|clubic|Voici, comme chaque semaine un nouveau mini-reportage en direct des Etats-Unis, réalisé grâce à notre nouveau correspondant permanent sur place : Erwan. Présent au centre de la « fameuse » Silicon Valley, Erwan nous propose de découvrir les coulisses de ce lieu incontournable pour les fanas d'informatique et de nouvelles technologies !|fin|
Suite à mon article de la semaine dernière sur la Web 2.0 Expo, il y a eu beaucoup de remarques sur ce qu'est le Web 2.0 : mot marketing vide de sens ? Technologie révolutionnaire ? Bulle 2.0 ? Je vais essayer d'éclaircir un peu les lanternes en tâchant d'être le plus objective possible ; et pour finir, je répondrai à l'image présente dans certains esprits “Web 2.0 = Bulle 2.0”, suggérant que les services dits du Web 2.0 ne sont que des versions remâchées de leurs grands frères du Web 1.0.
Tout d'abord, j'ai une confession : bien que travaillant dans une entreprise qu'on met souvent dans la catégorie “Web 2.0”, je ne suis pas un grand fan du terme. Je ne suis pas un grand fan, parce que c'est un terme qui prête à confusion et qui sonne comme une technologie alors que ce n'en est pas une. Parce qu'il n'y a jamais eu de Web 1.0, ni de Web 1.5, et qu'il n'y aura jamais de Web 2.1. Pour un informaticien qui a l'habitude d'utiliser des numéros de versions qui ont un sens, voir un “point zéro” ajouté juste pour faire high-tech, ça fait un peu mal. Mais passons : le terme a fini par désigner quelque chose, et aujourd'hui c'est utile pour comprendre quelle est la culture d'une entreprise.
L'Évangile selon Saint-Tim
Tim O'Reilly, le chairman de la Web 2.0 Expo et accessoirement l'inventeur du terme Web 2.0, a expliqué très simplement (5 pages en anglais) ce que cela signifie. Vous pouvez lire les cinq pages, mais je vais essayer de résumer. Web 2.0 n'est pas une technologie (ce n'est pas AJAX), et ce n'est pas seulement le “web social”. Ce n'est pas non plus seulement avoir des lecteurs qui participent. Tim O'Reilly explique d'ailleurs que les blogs sont Web 2.0 (mais pas les “pages persos”), que Google Adsense est Web 2.0 (mais pas doubleclick), et qu'optimiser son site pour les moteurs de recherche est Web 2.0 (mais pas spéculer sur un nom de domaine). J'espère ne pas avoir trop embrouillé les pistes... Alors regardons quelques uns des critères que propose O'Reilly :
- Le web comme plate-forme : la possibilité de combiner ainsi des services, comme Housing Maps qui présente les petites annonces de Craigslists sur Google Maps.
- L'intelligence collective : tous ensemble, avec des toutes petites contributions, nous pouvons créer quelque chose de grand. Quelque chose qu'aucune entreprise ne peut réaliser... Sauf si elle fait appel à ses visiteurs. C'est ainsi qu'Amazon est utile grâce aux critiques des visiteurs, et que mes articles gagnent en valeur grâce à vos commentaires, qui a dit Clubic 2.0 ?
- Les données sont la clé : il existe de plus en plus d'outils pour créer des services web de tous types. Des projets similaires à Twitter ou Digg sont créés en quelques jours par une poignée de développeurs. La conséquence ? Ce sont les données qui comptent.
- Une expérience utilisateur riche : en particulier grâce à AJAX (Asynchronous Javascript and XML-RPC, ce qui signifie en clair qu'on n'a pas besoin de charger la page entière pour mettre à jour une information) les applications web ressemblent de plus en plus aux applications classique.
Ce sont donc beaucoup de critères qui n'ont pas forcément beaucoup de rapport les uns avec les autres. Pourtant, à l'unanimité les habitants de la Silicon Valley se reconnaissent (et veulent être reconnus) sous ce label de Web 2.0.
L'éclatement de la Bulle...
