Les « communautés » de X ont été lancées en 2021 mais sont davantage mises en avant depuis mai 2024. Elles sont devenues de facto des espaces propices au cyberharcèlement. Ces forums thématiques peu modérés favorisent la diffusion massive de contenus sexistes.

Les femmes sont souvent les cibles de ces communauté sur X.com - © Antonio Guillem / Shutterstock
Les femmes sont souvent les cibles de ces communauté sur X.com - © Antonio Guillem / Shutterstock

C'était à l'époque de Twitter, un a avant qu'Elon Musk rachète le réseau social pour le rebaptiser X.com. La plateforme avait alors introduit les « communautés » en 2021. Ces espaces de discussion rappellent le fonctionnement de Reddit et permettent aux utilisateurs de partager des contenus autour d'intérêts communs. Depuis mai 2024, ces communautés apparaissent sur les pages d'accueil des utilisateurs qui reçoivent des suggestions d'espaces « susceptibles de les intéresser ».

Une mise en avant qui n'a pour objectif que d'intensifier les interactions et collecter davantage de données, précieuses notamment pour les programmes d'intelligence artificielle comme le chatbot Grok de xAI, autre entreprise d'Elon Musk.

Si beaucoup de ces communautés restent dans les limites du raisonnable, certaines, comme « Les Eveillés enragés » (29 500 membres) ou « Les Singes » (90 000 membres), sont devenues des lieux où le cyberharcèlement sexiste prospère, comme le rapporte Le Monde Pixels.

Les communautés sur X.com sont des espaces qui amplifient la portée du harcèlement sexiste

Les « Eveillés enragés » partagent et commentent chaque semaine des photos de femmes sans leur consentement. Les membres y évaluent leur physique, débattent de leur nombre de partenaires sexuels et les qualifient ou non de « p[*]tes ». Un simple tweet citant la photo de Solène, qui se confie auprès de nos collègues du Monde Pixels, a cumulé 67 000 vues et plus de 1 000 « j'aime » en moins d'une journée. La jeune étudiante a reçu des dizaines de messages qu'elle décrit comme « dégradants, sexualisants et irrespectueux ». « C'est la quatrième fois que ça m'arrive depuis novembre. J'ai peur de croiser mes harceleurs dans la rue », craint-elle.

Des personnalités publiques subissent le même sort. L'influenceuse Too Much Lucile a qualifié cette communauté de « détraqués » après la diffusion d'une photo d'elle dénudée sans son accord, comme vous pouvez le voir dans une vidéo publiée sur son compte TikTok.

La youtubeuse Chloé Gervais, les streameuses Aloonea et KLR sont également ciblées. Un modérateur des « Eveillés enragés » a lui-même partagé une vidéo de l'influenceuse Léna Situations en soirée avec son meilleur ami, remettant en question sa relation avec le youtubeur Seb la Frite. Cette publication a atteint plus de 3 millions de vues.

Laure Salmona, directrice du collectif Féministes contre le cyberharcèlement, explique que ces espaces fonctionnent comme des « chambres d'écho où les membres partagent leurs frustrations en les dirigeant contre les femmes ». L'anonymat des comptes favorise un « processus de déresponsabilisation » selon elle. Ces pratiques sont pourtant interdites par la loi française, qui punit le cyberharcèlement de deux ans de prison et 75 000 euros d'amende si la victime est mineure.

Si vous pensez être victime d'un acte de cyberharcèlement, n'hésitez pas à vous rendre sur 17Cyber - © Alexandre Boero / Clubic
Si vous pensez être victime d'un acte de cyberharcèlement, n'hésitez pas à vous rendre sur 17Cyber - © Alexandre Boero / Clubic

Les utilisatrices n'ont plus de moyens efficaces pour se protéger

Les victimes se retrouvent démunies devant la propagation massive de ces comportements. Marie, utilisatrice harcelée sur la communauté « Les Singes », témoigne : « Dès qu'une femme publie sur la communauté, on reçoit des insultes par message, on nous demande notre 'bodycount' ou on nous signale. » Cette situation s'est aggravée depuis octobre 2024, quand Elon Musk a modifié la fonction « bloquer » de X. Les harceleurs ne peuvent plus parler directement à leur victime, mais peuvent toujours voir leurs contenus.

Alors qu'il avait créé la surprise en annonçant vouloir recruter des modérateurs fin janvier 2024, Elon Musk semble ne pas avoir mis son souhait à exécution. « Il détricote peu à peu les rares mesures mises en place pour protéger les utilisatrices », déplore Laure Salmona. Le nombre de modérateurs professionnels a diminué depuis le rachat de la plateforme. X a cessé de communiquer sur les moyens humains consacrés à la modération. Virginie Julliard, responsable du département médias du Celsa, constate que cela « laisse le harcèlement prospérer, car les algorithmes peinent à le détecter ».

Les communautés problématiques ne disposent que d'une modération très limitée. « Les Singes » comptent huit modérateurs bénévoles, ce qui reste insuffisant pour 90 000 membres. La situation est pire chez les « Eveillés enragés » avec seulement trois modérateurs, dont le plus actif publie lui-même des contenus inappropriés. Ce dernier a par exemple évoqué le « bodycount de zinzin » de Chloé Gervais et a reposté la photo d'une jeune utilisatrice avec ce commentaire : « J'aimerais tellement comprendre ce qui se passe dans la tête d'une femme pour faire la p[*]te gratuitement sur les réseaux. »

L'outil « communauté » n'offre pas de véritables moyens de protection. Les victimes se retrouvent piégées dans un système qui favorise la viralité des contenus toxiques sans leur donner les outils nécessaires pour se défendre.

Dans l'intervalle, si vous pensez être victime de cyberharcèlement sur Internet, sachez que le Gouvernement a mis en place 17Cyber, une plateforme pour vous guider et vous aider dans vos démarches. Elle est disponible 7/7 et 24/24h et met à votre disposition en cas de besoin l'un des 1 200 prestataires référencés par Cybermalveillance.gouv.fr, dont 200 sont labellisés « ExpertCyber ».

Source : Le Monde (accès payant)