Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, dénonce les pratiques de Doctolib dans une tribune très critique. Il pointe notamment du doigt les risques liés à la sécurité des données de santé et le modèle économique de l'entreprise.

"Il faut en finir avec Doctolib", selon ce médecin urgentiste © Alexandre Boero pour Clubic
"Il faut en finir avec Doctolib", selon ce médecin urgentiste © Alexandre Boero pour Clubic

Dans sa chronique santé publiée le 16 décembre 2024 sur le site L'Humanité, le médecin urgentiste Christophe Prudhomme s'attaque frontalement au site Doctolib. La plateforme de prise de rendez-vous médicaux en ligne, devenue incontournable pour de nombreux praticiens et patients, se fait tailler un costume sur mesure par le professionnel de santé.

Les deux points sensibles qui provoquent tant de critiques concernent principalement la sécurité des données de santé et de l'opacité financière de l'entreprise. Christophe Prudhomme en appelle même à exclure Doctolib de la gestion des rendez-vous médicaux au profit de Mon espace santé, le carnet de santé numérique mis en place par l'Assurance Maladie.

Doctolib met-il en péril nos données de santé ?

Le médecin urgentiste s'inquiète du stockage des informations médicales et personnelles sensibles de la plateforme sur les serveurs d'Amazon Web Services (AWS), qui se développe davantage en France. « Comment faire confiance à une société qui stocke ses données sur les serveurs d'Amazon soumis aux règles américaines qui autorisent la vente de ces données ? » s'interroge-t-il. Il met ainsi en garde contre le risque de voir ces informations confidentielles tomber entre les mains d'entreprises commerciales dont l'objectif serait de maximiser leurs profits.

Le praticien rappelle que les données de santé sont « très sensibles » et « valent de l'or ». Il estime que la mise en place du carnet de santé numérique Mon espace santé par l'Assurance Maladie visait justement à éviter la captation de ces données par des sociétés commerciales. Notons que la CNAM a récemment demandé à Dotolib de clarifier l'apparition d'un nouvel onglet baptisé « Santé » dans son application.

Christophe Prudhomme insiste sur l'importance du secret médical et s'inquiète de voir des données personnelles confidentielles échapper au contrôle des autorités de santé. « Comment, alors, accepter que des données personnelles confidentielles, couvertes par le secret médical, tombent dans les mains de marchands qui, quels que soient les contrôles et les règles édictées, chercheront à les contourner pour maximiser leurs profits ? » s'insurge-t-il.

Le secret médical pourrait être mis à mal par le fonctionnement de Doctolib © Kamira / Shutterstock
Le secret médical pourrait être mis à mal par le fonctionnement de Doctolib © Kamira / Shutterstock

Le modèle économique de Doctolib contesté

Le second point d'irritation de Christophe Prudhomme porte sur les modèles financier et économique de Doctolib. Le médecin remet en question la structure financière de l'entreprise, qu'il juge « particulièrement opaque ».

Il souligne le paradoxe entre l'absence de bénéfices déclarés par Doctolib et sa valorisation élevée, estimée à plus de 6 milliards d'euros. Pour lui, l'entreprise n'est ni plus ni moins que ce qu'« Emmanuel Macron et ses amis financiers appellent une licorne », qui bénéficierait de nombreuses aides directes et indirectes de l'État.

Il s'attaque ensuite au modèle économique de Doctolib en affirmant : « Avec 100 000 à 150 000 professionnels abonnés à un coût moyen de 200 euros par mois, c'est plus de 330 millions par an d'argent de la santé qui finit dans les poches de Doctolib ! » Il s'inquiète par ailleurs d'un possible rachat futur de l'entreprise par des géants du GAFAM comme Amazon ou Google.

C'est somme toute plutôt logiquement que Christophe Prudhomme souhaite que l'Assurance Maladie prenne en charge le stockage et la gestion des données de santé avec la plateforme Mon espace santé. Il appelle à une accélération de la montée en charge de cet outil numérique public et à son extension à la gestion des rendez-vous médicaux.

Enfin, il conclut sa tribune par un avertissement : « Il est donc urgent d'exclure Doctolib de cette activité », faute de quoi elle pourrait faire l'objet d'un scandale médiatique et de santé publique, à l'instar des Ehpad ou des crèches.

Source : L'Humanité