Censé réduire à néant le piratage IPTV, le bouclier mis en place par les autorités italiennes ne tiendrait pas ses promesses. Des chercheurs ont tenté d'y voir plus clair et de définir son efficacité réelle.
Est-il possible de mettre fin au piratage IPTV ? Avec des fournisseurs d'IPTV et de services de streaming illégaux qui pullulent, la question revient régulièrement sur le devant de scène en Europe et notamment en Italie où le "Piracy Shield" est en place depuis un peu moins d'un an maintenant.
Piracy Shied : une efficacité remise en question
Censé stopper le piratage en Italie, le "Piracy Shield" introduit par l'AGCOM (l'équivalent de l'ARCOM en Italie) ne s'arrête plus de défrayer la chronique. D'abord via de récents amendements à la loi italienne qui évoque des sanctions financières automatisées pour les utilisateurs d'IPTV, mais aussi en raison d'une forte pression mise sur les opérateurs télécoms italiens.
Désormais, il est question de l'efficacité du Piracy Shield. Mis en place depuis février 2024, ce bouclier rassemble les moyens techniques et légaux pour stopper net les diffusions IPTV illégale, en seulement 30 minutes une fois le flux pirates identifié et le signalement d'infraction effectué. Depuis sa mise en place, les autorités italiennes et les partisans de cette solution n'ont cessé de vanter le succès de cette solution.
En réalité, le succès qu'ils mettent en avant est avant tout celui du nombre de domaines et d'adresses IP bloquées par les fournisseurs. 25 000 seraient actuellement bloqués, et ce chiffre ne fait que grossir chaque semaine. Ce nombre croissant ne montre-t-il pas l'inverse de ce qu'il prétend ? À savoir que s'il croît autant, c'est sans doute en raison du fait que les flux IPTV trouvent toujours moyen de contourner le système.
30 septembre 2024 à 15h04
Par ailleurs, comme le montre les récentes modifications apportées aux amendements de la loi 93/2023, le blocage illimité d'adresses IP fait craindre aux opérateurs l'épuisement des adresses IPv4. Une situation qui impacte les FAI, mais aussi les consommateurs puisque le blocage d'adresses partagées peut affecter des services et des utilisateurs légitimes, et non seulement les fournisseurs d'IPTV.
Des chercheurs se sont penchés sur le sujet
L'opacité du régulateur des télécommunications italien et des différents acteurs qui ont pris part à la mise en place du Piracy Shield, comme la plateforme DAZN et Luigi Di Servio, le patron de la Série A (la Ligue nationale de football en Italie), a poussé une équipe de chercheurs de l'Université de Padoue a répondre à cette question délicate : quelle est l'efficacité du Piracy Shield ?
Une entreprise complexe, qui leur a demandé d'étudier de nombreux points pour analyser et identifier les flux en question. Ils ont notamment analysé le trafic en cherchant diverses caractéristiques, comme les protocoles TCP et UDP, les ports habituellement associés aux services de streaming, ou encore la durée et la taille des flux.
Sans rentrer dans des détails techniques trop complexes, ils ont réussi à identifier et comparer le trafic légal et le trafic illégal avec des constatations étonnantes. Tout d'abord, sur l'efficacité du Piracy Shield :
« Le graphique met en évidence que le trafic illégal présente des pics de volume significatifs aux heures de match, indiquées par les lignes pointillées verticales. Ces pics coïncident temporellement avec le début et la fin des événements sportifs, suggérant une forte corrélation entre le trafic présumé pirate et la transmission non autorisée de contenus sportifs ».
De manière beaucoup plus inquiétante, notamment pour les titulaires de droits TV, les résultats de leur recherche mettent en exergue un volume de streaming énorme. Sur les périodes où les contenus sportifs sont diffusés, "le volume de streaming illégal suspecté chevauche parfois le trafic légal". Le rapport note néanmoins qu'il est nécessaire d'utiliser des techniques plus sophistiquées pour améliorer la précision des recherches. Au final, le rapport de cette équipe de chercheurs indique que le Piracy Shield n'a prouvé qu'une "efficacité relative" dans la diminution du trafic IPTV.
Tout ça pour ça ?
Les questions soulevées par cette étude sont nombreuses, surtout lorsqu'il s'agit d'aborder le contraste entre cette efficacité relative du Piracy Shield et les pressions mises sur les opérateurs et les utilisateurs, l'opacité du système et ses implications. Il est notamment question des coûts de gestion des opérateurs, qui pourraient se répercuter sur les utilisateurs, le blocage de services légitimes, ou encore de l'impact sur la neutralité du net. Mis en relief avec les facilités de contournements, il n'en faut pas plus pour remettre en question l'efficacité à long terme d'outils comme le Piracy Shield qui imposent des contraintes à tous pour, au final, ne pas parvenir à toucher sa cible.
Et, si tout ça n'était qu'une question d'accessibilité aux contenus ? Dans le viseur des pirates, les évènements sportifs sont bien évidemment les premiers à faire l'objet de piratages massifs. Comme évoqué par l'expert en cybersécurité Benoît Grunemwald dans notre récent article sur le piratage de la Ligue 1, la clé réside peut-être dans une « approche utilisateur qui serait plus accessible ».
Source : Torrent Freak