Le Puy de Sancy, plus haut sommet du Massif Central © nada 1201 / Shutterstock
Le Puy de Sancy, plus haut sommet du Massif Central © nada 1201 / Shutterstock

Au cœur de l'Allier, un gisement de lithium découvert en 2022 suscite les espoirs économiques locaux, mais également des craintes importantes en matière d'écologie. Serait-il possible de préserver l'environnement tout en maintenant notre souveraineté énergétique ?

Le lithium est devenu un pilier fondamental de notre civilisation. Sans lui, pas de batteries, pas de smartphones, d'ordinateurs portables ou de tablettes. Pas de voitures électriques non plus. Le marché des énergies renouvelables est en perpétuelle croissance et ce métal est donc devenu le cœur des systèmes de stockage de l'énergie provenant du solaire ou de l'éolien. Détenir du lithium dans les sous-sols d'un territoire, c'est s'assurer de disposer d'une ressource stratégique élémentaire pour l'avenir économique et énergétique.

La France dispose d'un très beau gisement situé à Echassières dans l'Allier, et le projet Emili, porté par le groupe Imerys a pour vocation de l'exploiter. Toutefois, celui-ci n'est pas sans soulever des questionnements importants sur son impact environnemental.

Le gisement de Beauvoir situé à Echassières, au sud-ouest de Montluçon © Capture d'écran / Google Maps
Le gisement de Beauvoir situé à Echassières, au sud-ouest de Montluçon © Capture d'écran / Google Maps

Le potentiel du Massif central dans la transition énergétique

Depuis 2005, Imerys exploite le gisement de Beauvoir, pour y extraire du kaolin (argiles blanches). Sous cette carrière se cache en réalité 118 millions de tonnes de lithium. Christopher Heymann, le directeur du site, ne cache pas son enthousiasme : « On sait qu'on est sur un gisement d'intérêt européen, voire mondial ». Ce lithium est le fruit d'une activité géologique très ancienne, estimée à 300 millions d'années ; aujourd'hui, il représente un enjeu immense pour la souveraineté énergétique française et européenne.

Pour la préfète de l'Allier, Pascale Trimbach, cette réserve est capitale : « C'est un projet structurant pour le département de l'Allier puisqu'il devrait induire environ 1 000 emplois directs et indirects, mais c'est aussi un projet très important pour la France au titre de la réindustrialisation (…) ».

Selon les prédictions d'Imerys, l'entreprise sera capable de produire de l'hydroxyde de lithium pour 700 000 voitures par an à partir de l'année 2028, ce, pour une durée d'au moins 25 ans. L'enjeu financier est donc colossal.

L'étrange paysage des champs de lithium, au cœur du désert d'Atacama au Chili © Freedom_wanted / Shutterstock

Des batteries chargées, à quel prix pour la nature ?

D'un point de vue strictement économique, le projet Emili est forcément prometteur, tant sur le plan local que national. Sous le prisme environnemental, c'est une autre histoire. Jacques Morisot de l'association Préservons la forêt des Colettes, s'inquiète : « Nous redoutons la baisse du niveau de la nappe, il y a la question de la quantité d'eau utilisée par la mine et de toutes les pollutions liées à ce projet ». En effet, l'extraction du lithium se fait par évaporation des saumures du sous-sol, et le processus est très gourmand en eau. Les écosystèmes voisins ainsi que la production agricole locale pourraient fortement être affectés. Jacques Morisot interroge la finalité même du projet : « On veut faire ce projet de mine pour équiper un nombre extravagant de SUV électriques, mais (....) est-ce cela qu'il faut faire en termes de mobilité en respectant la planète ? ».

Pour modérer les craintes naissantes face au projet, Imerys s'est tenue à plusieurs engagements. Heymann déclare qu'Imerys « entend les inquiétudes et essaye d'y répondre en faisant des études d'impact : on va mesurer le comportement des nappes sur un an et on inscrit le projet dans cette modélisation ». Il a assuré également que la forêt ne fera l'objet d'aucun forage dans son sous-sol.

Le projet Emili incarne le dilemme contemporain à la perfection : s'assurer de la bonne marche de la « transition énergétique » tout en gardant en tête que la survie de nos écosystèmes est primordiale. Existe-t-il réellement une approche équilibrée et durable de l'exploitation des ressources naturelles ? Actuellement, l'extraction du lithium demeure catastrophique en termes d'impact environnemental. Si de nouvelles solutions sont envisagées (extraction directe du lithium ou utilisation d'hydrogène vert au lieu de combustibles fossiles), celles-ci ne seront pas encore opérationnelles avant quelques années.