Quelques heures après que le président de la République a publiquement entériné les propositions soumises au gouvernement par les membres de la « mission Olivennes », les réactions des différents acteurs concernés par la problématique des droits d'auteur sur Internet pleuvent. Preuve, s'il était nécessaire d'en apporter une, que cette question cruciale ne laisse personne indifférent. Sociétés d'auteurs et ayants droit se félicitent de la mise en place de ce projet, alors qu'associations de consommateurs évoquent la mise en péril des libertés individuelles. D'autres, comme les hébergeurs de contenus, regrettent que leur statut particulier n'ait pas été mieux étudié. Au niveau politique enfin, la question est loin de faire l'unanimité. Florilège.
La Sacem « s'attend à ce que ces propositions permettent de contribuer plus effectivement à la lutte contre la piraterie, dont les ayants droit sont les premières victimes ». « Il est évident que cette avancée bienvenue constitue un nouveau jalon dans le combat difficile mené depuis de longues années pour faire respecter les droits et assurer la légitime rémunération des créateurs », ajoute la société des auteurs et compositeurs.
Même son de cloche du côté du Snep et de la SCPP qui, dans un communiqué commun, « approuvent la mise en place par les pouvoirs publics d'une autorité administrative indépendante qui aura la capacité de prendre des mesures contre la violation des droits de propriété intellectuelle au travers d'un système d'avertissements permettant la suspension voire la résiliation des abonnements à Internet qui seraient utilisés pour des pratiques illicites ».
L'UFC-Que Choisir n'aura pour sa part même pas attendu la remise du rapport pour monter au créneau : « Une fois encore la question cruciale et prioritaire de l'amélioration de l'offre en ligne a servi d'alibi à une initiative quasi exclusivement consacrée à la mise en oeuvre de mesures répressives à l'encontre des internautes », vitupère l'association de consommateurs, à qui la ligue Odebi emboite le pas, en pronostiquant qu'une « nouvelle mobilisation aurait lieu, et surtout que les ventes des industries culturelles chuteraient, contrairement à l'objectif fixé à la mission Olivennes ».
Dans un communiqué commun, les hébergeurs Dailymotion et Kewego précisent qu'ils ne font pas partie de la quarantaine de signataires de cet accord. Le premier indique avoir été auditionné alors que le second explique ne pas l'avoir été. Tous deux affirment souscrire pleinement au principe de « collaboration en toute bonne foi » entre prestataires d'hébergement et ayants droit visant à généraliser l'utilisation de technologies de reconnaissance des contenus. Ils indiquent toutefois qu'un passage de l'accord entre en contradiction avec le régime de responsabilité d'un hébergeur tel qu'il est défini dans la loi sur la confiance dans l'économie numérique. Ce passage précise que les hébergeurs ont pour mission de mettre en place les différents dispostifs légaux existants, mais ceux-ci sont susceptibles de dépasser la portée des implications de la LCEN.
Au niveau politique, l'enthousiasme semble de mise du côté du gouvernement, mais l'opposition gronde à l'Assemblée et certains élus UMP la rejoignent. Comme Marc le Fur et Alain Suguenot, députés UMP, qui dès le 22 novembre disaient dans un communiqué déplorer la proposition visant à créer une autorité publique « qui aurait compétence, sur plainte des ayants droit dont les contenus auraient été téléchargés, pour prendre des sanctions à l'encontre des internautes téléchargeurs ».
« Ce transfert des pouvoirs du juge à une autorité administrative revient à créer une véritable juridiction d'exception pour les téléchargeurs et va à l'encontre du principe d'égalité devant la loi et les tribunaux, principes fondamentaux des lois de la République », expliquent-ils.
« On ne peut déceler ni consensus, ni équilibre dans les décisions inefficaces et dangereuses annoncées par le Président de la République. Les consommateurs et de nombreux artistes sont exclus de ce compromis bricolé. Il n'offre aux créateurs qu'une protection illusoire », affirme pour sa part Christian Paul, député de la Nièvre (PS), qui dit encore regretter « que le gouvernement n'ait pas le courage de constater l'échec de la loi DADVSI, de s'engager dans une légalisation progressive des échanges non commerciaux sur le net et de rechercher de nouveaux modes de financement pour la création ».
D'aucuns estiment par ailleurs dommageable que les mesures visant à promouvoir l'offre légale, comme l'abandon des mesures techniques de protection, ne s'appliquent qu'aux acteurs français, laissant des grands noms du secteur comme libres de continuer à pratiquer leur politique actuelle. L'établissement du cadre législatif et réglementaire visant à définir les conditions d'application de ces différentes mesures devrait donc donner lieu à moult débats à l'Assemblée nationale et au Parlement.