Un Cyber Campus pourrait voir le jour « dès 2020 », nous confirme Guillaume Poupard (ANSSI)

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 17 octobre 2019 à 17h09


Le campus, dont le lieu reste à déterminer, doit dans un premier temps rassembler les trois plus gros acteurs français de la cybersécurité, prêts à jouer le jeu.

La cybersécurité est un enjeu de taille, dont l'intérêt est grandissant alors que l'IoT se déploie à toute vitesse et que la 5G pointe le bout de son nez, attisant les convoitises des attaquants informatiques du monde entier. Le directeur général de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), Guillaume Poupard, nous indique qu'un cyber campus français devrait sortir de terre d'ici l'année prochaine. Nous l'avons interrogé à Monaco, lors des Assises de la sécurité, afin d'en savoir plus.


Rassembler différentes personnes et entreprises, autour du socle commun de la cybersécurité

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Guillaume Poupard (© Alexandre Boero pour Clubic)

Clubic : Vous portez l'idée de la création d'un cyber campus. Pouvez-vous nous dire en quoi il va consister ?

Guillaume Poupard :Aujourd'hui, en France, nous avons développé des administrations avec de vrais moyens, que ce soit au sein de l'ANSSI mais également au sein du ministère des Armées ou dans les autres ministères. De vrais moyens existent. Nous avons un développement industriel qui n'est jamais suffisant à notre goût, mais qui sincèrement est à la pointe, notamment à l'échelle européenne. Nous avons des chercheurs de haut niveau, des formations qui le sont également et qui sont aussi à la pointe pour former des experts cyber. Tous ces gens-là sont dans un écosystème où le dialogue est ouvert, où nous collaborons et travaillons ensemble, mais où nous sommes chacun dans notre lieu, tous séparés, et ça, c'est un frein.

« Il ne faut pas que ce soit un outil étatique de plus où l'on va juste consommer de l'argent public »


Si nous voulons aller plus loin, plutôt que de multiplier par deux tous les effectifs, il faut être capable d'avoir un endroit, ou plusieurs, pour travailler différemment. Nous devons rapprocher la recherche, l'enseignement, et les industriels. L'idée est de mettre ensemble des personnes de différentes entités en allant au-delà de la peur de se dire "si l'on place nos collaborateurs ensemble, on va nous les piquer." Nous sommes en train de dépasser cette appréhension, même au niveau industriel, où l'on se rend compte de l'intérêt de travailler en commun.

Combien de sociétés ont accepté de vous suivre sur ce projet de campus cyber ?

Nous avons identifié les trois entreprises avec le plus gros chiffre d'affaires en termes de cybersécurité en France : Atos, Thales et Orange. Mais ce n'est pas exclusif à ces sociétés. Le campus sera ouvert à d'autres, et il faut que ce soit le cas, c'est d'ailleurs l'appel que je lance.


La démarche doit bien être industrielle, et c'est pour cela que le chef de fil du projet n'est pas l'ANSSI. Il s'agit de Michel Van Den Berghe (ndlr : directeur général d'Orange Cyberdefense), qui vient du privé et qui a été désigné avec une lettre de mission par le Premier ministre pour piloter le projet. Nous l'aidons, et les autres entreprises l'aident aussi en ce sens. Il ne faut pas que ce soit un outil étatique de plus où l'on va juste consommer de l'argent public, non. L'idée est d'avoir un lieu où tous les gens qui y viendront auront intérêt à venir, et même intérêt à payer pour cela, notamment leurs locaux. Cette compréhension est réelle. Il y aura bien entendu des questions de gouvernance et de missions à mener à l'intérieur, sans oublier son emplacement, sa taille. Ces questions ne seront pas simples, mais je souhaite vraiment que cela aboutisse car ce sera une manière de faire, non pas différemment, mais ce sera très complémentaire de ce que l'on fait aujourd'hui et du socle que l'on a su bâtir en France avec ces différents acteurs.

« Une présentation au niveau politique d'ici la fin de l'année »


Un lieu qui tournera grâce à l'argent des sociétés participantes, et non celui de l'État

À quelle échéance aimeriez-vous voir sortir de terre le campus ?

Pour moi, on parle de l'an prochain. Nous ne pouvons pas attendre 3 ou 4 ans sur un sujet comme ça. Les domaines sur lesquels nous travaillons avancent super vite, et si nous sommes lents, nous resterons en retard. Michel Van Den Berghe va proposer une présentation au niveau politique d'ici la fin de l'année, ce qui arrive très vite. Ce que je souhaite, c'est enchaîner assez vite.


Au niveau du budget, le campus nécessiterait quelle manne financière ?

Je ne veux pas que ce soit une manne financière. Ce n'est pas de la subvention. Chacun des acteurs va payer, chacun croit au projet se dit qu'il gagnera plus d'argent après. Pour un acteur économique, c'est normal. Il faut que la promesse de bénéfices soit au rendez-vous, pour les acteurs privés notamment. Je pense que ce processus est sain. Plus que de mettre de l'argent public sur le table en espérant que ça fonctionne.

Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu
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