Des chercheurs se sont penchés sur une nouvelle forme croissante d'activité professionnelle : le micro-travail. Ces tâches peu rémunératrices et nécessitant peu de qualifications concerneraient environ 260 000 personnes en France. Qui cherchent essentiellement à mettre du beurre dans les épinards.
L'étude a été menée par deux chercheurs du CNRS et de Télécom ParisTech. Pour dresser un panorama du micro-travail en France, l'équipe de recherche s'est notamment appuyée sur un questionnaire en ligne auprès de 1 000 individus ayant recours à cette pratique, ainsi qu'à une enquête qualitative auprès de 92 travailleurs, clients et propriétaires de telles plateformes.
Le micro-travail au service de l'IA
Le micro-travail est une forme de crowdsourcing, qui divise le travail en une multitude de micro-tâches, réalisables par des individus. Ces brèves missions sont alors proposées sur des plateformes en ligne, les plus célèbres étant Amazon Mechanical Turk, ou Foule Factory en France. Les utilisateurs qui y sont inscrits, les micro-travailleurs, peuvent alors prendre en charge des activités nécessitant peu de qualifications, contre une rémunération à la tâche généralement faible.Paradoxalement, cette multitude d'interventions humaines joue un rôle essentiel dans le développement de l'intelligence artificielle. En effet, les algorithmes de machine learning, en particulier, nécessitent des bases de données qualifiées pour leur phase d'apprentissage. Et ce sont des humains qui leur permettent d'être alimentés avec de tels jeux d'entraînement. De même, les micro-travailleurs aident parfois à vérifier les résultats de l'IA ou à pallier ses limites.
Lutter contre une précarité financière
D'après l'étude, ce mode de travail serait en plein essor et concernerait environ 260 000 personnes en France. Un chiffre d'une grande ampleur qu'il convient toutefois de nuancer, puisqu'il recense en réalité le nombre d'inscrits sur les plateformes, sans dissocier les véritables micro-travailleurs des inactifs.Qui sont ces micro-travailleurs et quelles sont leurs sources de motivation ? La première raison de leur présence sur ces sites est le besoin d'argent, pour environ 45 % des sondés. Car les plateformes de micro-travail attirent particulièrement des populations précaires : 27,9 % des inscrits seraient sans emploi et 22 % d'entre eux vivraient sous le seuil de pauvreté. Cependant, le revenu accumulé varie fortement selon les utilisateurs, avec une moyenne à... 21 euros par mois.
Une population invisible et sans protection
À cette difficulté financière, s'ajoute celle de faire reconnaître son travail. Car les micro-travailleurs n'ont généralement pas la possibilité de communiquer avec leur client, ni même entre eux. Et les tentatives pour faire entendre leur voix ou négocier de meilleures rémunérations, via les forums des plateformes, sont souvent tuées dans l'œuf par les sites eux-mêmes.Le but de cette étude est donc d'alerter sur une nouvelle forme de travail, beaucoup moins médiatisée que celles des indépendants pour les applications de VTC ou de livraison. Et si ces derniers protestent parfois contre leurs conditions de travail, les micro-travailleurs, eux, évoluent dans un univers où la protection sociale est parfois tout simplement inexistante.
Source : DiPLab