Des employés du géant Shein pestent contre les conditions de travail précaires dans les entrepôts chinois du géant de la fast-fashion. Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux témoignent du système controversé d'intérimaires.
Shein fait face à une nouvelle controverse. Des dizaines de travailleurs intérimaires de ses centres logistiques en Chine ont décidé de briser le silence. C'est à travers de vlogs publiés sur les réseaux sociaux de l'empire du Milieu qu'ils dévoilent les coulisses peu reluisantes du e-commerçant, valorisé à 66 milliards de dollars. Ces témoignages, relayés par Wired, offrent un aperçu de la chaîne ultra-optimisée qui permet à Shein d'inonder le marché mondial de vêtements à petits prix.
L'intérim au cœur de la polémique qui frappe Shein
Si l'on se fie à ce qui a fuité, Shein s'appuie massivement sur le système controversé du « dispatch labor » (l'intérim, en français) pour staffer ses entrepôts. Cette pratique permet aux entreprises de sous-traiter le recrutement et la gestion des travailleurs temporaires à des agences externes. Résultat ? Shein obtient une main-d'œuvre flexible et bon marché, mais privée des protections sociales des employés permanents. Et bien que la loi chinoise limite théoriquement ce type d'embauche à 10% des effectifs, Shein semble largement dépasser ce seuil.
Les vidéos partagées par les travailleurs révèlent un système de rémunération basé sur la productivité. « Plus de travail, plus de salaire », résume d'ailleurs un employé. Si cette formule permet théoriquement de gagner plus en travaillant dur (cela vous rappellera sûrement quelqu'un), elle expose aussi les travailleurs aux fluctuations de la demande. Quand les commandes baissent, les revenus chutent mécaniquement. Certains témoignages évoquent l'objectif difficile à atteindre de 10 000 yuans mensuels (environ 1 300 euros).
Pour maximiser leurs gains, certains travailleurs adoptent des comportements extrêmes. L'un d'eux se vante d'avoir traité 650 articles en une seule journée, sans pause toilette. Une autre évoque des difficultés à lever le bras après avoir tenu son poste pendant 11h30. Ces témoignages contrastent fortement avec l'image que Shein tente de projeter. Dans son dernier rapport RSE, l'entreprise affirme pourtant que ses entrepôts ont tous « bien performé » lors d'audits externes.
Un modèle économique en question
Le recours massif aux travailleurs temporaires s'inscrit dans la stratégie un peu à la demande de Shein. L'entreprise se targue de pouvoir adapter sa production en temps réel grâce à l'analyse des retours clients. Cette flexibilité extrême repose sur une chaîne logistique capable de s'ajuster rapidement. On comprend ici que les travailleurs temporaires constituent la variable d'ajustement idéale, pouvant être mobilisés ou congédiés au gré des fluctuations de la demande.
Shein, déjà bien embêté aux États-Unis, n'est pas un cas isolé. D'autres géants comme Apple, Amazon ou Volkswagen ont déjà été accusés de pratiques similaires en Chine. Le phénomène s'est amplifié après 2008, lorsque de nouvelles lois ont renforcé la protection des travailleurs permanents. Paradoxalement, cette avancée sociale a poussé de nombreuses entreprises à se tourner vers l'intérim pour contourner ces nouvelles contraintes. Malynx, le lynx. Malgré des tentatives de régulation, la pratique reste très répandue.
Face à ces révélations, Shein maintient que ses pratiques sont « alignées avec les standards de l'industrie et conformes aux lois locales ». L'entreprise affirme que ses travailleurs d'entrepôt gagnent en moyenne entre 7 000 et 12 000 yuans par mois, soit entre 900 et 1 500 euros. Des chiffres nettement supérieurs au salaire minimum local, mais qui masquent potentiellement de fortes disparités. Le gouvernement chinois, soucieux de stimuler ses exportations, semble peu enclin à s'attaquer frontalement au problème. Mais la situation n'est pas encore gravée dans le marbre.
Source : Wired