Live Japon : Bitcoin, un "Furansujin" sur le gril

Karyn Poupée
Publié le 01 mars 2014 à 10h10
"Il y avait des points faibles dans le système, par conséquent, les bitcoins ont disparu": c'est sur le ton "je n'y peux rien, mais pardon", que le Français Mark Karpelès, patron de la société MtGox sise au Japon, a annoncé lors d'une conférence de presse vendredi soir la faillite de cette Bourse d'échange de monnaie virtuelle Bitcoin. L'individu est catalogué "geek", petit génie du code, mordu de jeux vidéo et d'informatique, piratage compris.

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MtGox, M. Karpelès ne l'a pas créée, mais rachetée en 2011 à son fondateur américain. Il gère cette plate-forme en plus de sa société d'hébergement de sites web, Tobanne, créée au Japon où il se serait installé en 2009. L'opération aurait pu être un succès, mais c'est en réalité une catastrophe et peut-être même le début de la chute des Bitcoins disent certains, même si M. Karpelès, qui a démissionné de la Fondation Bitcoin, déclarait vendredi à la presse: "les Bitcoins continuent de s'échanger ailleurs et offrent encore beaucoup de possibilités. Il est important de faire en sorte que les conséquences de la faillite de MtGox soient les plus petits possibles". Il n'empêche, ce qui s'est produit cette semaine au Japon est pour le moins dissuassif.

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Rappel des faits: le 7 février, MtGox, qui se revendiquait comme une des plus importantes plates-formes d'échange de monnaie virtuelle Bitcoin (non régulée par les autorités financières nationales ou internationales) suspendait les retraits, prétendument en raison d'un problème technique. Le 10 février, toutes les transactions étaient interrompues, soi-disant dans le but de corriger le bug à l'origine des soucis. Puis, le 25 février, c'est l'accès même à la plate-forme d'échange via internet qui était coupé. Le site devint alors une seule page, avec des messages qui se voulaient rassurants mais sont pires que tout pour les nombreux lésés. Durant quelques jours, M. Karpelès était même aux abonnés absents.

M. Karpelès et ses avocats prétendent que l'entreprise a été victime d'une attaque informatique, les pirates ayant réussi à subtiliser les Bitcoins. Or, il semblerait que les premières attaques remontent à mai 2013. Elles se seraient toutefois aggravées ensuite.


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"Début février, à cause d'accès illicites dus à un bug logiciel, le nombre de transactions non abouties a apparemment augmenté et de ce fait nous pensons qu'il est possible que des Bicoins aient ainsi été subtilisés", a expliqué une avocate lors de la conférence de presse convoquée vendredi soir. "In fine, le 24 février au soir, il est apparu que 750 000 Bitcoins des clients et 100 000 détenus par la société avaient disparu", a poursuivi un autre avocat lors du même point de presse.

Du point de vue des médias japonais et du grand public nippon, ce M.Karpelès, finalement apparu devant les caméras tout penaud et tremblant en fin de journée vendredi 28, est un coupable, c'est évident. Et même si les enquêtes en cours finissaient par prouver que MtGox a bel et bien été victime d'attaques de pirates qui ont volé quelque 850 000 Bitcoins, il n'en serait pas moins tenu pour responsable de ne pas avoir su protéger les intérêts de ceux qui lui ont fait confiance. Sans compter qu'une partie des liquidités versées par les clients pour obtenir des Bitcoins, soit 2,8 milliards de yens (20 millions d'euros), qui auraient dû être en banque, ont aussi disparu. "C'est un étranger, en l'occurence un Français, qui a volé", voilà ce qu'en pense le Japonais lambda. Des spécialistes, eux, expliquent que MtGox a sans doute créé un compte bancaire en ligne pour y déposer cet argent, compte qui aurait lui aussi subi une attaque et aurait été en partie vidé, sans doute en plusieurs fois car on imagine assez mal un retrait de 20 millions d'euros d'une traite.

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"Pour les acheteurs de Bitcoins, c'est en tout cas le scénario du pire qui est en train de se matérialiser", a déclaré à la chaîne publique NHK un des 127 000 créanciers, un des quelques Japonais du lot qui a investit 20 millions de yens (150 000 euros). Toutefois, le Japon se console en constatant que les lésés sont surtout des étrangers, les Nippons ne représentant apparemment que moins de 1% de l'ensemble.

Parmi les étrangers bernés interrogés par diverses chaînes de télévision japonaises, se trouvent aussi pas mal d'étrangers qui reprohaient déjà auparavant à MtGox une certaine légèreté dans la façon d'informer les utilisateurs. C'est que la suspension de service de ce début février n'était pas la première du genre. Les enquêtes en cours pourraient aussi dit-on démontrer que M. Karpelès savait que la plate-forme était faillible, qu'il y avait des lacunes de sécurité et ce depuis des mois.

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Depuis que l'affaire a éclaté et au moins jusqu'à vendredi soir dernier, un Britannique de 40 ans était assis devant le siège tokyoïte de MtGox avec une pancarte "MtGox, where is our money ?". L'homme aurait confié à cette plate-forme l'équivalent de près de 200 000 euros. "Ils ont trahi la confiance de tout le monde et foutu en l'air la vie de nombreuses personnes", a-t-il témoigné vendredi soir à la télévision, juste après l'annonce du dépôt de bilan.


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Après sa "shazai kaiken" (conférence de presse d'excuses, une curée obligatoire au Japon), le Furansujin Karpelès s'est fait étriller sur des forums en ligne : "fausses excuses", "vols", "est-ce que l'argent disparu ne lui aurait pas par hasard servi de salaire, à ce type ?", "Au fait, pourquoi un étranger est venu s'occuper de ce genre d'affaire au Japon ?"

Le contenu intégral des documents déposés pat MtGox auprès du tribunal se retrouve sur certains sites internet. On y apprend que la société en question a déclaré avoir encaissé l'an comptable passé un chiffre d'affaires de 135 millions de yens (un peu moins d'un million d'euros), tandis que le montant déclaré de l'ardoise laissée s'élève à 6,5 milliards de yens, équivalent à la valeur des dépôts et Bitcoins évaporés.

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Face aux accusations selon lesquelles les dirigeants de l'entreprise, au premiers rangs desquels figure M. Karpelès, auraient détourné les fonds, les avocats répondent qu'aucune autre hypothèse n'existe que celle des attaques informatiques. Reste à avancer les preuves que vont évidemment exiger les limiers nippons lancés sur l'affaire. D'autant que le ministre japonais des Finances n'est pas un fan des Bicoins, loin s'en faut. A l'écouter aujourd'hui, il s'attendait à ce que l'entreprise tourne mal. Que ne l'a-t-il pas dit plus haut, plus fort, d'autant que les médias nippons aussi ont indirectement fait la publicité de ces Bitcoins dont l'avenir est désormais assurément assombri dans le monde et sans doute réduit à néant au Japon.

La question légitime que se posent en tout cas beaucoup de Japonais est: "pourquoi cett société, créée par des étrangers qui revendiquaient tant l'indépendance vis-à-vis des institutions financières et se jouaient de toutes les règles de régulation des monnaies, en vient aujourd'hui à réclamer l'aide de la justice japonaise pour purger ses comptes ? Le tribunal doit refuser le dépôt bilan et imposer aux dirigeants de MtGox de rembourser leur dû".
Karyn Poupée
Par Karyn Poupée

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