Alors que la justice française ferraille toujours pour tenter de bloquer l’accès des mineurs au site porno, un nouvel obstacle s’est dressé face à la volonté législative française : le droit de l’Union européenne.
C’est une véritable arlésienne dont on ne risque pas de voir la fin tout de suite. Alors que la loi française tente, vainement, depuis juillet 2020, de bloquer l’accès des mineurs aux sites pornos les plus populaires sur le web, les législateurs hexagonaux vont désormais devoir attendre la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) avant de pouvoir avancer sur le dossier.
Quand Bruxelles s'en mêle
En effet, le Conseil d’État, jusque là en charge de régler le conflit entre l’autorité de régulation du web (Arcom) et les sites pornographiques visés par la loi de 2020, vient de refiler la patate chaude à la plus haute juridiction européenne qui devra donc statuer si la loi française est bel et bien en accord avec les textes européens.
Rembobinons un instant. En juillet 2020 donc, une loi française contraint les sites pornographiques à contrôler l’âge des internautes hexagonaux sur leurs plateformes. Immédiatement après, les « tubes » pornos les plus populaires se rebellent, estimant que la loi n’est pas assez précise sur les moyens de contrôle de l’âge qu’ils doivent mettre en place. L’affaire enfle jusqu’à arriver sur le bureau du Conseil d’État qui donne, en partie, raison à l’Arcom estimant que « la loi impose aux éditeurs de sites Internet d’adopter des mesures adaptées pour assurer la protection des mineurs, tout en leur laissant une marge de manœuvre quant au choix de ces mesures ».
10 novembre 2023 à 10h36
Mais voilà, si l’autorité administrative a statué sur le fond, reste encore un problème de forme. En effet, il existerait un conflit entre le droit français et le droit européen, notamment sur le déroulé des procédures qui, en vertu du principe de « pays d’origine », empêche la France d’imposer unilatéralement des règles à des entreprises venant d’autres pays. Selon la plainte adressée au Conseil d’État, des notifications auraient donc dû être envoyées à la République tchèque où siègent plusieurs des QG des grands sites pornos visés.
Un combat sans fin
Ce recours devant la CJUE promet de retarder encore longtemps les procédures de blocage menées par l’Arcom et le législateur. À ce jour, aucune plainte n’a encore abouti et l’accès aux sites pornographiques reste donc sur un statu quo pré-loi de 2020 ou la déclaration sur l’honneur suffit à attester de sa majorité. Le gouvernement pourrait bien tenter de passer par un autre couloir législatif, à savoir le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (SREN), mais ce texte aussi est vu d’un très mauvais œil par la Commission européenne.
La bataille entre les tubes, l’Arcom et la loi française est donc loin d’être finie et tout cela pourrait bien se conclure en eau de boudin, comme chez nos voisins outre-Manche qui n’ont jamais réussi à imposer le blocage des sites pornos, pourtant promis par une loi de 2017.
Source : Conseil d'État