Une paire de satellites Galileo, avec la configuration utilisée pour Soyouz... Elle sera peu ou prou identique avec Falcon 9 © ESA–Pierre Carril, 2016
Une paire de satellites Galileo, avec la configuration utilisée pour Soyouz... Elle sera peu ou prou identique avec Falcon 9 © ESA–Pierre Carril, 2016

La constellation de positionnement européenne fonctionne à merveille, mais doit renouveler ses tout premiers satellites… Et cela devient pressant ! Problème, Soyouz n'est plus disponible et Ariane 6 n'est toujours pas au rendez-vous. Malgré ses réticences, les quatre prochaines unités décolleront avec SpaceX !

Galileo est un système discret. Pourtant, qu'il soit utilisé par nos smartphones, nos montres connectées, nos voitures ou même nos militaires, sa précision et sa fiabilité sont devenues des atouts majeurs pour le programme. Entre 2011 et 2021, ce sont 28 satellites qui ont décollé du Centre Spatial Guyanais pour former, à environ 20 000 km d'altitude, une constellation qui aujourd'hui fait référence au même titre que le GPS, Glonass (Russie) ou Beidou (Chine).

Malgré tout, en une décennie, les autres systèmes ont progressé et nos satellites ont vieilli. L'Union européenne, responsable du projet, a déjà engagé les travaux pour une nouvelle génération, et prévu de remplacer les premières unités en continu… Mais depuis 2022, il y a un problème majeur : plus de fusée pour les envoyer.

Les satellites Galileo font bien l'affaire. Mais ils vieillissent... © ESA
Les satellites Galileo font bien l'affaire. Mais ils vieillissent... © ESA

Galileo fonctionne bien, mais…

En effet, les satellites ont jusqu'ici décollé soit par grappes de quatre avec Ariane 5, soit par duos grâce à des fusées Soyouz ST, la version décollant depuis la Guyane. Deux satellites devaient d'ailleurs décoller en mars 2022… Lancement annulé quelques jours à peine après l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Puis les trains de sanctions et de contre-sanctions sont venus paralyser la collaboration. Soyouz ST, c'est terminé. Et les satellites Galileo, eux, ont repris le chemin vers l'Allemagne, au stockage en attendant Ariane 6.

Le souci bien entendu, c'est que les satellites déjà en orbite vieillissent. Leur durée de vie initiale n'était prévue que pour dix ans, et comme il s'agissait de la première génération, certains ont souffert de petites erreurs (notamment sur quelques-unes de leurs horloges atomiques, heureusement qu'ils en embarquent quatre chacun). Il devient donc urgent de remplacer les premières unités.

En octobre 2023, 23 unités sont actives. Encore suffisant pour une couverture globale, mais il n'y a pas de marge ! Surtout, envoyer une paire de satellites ne garantit pas qu'elle soit active tout de suite. Il faut plusieurs mois pour qu'elles arrivent à leur emplacement « final » dans la constellation, et qu'elles soient étalonnées pour la très grande précision requise.

Les institutions ont joué le jeu

Sur le sujet, l'Europe, que ce soient l'Union européenne ou l'ESA ont été proactives. Les décollages de Galileo figurent en bonne place sur le manifeste d'Ariane 6… mais cette dernière n'est malheureusement pas disponible. Plus ennuyeux encore, il lui reste d'importants tests à passer, et on sait désormais que le décollage inaugural (qui n'embarquera pas de Galileo) n'est plus attendu avant au moins le deuxième trimestre 2024. Le tir suivant ? Fin 2024… Peut-être.

Cela fait bien peu de garanties pour l'Europe, qui a pris pratiquement 20 ans à construire un service précis et fiable. Qu'importe, donc, la préférence européenne sur les lanceurs, la durabilité du service Galileo devient prioritaire pour maintenir la couverture. Une situation que les Européens auraient bien voulu éviter, d'autant que Galileo est un système souverain : tout a été pensé pour ne pas dépendre d'autres nations ou pôles d'influence. Il y a quelques mois encore, alors que plusieurs charges utiles traversaient déjà l'Atlantique comme le télescope Euclid, passer un contrat avec SpaceX pour Galileo semblait encore improbable.

Difficile de lutter contre Falcon 9 © SpaceX

L'Europe spatiale est dos au mur

Pourtant, il n'y a pas vraiment d'alternative aujourd'hui pour envoyer des satellites Galileo en 2024. Les lanceurs éventuellement encore disponibles en Inde (PSLV) sont trop peu puissants pour des paires de Galileo, la Russie est toujours isolée sur la scène internationale, la Chine n'en parlons pas… Le Japon n'a pas de disponibilité, et les concurrents américains de SpaceX font face aux mêmes soucis de retard qu'Arianegroup.

SpaceX est dans un fauteuil royal en attendant (de pied ferme) l'arrivée de la concurrence. C'est dans ce cadre que l'Union européenne aurait signé pour l'envoi en 2024 de deux duos (quatre satellites en tout) pour couvrir les besoins de remplacement des unités Galileo. D'autant qu'avec environ 10 à 12 tirs de Falcon 9 prévus chaque mois, il y a des opportunités de vol... Y compris pour les satellites de positionnement européens.

Quelques indiscrétions permettent même à Clubic d'affirmer qu'il s'agit des quatre unités initialement prévues pour décoller sur Soyouz en 2022, et non de celles qui étaient programmées de longue date avec Ariane 6. Il restera largement assez de satellites Galileo à envoyer dans la décennie à venir sans recourir aux services de SpaceX… Qui aura donc envoyé à la fois des satellites GPS et leur concurrent européen !?

Source : Forbes