À Strasbourg, une expérimentation inédite équipe 125 élèves de gilets connectés dotés de traceurs GPS. Alors que les garçons occupent 80 % de l'espace disponible, l'objectif est de mesurer scientifiquement l'occupation de la cour de récréation entre filles et garçons.
Les jeux de ballon au centre, les discussions le long des grilles. Cette scène, observée dans une école du quartier du tribunal à Strasbourg, illustre parfaitement la problématique qui pousse la municipalité alsacienne à agir.
D'un côté, des garçons qui courent, se chamaillent et monopolisent l'espace. De l'autre, des filles reléguées aux coins de la cour, contraintes de se contenter des espaces restants. Pour étudier ce phénomène, la ville innove en équipant volontairement 125 écoliers de gilets dotés de traceurs GPS. Ces vêtements intelligents permettent de cartographier en temps réel les déplacements des enfants et de mesurer précisément l'occupation genrée de ces espaces communs.
Les gilets connectés révèlent une occupation inégalitaire de la cour
Comme le rapporte Le Parisien, les données collectées depuis six mois ne mentent pas : 80 % de l'espace est accaparé par seulement 20 % des enfants, majoritairement des garçons. Cette « domination » masculine s'observe particulièrement chez les CM1 et CM2, qui s'approprient les zones centrales au détriment des plus jeunes. Ce sont les enseignements principaux tirés à partir des données collectées des 125 gilets qu'ont portés des enfants volontaires, du CP au CM2. Si l'autorisation des parents n'a pas été requise, c'est parce que ces données sont anonymisées.
À l'école élémentaire Paul Langevin de Cronenbourg, le constat est sans appel : tandis que les garçons jouent à l'épervier ou au basket sur la majorité du terrain, les filles se contentent du bac à sable ou des cabanes. Cette expérimentation GPS permet aussi d'observer une double discrimination : celle du genre, mais également celle de l'âge. Les CP se retrouvent ainsi relégués en périphérie, privés des espaces les plus attractifs de la cour.
La municipalité mise sur la végétalisation pour briser les codes
Pour Christelle Wieder, adjointe en charge des égalités de genre, la solution passe par un réaménagement en profondeur des cours de récréation. La ville s'est fixé un objectif ambitieux : végétaliser 65 % des établissements scolaires d'ici 2026. En remplaçant le béton par des espaces verts et en proposant des activités alternatives comme la roue à jeux inclusifs ou le harcélomètre, la municipalité espère bouleverser les codes établis.
L'élue souhaite que ce projet de végétalisation permette plus d'égalité d'occupation de l'espace. « On espère pouvoir créer plus d'égalité pour que tout le monde ait la liberté de jouer dans la cour de récréation, quel que soit son sexe ou son âge. On espère, en changeant l'espace, changer les rapports entre les filles et les garçons, et aller vers plus d'égalité, prévenir aussi les violences sexistes et sexuelles », dit-elle.
Les équipes pédagogiques sont également formées pour proposer de nouvelles animations et sensibiliser les élèves aux comportements inadaptés. Un investissement de plusieurs centaines de milliers d'euros qui divise les parents : certains y voient une avancée sociale majeure quand d'autres dénoncent une atteinte aux jeux traditionnels, comme ce papa qui s'inquiète de savoir si ses jumeaux vont pouvoir continuer à jouer au foot à la récré, ou cette maman qui dénonce les « valeurs wokistes » d'une « mairie écolo ».
« Petit à petit, l'oiseau fait son nid »... et la mixité aussi.
04 octobre 2024 à 08h35
Sources : Le Parisien (accès payant par abonnement), Ville de Strasbourg