Sur les pouvoirs conférés aux agents de la Hadopi
L'opposition estimait dans son recours que la mission et les pouvoirs des membres de la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet n'étaient pas clairement définis, laissant de fait la place à une « obscurité » susceptible d'entrainer des dérives. Le Conseil constitutionnel a décidé d'écarter ce motif de grief, estimant que la loi était suffisamment claire sur ce point.
« Les autorités judiciaires compétentes apprécieront au cas par cas, comme il leur appartient de le faire, si un supplément d'enquête ou d'instruction est nécessaire ou si les éléments de preuve rassemblés par les fonctionnaires et agents chargés de fonctions de police judiciaire suffisent à établir la culpabilité de la personne mise en cause », rapporte-t-il dans sa décision.
Sur l'ordonnance pénale
Afin de répondre à la censure du premier volet de la loi, Hadopi 2 replace le juge au centre du processus de sanction, mais prévoit l'ordonnance pénale, un système simplifié que l'on n'utilise généralement que dans le cadre de délits où la culpabilité de l'accusé ne fait aucun doute (l'exemple typique étant une infraction au code de la route telle que l'alcoolémie, attestée par une mesure certifiée) tout en laissant toute latitude à ce dernier pour déposer un recours.
Partant du principe qu'un relevé d'adresse IP n'a pas valeur de preuve irréfragable, il a été demandé au Conseil d'étudier la question. Celui-ci a écarté les contestations, en expliquant qu'il avait déjà admis la constitutionnalité de cette procédure en 2002 (décision n° 2002-461 DC).
En revanche, il a décidé de censurer les dispositions de l'article 6.II « permettant au juge de statuer par ordonnance pénale sur la demande de dommages et intérêts », estimant « qu'il incombait alors au législateur de fixer dans la loi les règles applicables et non de les renvoyer au décret ».
Dans le second alinéa de cet article, la loi prévoyait en effet que la victime puisse demander au juge de se porter partie civile, en vue de l'obtention de dommages et intérêts. Selon le Conseil, il appartient justement à la loi, et non au juge, de définir les modalités de son application. On notera qu'il ne s'agit pas d'un rejet pur et simple, mais d'une demande de précisions.
Sur la suspension de l'abonnement à Internet
Instaurée à l'article 7 de la loi, la peine complémentaire de suspension de l'abonnement à Internet « ne méconnaît ni le principe de nécessité des peines ni le principe d'égalité devant la loi », pour le Conseil. « Elle n'est notamment pas caractérisée par une disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. Son instauration relevait donc du pouvoir général d'appréciation du législateur ». Sur ce point, les dispositions d'Hadopi ne changent donc pas, de même que le fait que l'internaute continue à payer son abonnement durant la suspension n'a pas motivé une quelconque censure.
Délit ou contravention ? Les deux, mon capitaine
Il en va de même au niveau de l'article 8, qui posait quant à lui, en parallèle du délit de contrefaçon jugé par ordonnance pénale, la mise en place d'une contravention de cinquième classe, accompagnée d'une suspension d'abonnement d'un mois, pour « négligence caractérisée » de son accès. « Il reviendra au pouvoir réglementaire de définir les éléments constitutifs de cette infraction, dont le Conseil constitutionnel n'est pas saisi », expliquent les Sages, qui laissent donc ici toute latitude au gouvernement pour déterminer ce qui relèvera de l'une ou l'autre des infractions envisagées. Problème : pour l'instant, celui-ci n'a jamais donné la moindre information à ce sujet...
Et maintenant ?
Le seul point rejeté par le Conseil constitutionnel aura été celui de la constitution d'une partie civile dans le cadre de l'ordonnance pénale. Un point de détail, si l'on le compare aux multiples zones d'ombre qui planent toujours sur le texte. La très large latitude laissée aux agents de la Hadopi dans la constitution de leurs dossiers à charge, l'ordonnance pénale qui normalement n'est valide que dans les cas où la culpabilité ne laisse qu'à peine place au doute, la totale absence de démarcation entre contrefaçon et négligence caractérisée ; ces points ont été jugés conformes à la constitution.
Il appartiendra tout de même au gouvernement de reformuler l'article partiellement censuré.
Consulter la décision du conseil constitutionnel.