Le système anti-piratage italien Piracy Shield, censé lutter contre le streaming illégal, a récemment bloqué par erreur Google Drive et des milliers de sites légitimes. La boulette.

Le Piracy Shield est conçu pour bloquer les sites qui diffusent illégalement des contenus - © dencg / Shutterstock
Le Piracy Shield est conçu pour bloquer les sites qui diffusent illégalement des contenus - © dencg / Shutterstock

Le Piracy Shield, un dispositif mis en place pour contrer le streaming illégal d'événements sportifs, se retrouve au cœur d'une polémique. Conçu pour bloquer rapidement les sites pirates, mais à l'efficacité contestée, il vient de faire des victimes collatérales, et pas des moindres. Google Drive et des dizaines de milliers de sites légitimes se sont retrouvés inaccessibles suite à des erreurs de ciblage. Qui trop embrasse mal étreint, dit-on.

Le Piracy Shield, un bouclier anti-piratage aux effets secondaires inattendus

Le Piracy Shield est un système de blocage automatisé mis en place par l'Autorità per le Garanzie nelle Comunicazioni (AGCOM), l'équivalent italien de l'Arcom française. Son objectif principal est de bloquer rapidement les sites qui diffusent illégalement des événements sportifs en direct. Financé par la Serie A, le championnat de football italien, ce dispositif permet en théorie de supprimer un flux pirate dans un délai de 30 minutes après son signalement.

Mais en pratique, le fonctionnement du Piracy Shield s'avère plus complexe et problématique que prévu. Le système s'appuie sur la collaboration des fournisseurs d'accès à Internet, des serveurs DNS publics et des services VPN pour bloquer les adresses IP et les noms de domaine signalés. Cette technique, bien qu'efficace contre certains sites pirates, n'est visiblement pas sans risques. En effet, de nombreuses adresses IP sont partagées par des milliers de sites Web légitimes, ce qui rend le ciblage précis extrêmement difficile.

Si l'on ajoute à cela les récentes modifications législatives en Italie qui ont élargi le champ d'action du Piracy Shield, en permettant le blocage d'adresses IP même lorsque l'activité illégale n'est pas « unique », mais simplement « répandue », alors on comprend mieux les dégâts potentiels.

Et c'est ainsi que le Piracy Shield bloqua Google Drive - © Shutterstock / dennizn
Et c'est ainsi que le Piracy Shield bloqua Google Drive - © Shutterstock / dennizn

Des erreurs de blocage aux conséquences désastreuses pour des milliers de sites légitimes

L'incident le plus marquant s'est produit le week-end du 19 octobre 2024, lorsque le Piracy Shield a bloqué une adresse IP de Cloudflare (188.114.97.7) utilisée par pas moins de 42 243 794 noms de domaine. Cette action a rendu inaccessibles des milliers de sites Web légitimes, dont ceux d'écoles, d'associations caritatives et même d'un opérateur télécom. Le domaine drive.usercontent.google.com, essentiel au fonctionnement de Google Drive, s'est également retrouvé bloqué, comme on vous en parlait dans Clubic.

Ces erreurs de blocage ne sont pas des cas isolés. Depuis sa mise en place en février 2024, le Piracy Shield a été à l'origine de plusieurs incidents similaires, bien que de moindre ampleur.

Évidemment, les critiques envers le Piracy Shield se multiplient. Des experts remettent en question la capacité du système à gérer la complexité des réseaux modernes sans causer de dommages collatéraux. En février dernier, Marco d'Itri, spécialiste du Web, s'en prenait à ce principe sur son compte X.com. « Il n’existe pas de forme de censure magique qui filtrerait uniquement les parties de football : ceux qui construisent aujourd’hui un instrument assument la responsabilité morale de son utilisation future », avait-il asséné.

Quant au site d'informations italien Digital Day, également bloqué récemment, il attend des explications, et pourquoi pas des excuses, de la part de Serie A et de l'AGCOM, estimant que l'incident était inévitable avec un tel système.