. Il dispose d'un mois pour rendre son verdict. Un délai au terme duquel on saura si la loi Hadopi 2 entrera en vigueur, ou se verra au contraire vidée de tout ou partie de sa substance.