Une longue enquête revient sur les conditions à Google quant au retour de son moteur de recherche en Chine. Un projet qui fait bien des remous en interne.
L'éthique n'a jamais été au coeur des discussions concernant le retour de Google en Chine
Le projet Dragonfly est probablement le sujet le plus discuté à la machine à café du quartier général de Google. Ce nom énigmatique désigne le retour programmé du moteur de recherche en Chine, après avoir quitté le pays en 2010 pour protester contre la censure. Une enquête réalisée par The Intercept dévoile les coulisses de ce projet à haut risque pour l'image de marque d'une entreprise dont le slogan a longtemps été « Don't be evil ».Les premières discussions à propos de Dragonfly ont débuté en février 2017. Et dès le départ les personnes présentes lors des réunions ont été déconcertées par la teneur des débats. Les cadres de l'entreprise leur ont révélé que l'infrastructure du système de recherche dépendrait d'une société partenaire chinoise disposant de centres de données à Beijing ou à Shanghai.
Cette décision permettrait aux autorités chinoises d'avoir un accès complet sur les requêtes de recherche, et de cibler précisément les opposants au régime. Pour les dirigeants de Google, ce vrai problème éthique ne semblait pas si important pour changer de cap, notamment Scott Beaumont, responsable des opérations de Google en Chine qui « n'a pas estimé que les équipes juridiques, de sécurité et de protection de la vie privée devraient être en mesure de remettre en question ses décisions concernant les produits, et a maintenu une relation ouvertement antagoniste avec elles » selon Yonatan Zunger, un employé aux 14 ans d'ancienneté et qui a quitté l'entreprise à cause de cette affaire.
Le moteur de recherche a même été encore plus loin en éloignant l'équipe chargée de la sécurité et de la protection de la vie privée du projet Dragonfly. Plus aucun de ses membres n'ont été conviés aux réunions suivantes, comme ils le racontent aujourd'hui sous couvert d'anonymat.
Une protestation en interne sans effet pour le moment
Google a entrepris une politique visant à supprimer toute critique de l'entreprise en interne concernant cette réimplantation chinoise qui déchaine les passions entre les employés du groupe. Certains ingénieurs et autres membres du personnel informés du projet (quelques centaines sur les 88 000 salariés dans le monde) ont appris qu'ils risquaient de perdre leur emploi s'ils osaient en discuter avec des collègues qui ne travaillaient pas eux-mêmes sur Dragonfly.Aujourd'hui, les employés de Google font pression sur leur direction pour abandonner rapidement ce projet et cesser toute tentative de retour en Chine, si cela doit passer par le sacrifice des valeurs de l'entreprise et une compromission vis-à-vis du gouvernement chinois. Une lettre ouverte à été signée par 1000 d'entre eux, sans réaction du moteur de recherche pour le moment.
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