Tester un téléviseur 8K... À quoi bon si l'on considère que les quelques contenus disponibles ne le sont pas pour tout le monde. Quand bien même Netflix parvient aujourd'hui à diffuser en Ultra HD, via un flux de 15 Mbits/s, tout le monde ne peut déjà pas en profiter, alors acheter un téléviseur 8K semble relever carrément du délire. Surtout compte tenu du prix de 17 000 euros de ce Sony KD-85ZG9 !
En fait, si Sony emboîte le pas à Samsung en lançant ses téléviseurs 8K, sur le papier, le constructeur japonais pourrait rapidement se retrouver face à un problème de taille : Samsung commercialise son tout dernier QLED 8K 82Q950R (un 82 pouces donc) à 10 000 euros, soit 7 000 euros de moins que la version 85 pouces de Sony - le ZG9 est aussi décliné en version 98 pouces à 80 000 euros. Sony se serait-il tiré une balle de pied en commercialisant un produit aussi cher ?
En attendant de tester le modèle du constructeur coréen, nous avons pu passer quelques heures en compagnie du KD-85ZG9 dans un lieu aménagé pour l'occasion par Sony. Une précision importante, car ces téléviseurs 85 et 98 pouces pesant respectivement 80 et 100 kg, il n'est pas facile d'organiser la logistique pour tester ces produits dans nos espaces habituels. Nous sommes donc allés à lui, nos outils de test dans le sac à dos.
Spécifications techniques
Ce téléviseur fait partie de la famille des ZG9 Master Series de Sony. Un modèle très haut de gamme regroupant les meilleures technologies du constructeur, dont un processeur très performant. Sony le décline en versions 85 et 98 pouces, et c'est la première, dotée d'une dalle de 216 cm de diagonale que nous avons testé.- Diagonale de l'image : 85 pouces (216 cm)
- Type d'écran : LCD, rétroéclairage Direct LED local dimming
- Définition d'image : 7680 x 4320 pixels (8K)
- Système d'exploitation : Android TV 8
- Compatibilité: HDR10, HLG, DolbyVision
- Connectivité : 4xHDMI, 3xUSB, antenne IEC75, 2x satellite, Ethernet RJ45, sortie optique, sortie casque, entrée audio G/D, WiFi : 5 GHz (802.11ac) et Bluetooth : 4.2
- Processeur d'image : Sony X1 Ultimate
- Haut-parleur : 12 voies - 80 watts (Techno Acoustic Multi-Audio)
- Consommation électrique annuelle annoncée : 882 kWh
- Dimensions avec les pieds: 1913 x 1226 x 432 mm
- Dimensions sans les pieds : 1913 x 1141 x 120 mm
- Poids : 74,5 kg
Une superbe qualité d'image
Faut-il s'en étonner ? La qualité d'image de ce téléviseur est incroyable ! Et pour cause, nos tests démarrent avec une séance de visionnage de contenus 8K. Des boucles, réalisées par le constructeur, et diffusées sur le téléviseur à l'aide d'un boîtier de conversion spécial qui assure le multiplexage de quatre prises HDMI pour les afficher ensuite sur l'immense dalle de 216 cm, via son port HDMI conçu en conséquence.En effet, pour afficher la définition de 7 680 x 4 320 pixels, soit 33 millions de pixels, il faut une interface adaptée, à savoir le HDMI 2.1. Comme cette interface n'est pas encore ratifiée, Sony ne peut se permettre de signaler que les ports HDMI de son téléviseur répondent à cette norme. Pour autant, c'est partiellement le cas. Quoi qu'il en soit, le résultat qui s'affiche sous nos yeux est sublime.
Sony ne communique jamais sur le nombre de zones lumineuses gérées par ses dalles ni même l'intensité lumineuse maximale, mais à l'œil c'est flagrant : c'est du lourd et ça pète. Certains sites américains spécialisés évoquent un rétroéclairage comptant 480 zones et un pic lumineux qui peut atteindre les 4 000 nits. Si on ne peut le vérifier, on peut toutefois valider le fait que la multiplication des zones lumineuses permet à Sony de maîtriser d'autant plus le rendu de l'image.
Sans atteindre la perfection de l'OLED, cette dalle LCD est capable de produire des couleurs sublimes et des noirs profonds dans une seule et même image. La maîtrise des fuites de lumière est remarquable et même si elle n'est pas encore parfaite, l'écart entre OLED et LCD se réduit considérablement sur ce point.
