Orange et Free reprochent depuis plusieurs mois au groupe Numericable-SFR d'utiliser abusivement l'appellation fibre. « Il y a tromperie sur la marchandise », confient-ils à Les Echos. Ils seraient sur le point d'obtenir du gouvernement un meilleur encadrement de ce puissant argument de vente. Les Echos s'est procuré un futur arrêté qui imposerait de préciser, s'il ne se fait pas en fibre optique, sur quel support physique se fait le raccordement final.
Les publicités et les documentations commerciales de Numericable-SFR indiqueraient par conséquent :
* Raccordement final en coaxial »
De la fibre puis du métal, comme pour l'ADSL
En effet, comme nous le rappelons à chaque article, le réseau de Numericable n'est pas en FTTH (fibre jusqu'au domicile). Comme le nom de l'opérateur l'indique lui-même, le réseau de Numericable est un réseau câblé. La « Box Fibre » de Numericable est raccordé au réseau par un câble coaxial en cuivre, le même que pour l'antenne de la télévision. Pour proposer du très haut débit, Numericable a modernisé ce qu'on appelle la collecte, en passant bel et bien à la fibre optique. Mais le câble coaxial court selon les cas sur quelques dizaines de mètres à quelques kilomètres, jusqu'au « dernier amplificateur », auquel on doit l'appellation FTTLA, qui peut se trouver au mieux mais rarement au pied de l'immeuble (FTTB), au pire à l'entrée du quartier, souvent quelque part entre les deux, sous le trottoir (FTTC). On parle ainsi de HFC, de raccordement hybride fibre coaxial.Dans certains cas, le réseau de Numericable n'a donc pas plus recours à la fibre optique que l'ADSL ou le VDSL, avec lequel l'abonné est raccordé à son NRA par du fil de cuivre, puis au reste du réseau par de la fibre optique.
Pour sa défense, Numericable-SFR argue que les performances sont à ce jour équivalentes. C'est partiellement vrai : le réseau Numericable offre des débits en phase avec ceux du FTTH, mais seulement en téléchargement. Respectivement jusqu'à 800 et 1000 Mb/s. Mais le câble est loin derrière en émission : le débit montant plafonne aujourd'hui à 40 Mb/s, contre 250 Mb/s avec la fibre de bout en bout. Soit plus de six fois moins. Or c'est plus du débit montant que du descendant que dépendent les nouveaux usages de la révolution du très haut débit : sauvegarde massive en ligne, cloud personnel, etc.
Au pied d'un immeuble, une fibre en entrée, deux câbles coaxiaux en sortie - Crédit : steph1969 pour LaFibre.info
Le câble a pourtant des avantages
Le réseau câblé présente pourtant deux avantages décisifs.D'abord, la télévision est diffusée séparément d'Internet. L'argument du débit Internet préservé n'est pas recevable, car les 10 ou 20 Mb/s que consomment une ou deux chaînes HD ne représenteraient que 10 à 1 % du débit Internet (hors zones 30 Mb/s), mais la technologie est la plus éprouvée et plus fiable que l'IPTV. La réputation de meilleur décodeur TV de La Box dépend en grande partie des possibilités offertes par cette technologie.
Mais surtout, 8,5 des 13,5 millions de foyers qui ont accès au très haut débit (au moins 30 Mb/s) l'ont par le biais du câble, contre 5 millions par celui du VDSL et 4 millions par celui du FTTH (certains foyers ayant plusieurs technologies à leurs disposition), selon le dernier observatoire du très haut débit de l'Arcep.
Le problème, c'est que plutôt que de vanter les avantages indéniables du câble pour se démarquer de la concurrence, Numericable-SFR a mis la « fibre » au cœur de sa communication. Depuis le rapprochement des deux opérateurs, la rubrique « Internet » (fixe) du site de SFR a même été renommée « Fibre », alors que l'opérateur propose encore de l'ADSL (certes seulement si le client n'est pas éligible au câble).
Et malheureusement l'ajout d'un astérisque et d'une mention légale quasi invisible est une mesure bien timide pour mettre fin aux confusions des consommateurs. Qui a relevé sur les publicités de Free que le routeur de la Freebox atteint 400 Mb/s et pas 1 Gb/s ? Si bien que les fournisseurs de FTTH doivent ruser eux-aussi : Orange parle par exemple de « fibre 100% fibre ». Les opérateurs et les associations de consommateurs sont toutefois encore en discussions avec les pouvoirs publics (Arcep, Autorité de la concurrence...) pour qu'on distingue plus clairement la « vraie » de la « fausse » fibre.
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