Pourquoi ? Ce Web 2.0 correspond au renouveau de l'industrie informatique, et en particulier le renouveau de la Silicon Valley. Entre 1995 et 1999, l'Internet se répandant dans les foyers et les entreprises et le web étant une terre nouvelle à conquérir. Des colosses tels que !, Amazon ou Ebay se sont créés, tandis que d'autres entreprises certes moins connues ont également pu faire leur trou.
Cependant, comme vous le savez certains ont un peu surestimé le pouvoir du Web et on cru pouvoir devenir millionnaires en créant un site web sur leur chien, ou en vendant en ligne des produits qu'on trouve pour moins cher au supermarché du coin. Les investisseurs se sont pris de fièvre, ont alimenté ces entreprises dans l'espoir de donner vie au prochain Yahoo! ou Amazon... Jusqu'à ce que la bulle éclate. Une entreprise comme Pets.com, fondée en 1998, avec 320 employés à son apogée et des spots publicitaires dans tous les États-Unis, a fermé boutique en 2000. Il y a eu bien d'autres Pets.com...
Le problème, c'est que les investisseurs, refroidis par l'éclatement de la bulle ont en quelque sorte jeté le bébé avec l'eau du bain. Des entreprises avec un projet solide ne trouvaient pas de financement et devaient disparaître, simplement parce que la conjoncture était mauvaise. La crise n'a cependant pas été négative pour tout le monde, puisque Google a pu recruter les meilleurs ingénieurs qui peinaient à trouver un emploi.
...et le Renouveau
Vers 2003, l'économie de la Silicon Valley est repartie. Il est redevenu plus facile de monter un projet, de trouver un financement, et plus difficile d'embaucher. Il s'est passé du temps depuis la bulle, des années qui pour le web sont des siècles. Les projets d'aujourd'hui sont bien différents des projets d'hier, et c'est à mon sens ce qui permet de donner un nouveau nom, Web 2.0. Un nouveau nom, c'est aussi une façon de dire que ce web là n'est pas le web qui a échoué au début des années 2000.Alors... Bulle ou pas Bulle ?
Il y a des différences fondamentales entre le web d'aujourd'hui (que l'on appelle Web 2.0 ou pas) et le web du siècle dernier.* Haut débit : alors que le haut débit était quasi-inexistant, et que seule une fraction de la population était connectée à Internet, aujourd'hui Internet est très répandu avec de plus de 50% de connectés à haut débit.
- L'Expérience de la Bulle : les investisseurs comme les entrepreneurs sont un peu comme des enfants qui se sont crus invincibles, ont grimpé fièrement à l'arbre le plus haut de la cour de récré et sont tombés en se cassant les jambes. Ils ont compris la leçon, et sont plus sobres et plus prudents que par le passé.
- Le faible coût de démarrage : techniquement, on dispose aujourd'hui d'outils qui permettent de développer en quelques semaines (voire jour) par un ou deux développeurs ce qui nécessitait des années-hommes par les passé. Côté marketing, fini les campagnes d'affichage ou les spots télévisés ; le bouche à oreille sur le web fonctionne suffisament bien. Au final, on peut démarrer avec moins de moyens donc plus facilement et avec moins de risques.
Le Mot de la Fin
C'est pour cette raison que je ne pense pas que la Silicon Valley est actuellement dans une “Bulle 2.0”, comme on l'entend parfois. Cependant, je ne peux pas m'empêcher de conclure sur cette anecdote que j'ai vécu à Stanford il y a quelque temps, lors d'une conférence.Cinq fondateurs de start-up étaient invités pour une session de panel. Il y avait entre autres les fondateurs de suicidegirls.com, de hotornot.com, et de fark.com.
Première question : Quel est votre business model ? Réponse unanime, plus ou moins : la publicité. Certains avaient un modèle mixte avec un service payant, mais la publicité restait la source principale de revenus.
Deuxième question : Le marketing ? Réponse tout aussi unanime : n'écoutez pas les MBA ! Les campagnes de communication, on a essayé, ça ne marche pas. Le bouche à oreille, il n'y a que ça de vrai. Les utilisateurs satisfaits en parlent autour d'eux, sur leur blog, mettent des liens, et ça se répand comme ça. Commentaire de Guy Kawasaki, l'animateur : c'est marrant quand même... Tous ces types vendent de la pub, et ils nous disent tous que ça ne marche pas !