[Article publié le 17 janvier 2025 à 15h56, mis à jour à 17h01] Le géant SHEIN, devenu le deuxième plus gros vendeur de vêtements en France, n'a payé que 273 000 euros d'impôts dans l'Hexagone en 2023. Derrière ce chiffre, une redoutable optimisation fiscale.
Pendant que les e-commerçants traditionnels peinent à rivaliser avec l'empire SHEIN en France, le roi chinois du fast-fashion applique une stratégie fiscale particulièrement efficace. À travers un montage complexe impliquant l'Irlande et Singapour, le géant parvient à considérablement minimiser sa contribution fiscale en France, ce qui soulève des questions, et de la frustration, au sujet de l'équité concurrentielle dans le secteur du commerce en ligne.
Une structure fiscale bien huilée chez SHEIN
La filiale française de SHEIN, qui compte seulement 20 employés à Paris, ne réalise officiellement aucune vente directe aux consommateurs. Elle a déclaré un modeste chiffre d'affaires de 9,9 millions d'euros en 2023, pour un bénéfice de 301 000 euros. Ce dernier correspondant uniquement à des prestations de services marketing pour sa maison-mère irlandaise, comme le rapportent nos confrères de l'Informé, dans leur article.
En réalité, la structure irlandaise Infinite Styles Ecommerce, qui raccroche des pays comme la France, la Belgique ou l'Allemagne, ne fait que revendre des vêtements achetés à d'autres filiales du groupe.
Sur cette même année, elle a affiché une marge dérisoire de 1,6% malgré un chiffre d'affaires de 7,7 milliards d'euros. Cette entité de seulement 24 salariés reverse ensuite ses bénéfices à une holding basée à Singapour, où le taux d'imposition n'est que de 17%.
La holding de tête du groupe, Elite Depot Ltd, est quant à elle domiciliée aux îles Caïman, un paradis fiscal notoire. C'est cette architecture complexe qui permet à SHEIN d'optimiser significativement sa fiscalité tout en restant dans la légalité.
Un succès commercial qui interroge
SHEIN a connu une croissance fulgurante depuis la pandémie, fort de prix imbattables et une réactivité exceptionnelle, et la firme capitalise sur un modèle d'affaires ultra-optimisé. Elle s'appuie sur une stratégie marketing agressive, bien rodée sur les réseaux sociaux, et des délais de réapprovisionnement records de quelques jours.
La plateforme représente d'ailleus désormais, avec son compatriote Temu, 22% des colis transportés par La Poste. Un succès qui soulève des questions sur l'équité concurrentielle face aux acteurs traditionnels soumis, ex, à une fiscalité plus contraignante.
Et que nous dit l'entreprise, principale intéressée ? « Nos activités en France sont entièrement en règle avec la législation fiscale, et nous nous acquittons de l’ensemble des taxes et impôts dus au gouvernement français, y compris la TVA, aussi bien pour nos opérations sur le territoire que pour nos ventes sur le marché français. SHEIN est une entreprise opérant à l'échelle mondiale avec une structure qui dépasse les seules entités locales. Une filiale en France peut ne pas refléter l’ensemble des flux financiers et fiscaux du groupe. »
Et le porte-parole de SHEIN en France de poursuivre, dans une réaction transmise à Clubic : « L'impôt est payé conformément aux réglementations des différentes juridictions où SHEIN opère. Il est donc erroné d’évaluer la contribution fiscale de SHEIN en France en se limitant aux comptes d’une seule entité locale, sans prendre en compte les paiements de taxes sur les ventes transfrontalières et autres obligations fiscales internationales. » On regrette toutefois l'absence de chiffres plus concrets dans cette réaction.
Que ce soit outre-Atlantique, avec une entité US de Tiktok plus que jamais en sursis, ou en France et en Europe avec des Shein et Temu sous l'œil des autorités, les géants chinois ne manquent pas d'attirer l'attention. Et ce qu'il s'agisse de réseaux sociaux, de constructeurs automobiles ou d'acteurs de la vente en ligne.