Les nouvelles mesures prises par la plateforme américaine violeraient les libertés des utilisateurs en se servant d'un script sans leur consentement.
AdBlock, uBlock et compagnie, c'est fini sur YouTube. La filiale de Google a décidé de mettre fin à leur utilisation, qui était presque devenue la norme pour de nombreux utilisateurs. Ainsi, ceux-ci sont désormais confrontés à une fenêtre contextuelle leur demandant d'autoriser à nouveau les publicités, sans quoi les vidéos ne peuvent plus être visionnées.
Cependant, en entamant cette guerre contre les bloqueurs de publicité, la plateforme a peut-être ouvert la boîte de Pandore et réveillé les régulateurs européens.
Le RGPD à la rescousse ?
C'est un certain Alexander Hanff, défenseur de la vie privée, qui met en doute la légalité du nouveau script de YouTube. Celui-ci demande aux navigateurs web si un bloqueur de publicité est activé ou non, afin de déterminer si l'accès aux vidéos doit être restreint ou non. Cependant, la plateforme oublie de demander le consentement des utilisateurs avant de procéder à cette inspection, ce qui pourrait être contraire aux directives européennes sur la protection de la vie privée sur Internet.
En effet, selon l'article 5 du RGPD, qui a fêté son cinquième anniversaire cette année, toute donnée personnelle collectée sans consentement ne peut légalement être utilisée à quelque fin que ce soit. « La Commission et les législateurs ont été très clairs sur le fait que tout accès à un appareil qui n'est pas strictement nécessaire à la fourniture d'un service demandé requiert le consentement de l'utilisateur », commente Hanff.
YouTube est-il donc conscient qu'il se trouve sur une voie juridique potentiellement peu vertueuse en Europe ? Même si ses conditions d'utilisation n'interdisent pas les bloqueurs de publicité, la plateforme s'estime dans son droit. En effet, ces outils permettraient aux utilisateurs de « contourner, désactiver, utiliser frauduleusement ou interférer de quelque manière que ce soit » avec ses services, rendant de facto leur utilisation proscrite.
Une justification insuffisante selon Hanff, qui affirme que ces conditions d'utilisation restreignent les droits et libertés des citoyens européens, les rendant alors « nulles et inapplicables ». Bien décidé à ne pas lâcher le morceau, il s'est permis de porter plainte contre le géant américain.
Le réveil des régulateurs et des politiques européens ?
L'homme n'en est pas à son premier coup d'essai sur le sujet, puisqu'il avait déjà affirmé l'illégalité de la détection des bloqueurs de publicité en 2016. À l'époque, le fabricant d'un outil de détection appelé BlockAdblock s'était défendu en soulignant que l'utilisation de son code JavaScript n'était pas concernée par la législation européenne.
Mais, en sept ans, les choses ont quelque peu changé sur le Vieux Continent. Les régulateurs ont réussi à faire plier les géants de la technologie sur un certain nombre de sujets, et il se pourrait qu'ils écoutent plus attentivement les arguments de Hanff cette fois-ci. Le gendarme irlandais de la vie privée serait d'ailleurs d'accord avec lui et a déjà frappé à la porte de YouTube pour entamer des discussions.
Cela signifie-t-il que la plateforme pourrait être contrainte à autoriser les bloqueurs de publicité ? Il est encore trop tôt pour le dire. Cependant, il pourrait s'agir du début d'une bataille juridique et législative sur le sujet, qui pourrait avoir un impact, non seulement sur YouTube, mais également sur d'autres sites et services. À l'image des quelques remous politiques qui ont eu lieu lorsque Netflix s'est mis à interdire le partage de compte.
Source : The Register