Après en avoir pris plein les yeux avec les images 8K, dont la fluidité, le piqué et le traitement, sont gérés à merveille par le processeur Sony X1 Ultimate, nous entamons les tests avec des contenus Ultra HD. Blu-ray et contenus sur Netflix se succèdent.
On est rapidement séduit par les performances de la puce en matière d'upscalling. Les sources sont traitées et améliorées pour s'afficher très proprement sur cette immense dalle de 85 pouces. Si Sony ne martèle par les termes d'intelligence artificielle - comme a pu le faire Samsung au lancement de son téléviseur 8K - le travail réalisé ici par l'électronique est remarquable.
Après tout, il ne faut pas oublier que le constructeur maîtrise le monde de l'image, aussi bien en télé, qu'en photo et en vidéo, mais aussi dans la production professionnelle. Son expérience dans le monde du cinéma aurait justement été mise à contribution dans la conception de ce KD-85ZG9.
Des couleurs justes
Après nos tests basés essentiellement sur le feeling, place aux tests techniques. Une fois notre sonde reliée au téléviseur, notre logiciel de mesure nous permet rapidement de constater que le KD-85ZG9 produit des couleurs d'une grande fidélité. Le Delta E Moyen est mesuré à 2,77 en mode cinéma, ce qui équivaut à un excellent résultat. Plus le score est proche de zéro, meilleur est le rendu, mais il est important de noter qu'en dessous de la note de 3, l'œil humain ne perçoit plus le gain de fidélité.Comme toujours, les modes « standard » ou « lumineux » faussent grandement le rendu des couleurs. Si le mode « lumineux » est à bannir sauf situations exceptionnelles, le mode « standard » pourra faire l'affaire pour regarder un programme TV en pleine journée, si la pièce est baignée de lumière. Car oui, la dalle de 85 pouces est brillante et elle capte très bien les reflets de lumières.
Pour en finir avec le rendu des couleurs, lorsque l'on interroge Sony, le constructeur annonce modestement que sa dalle est capable de produire 90% de l'espace colorimétrique DCI-P3. Une promesse qui se vérifie visiblement à la lecture de nos tests. On ne vous le cache pas, certaines dalles OLED font mieux, mais là encore, l'œil humain pourrait bien avoir du mal à faire la différence. Quoi qu'il en soit, pour parvenir à un tel résultat de calibration, Sony se serait appuyé sur son moniteur professionnel utilisé dans le monde du cinéma, le BVM-X300.
Un monstre qui sait rugir
Dans le monde du cinéma justement, en plus d'une image de qualité, il faut un son qui vous hérisse le poil. Évidemment, aucun téléviseur ne pourra vous immerger aussi bien qu'un véritable système audio haute fidélité avec plusieurs enceintes installées dans la pièce... pas même un modèle à 17 000 euros. Mais ce 85 pouces délivre néanmoins une belle performance.Cela s'explique par l'intégration d'un système Hi-Fi de 80 watts plutôt bien dimensionné et bien pensé. En l'occurrence, il se compose de 12 haut-parleurs et de deux caissons de basses. Commençons par les haut-parleurs. Ceux-ci sont installés aux quatre coins de l'imposante structure du téléviseur et se décomposent en deux médiums et un tweeter à chaque fois. Etant disposés en haut et en bas de la dalle, ils permettent en plus à Sony de jouer d'un effet de spatialisation du son qui fait son petit effet. Par exemple, lorsqu'une personne parle à droite d'une scène, on le perçoit bien comme tel.
Les caissons de basses, eux, sont composés de deux voies chacun et sont positionnés à l'arrière de l'écran. Lors de nos tests, nous n'avons noté aucune saturation ou bruit désagréable, qui aurait pu être provoqué par des vibrations sur le châssis du téléviseur.
Châssis par ailleurs bien renforcé pour supporter autant de composants, mais aussi offrir assez de coffre pour disperser la chaleur émise par le rétroéclairage. Quoi qu'il en soit, pour bien des usages, le son de base du téléviseur fera l'affaire. En même temps, nous parlons ici d'un appareil à 17 000 euros, ne l'oublions pas.
