Quel spectacle que ces premiers instants de ses 8 années de trajet vers les lunes gelées de Jupiter ! L'avant-dernier décollage d'Ariane 5 a tenu toutes ses promesses, après un petit report d'une journée. Et même si le déploiement ne fait que commencer, l'une des étapes les plus stressantes de la mission est passée.
Comme pour le télescope James Webb, la trajectoire a excédé les attentes.
Elle décolle, fin de l'aventure terrestre
Un soulagement général. D'abord, pour les équipes d'Arianespace et du Centre Spatial Guyanais avec cette première grande campagne de l'année, pour les ingénieurs, chercheurs et techniciens d'Airbus Defence & Space qui ont conçu et assemblé la sonde JUICE. Mais aussi, bien sûr, pour l'Agence Spatiale Européenne, qui envoyait vers Jupiter l'une des missions les plus ambitieuses de son existence. Le « Jupiter Icy Moons Explorer » a décollé vendredi 14 avril à 14 h 14, après un report de 24 heures et un premier compte à rebours qui n'avait montré aucun défaut au sol : seule la météo n'avait pas voulu collaborer, avec un important risque d'orage et de foudre. Cette fois, la chronologie de lancement est arrivée à son terme, avec l'allumage du moteur Vulcain 2.0, puis celle des deux boosters EAP d'Ariane 5, et le départ de la fusée européenne. Cette dernière a filé en quelques secondes vers les nuages, ce qui n'a pas empêché tous les concernés de rester les yeux rivés vers le ciel et la télémesure.
JUICE part précisément pour Jupiter
Ariane 5 a suivi exactement la trajectoire prévue. Après 2 minutes et 16 secondes de vol, les deux boosters à poudre ont été éjectés, puis l'étage central, alimenté en oxygène et hydrogène liquide, a poursuivi sa montée jusqu'à T+8 minutes et 44 secondes. La coiffe éjectée, il ne restait plus qu'à accélérer très précisément vers le point visé, éloignant JUICE de l'orbite terrestre. Après 27 minutes et 44 secondes de mission, la sonde a été éjectée sans problème, et tout le monde a pu applaudir. Même si le suspense, pour l'ESA et toutes les équipes hors lanceur, a duré plus d'une heure : la sonde a été suffisamment capricieuse pour patienter avant de contacter les stations au sol ! Heureusement, la suite est tout aussi heureuse, puisque dans les heures qui ont suivi, l'agence européenne a pu confirmer que les panneaux solaires étaient déployés et que la sonde communiquait comme prévu.
Le décollage est toujours un moment aussi stressant qu'important pour une sonde dont le trajet total atteindra environ 6 milliards de kilomètres au fil de la prochaine décennie. Il l'était d'autant plus qu'Ariane 5 arrive en fin de carrière, il s'agissait là de son avant-dernier décollage. Pourtant, ce n'était pas un vol standard. Comme pour le télescope James Webb, la sonde BepiColombo ou Rosetta, le lanceur avait quelques petites modifications sur mesure. Une attention particulière qui a payé, puisque le directeur d'Arianespace a depuis communiqué sur la précision atteinte. Ariane 5 a été si précise que la première manœuvre prévue pour JUICE a été abandonnée : il n'y en a pas besoin, la sonde pourra donc économiser un peu de son précieux carburant.
Un petit bilan de santé, et vous pouvez y aller
Contrairement à ce que l'on peut imaginer, le début de mission a été plutôt calme, les jours suivant le décollage servant à faire un « check-up » de JUICE. Les déploiements des antennes et des instruments n'ont pas encore eu lieu, et ne prendront place que dans quelques jours et semaines, nous réservant de belles images pour plus tard (la sonde dispose de plusieurs caméras spécialement installées pour les déploiements). Il s'en suivra une période de tests pour vérifier que les 10 instruments scientifiques à bord sont prêts pour leur mission qui n'entrera pourtant dans sa phase critique que dans 8 ans, lors de l'arrivée dans le système jovien. Il reste en effet beaucoup de temps et plusieurs manœuvres très importantes avant de pouvoir étudier Europe, Callisto et surtout Ganymède, la plus imposante des lunes de notre Système solaire.
JUICE reviendra bien nous passer le bonjour, avec plusieurs survols prévus pour gagner de la vitesse, son trajet n'étant pas en ligne droite vers Jupiter. Le prochain passage aura lieu en août 2024, et ce sera également une première pour l'ESA comme pour les autres sondes, car c'est une double assistance gravitationnelle, de la Terre et de la Lune. JUICE devra ensuite se préparer pour un deuxième survol « exotique » pour une sonde destinée au système jovien : celui de la planète Vénus en août 2025. D'ici là, nous aurons le temps de savoir où en est la mission. Mais quoi qu'il arrive, elle est bien partie !
Source : Sky & Telescope