Android TV au mieux de sa forme
Qu'on soit fan ou non d'Android TV, impossible de ne pas reconnaître le travail réalisé par Sony sur cet univers. À vrai dire, il était temps que le constructeur s'y mette pour se rapprocher, enfin, des interfaces fluides et intuitives proposées par Samsung avec Tizen OS ou LG avec webOS.Le résultat est tout à fait satisfaisant. Depuis quelques générations, l'équipement technique des téléviseurs permet de faire tourner Android TV de manière adéquate. En outre, Sony se distingue par sa surcouche logicielle qui facilite l'accès aux réglages du téléviseur. Une pression sur la touche « paramètre » de la télécommande fait apparaître une barre d'icônes dans le bas du téléviseur, donnant un accès direct à l'essentiel des réglages d'image et de son. Auparavant, il fallait faire défiler une succession de menus pour obtenir ce même résultat.
Une belle avancée donc, notamment rendue possible par l'arrivée d'Android 8. Cette version est non seulement mieux optimisée que la précédente, mais sa nouvelle interface de navigation rend aussi son usage plus agréable. La double navigation horizontale et verticale est très intuitive et, désormais, les applications favorites offrent un accès direct à leurs programmes en cours.
Par exemple, pour regarder la suite d'un épisode d'une série sur Netflix, il n'est plus nécessaire d'ouvrir Netflix, choisir son compte, puis reprendre sa série dans le menu adapté. Il est possible de reprendre sa séance dès le menu d'accueil du téléviseur.
Enfin comme les autres téléviseurs de la série 9, cet AG9 intègre deux micros dans le bas de la dalle qui permettent d'utiliser Google Assistant, même lorsque le téléviseur est éteint. Évidemment, il est possible de couper ces micros pour n'utiliser que celui intégré dans la télécommande au besoin, mais le fait de pouvoir utiliser l'assistant en mode main-libres, depuis n'importe où dans la pièce s'avère vraiment pratique... Encore faut-il aimer utiliser ces assistants personnels.
Des premières bonnes impressions en jeu
À l'occasion de cette découverte du KD-85ZG9 nous avons également eu le temps de prendre la mesure d'input lag et de jouer quelques minutes sur le téléviseur. Nous ne nous aventurerons pas à donner le moindre verdict définitif sur ce sujet, si ce n'est que l'image est extrêmement dynamique et l'upscalling sur la PS4 Pro (Sony oblige) fonctionne visiblement très proprement pour God Of War.Toujours à l'œil et sur ce bref constat, il en va de même sur FIFA 19. La boucle de démonstration de Gran Turismo réalisée ici en 8K HDR fait carrément rêver !
Outre ce constat visuel, nous avons branché notre sonde d'input lag au téléviseur. Attention, il ne s'agit pas de mesurer le temps de latence de la dalle LCD, mais bien la latence d'affichage entre le moment où le port HDMI reçoit le signal et celui où la dalle l'interprète. En l'occurrence, la mesure obtenue est ici de 20,1 ms... ce qui ne place pas ce ZG9 parmi les meilleurs. Samsung et LG parviennent aujourd'hui à descendre sous les 15 ms.
Résultat : nous nous passerons de verdict définitif pour les jeux car il nous faudrait vraiment plus de temps pour multiplier les tests.
Conclusion
En conclusion, c'est sans surprise que nous avons constaté les qualités du tout nouveau téléviseur 8K de Sony. Pour autant, à 17 000 euros, ce modèle ne s'adresse clairement pas à tout le monde. Pour autant, tester ce téléviseur était intéressant ne serait-ce que pour constater à quel point un bon upscalling peut aujourd'hui produire de belles choses sur une dalle aussi immense et dense en pixels, que ce 85 pouces.Sony ne semble d'ailleurs pas s'être fixé le moindre objectif de vente pour ce téléviseur très haut de gamme. Il est évident qu'un tel modèle ne se vend pas aussi facilement qu'une télé à 1500 euros. Le constructeur nous a d'ailleurs indiqué que les clients souhaitant acheter le modèle 98 pouces la commande devront obligatoirement verser un acompte à la commande pour ne pas se désister ensuite.
Enfin, pour avoir échangé quant à l'intérêt des téléviseurs 8K avec différents producteurs et diffuseurs de contenus, nombreux sont ceux qui s'accordent à dire qu'il faut que les constructeurs proposent des plateformes matérielles pour que le contenu soit ensuite proposé aux utilisateurs. Après tout, la migration du Full HD vers l'Ultra haute définition s'est opérée sur le même schéma... même si on a vraiment l'impression que parler de 8K aujourd'hui est encore plus prématuré que de parler de l'ultra haute définition à ses premières heures.