Entreprendre une suite était dès lors aussi casse-gueule que dispensable. Surtout aux yeux de celles et ceux qui tiennent en haute estime la conclusion du premier opus.
Dès l'annonce de The Last of Us Part II, en décembre 2016, beaucoup ont craint le péché d'hubris de la part du studio californien qui, la même année, volait déjà très proche du soleil avec l'inoubliable Uncharted 4 : A Thief's End.
Mais peut-être est-ce de retrouver le visage si expressif d'Ellie ; d'entendre de nouveau la voix de Joël ou les envolées musicales de Gustavo Santaolalla qui a finalement fait pencher la balance du côté de l'intrigue plutôt que de l'incrédulité.
Peut-être aussi que Naughty Dog, par la voix de son vice-président Neil Druckmann, a su trouver les mots pour légitimer son projet. « Faites-nous confiance », pouvait-on lire en filigrane sur chaque trailer, dans chaque interview.
Alors soit. Nous avons fait confiance. Nous avons traversé The Last of Us Part II de bout en bout. Et nous n'en regrettons pas un seul instant.
Le monde d'après
The Last of Us se terminait sur un mensonge, et sa suite commence par une vérité : les enfants grandissent aussi vite que leur rancœur est tenace.Ellie a 19 ans, et fait désormais partie des patrouilleurs de la ville de Jackson (Wyoming), fondée par le frère de Joël, Tommy, et son épouse Maria. Un cadre social inhabituel pour le joueur (et encore plus pour Ellie) : les individus environnants sont des amis, pas des menaces.
Une petite vie en communauté qui ferait presque oublier que les infectés sont toujours là, dehors, et que tout reste à rebâtir — la confiance, en premier lieu.
Une confiance qu'Ellie a depuis son arrivée à Jackson accordée à Dina et Jesse, ses acolytes de patrouille qui l'accompagneront pendant l'aventure.
Car vous l'imaginez bien : la paisible routine de nos protagonistes sera rapidement bouleversée par un traumatisme qui poussera Ellie à rejoindre Seattle, berceau des Wolfs, la faction tenue pour responsable des événements.
Force de frappe et poids des mots
Rapidement, The Last of Us Part II nous met en selle (littéralement) et fait étalage des progrès d'Ellie en termes d'agilité. La jeune femme est très mobile et peut désormais sauter, esquiver les attaques au corps-à-corps et même ramper. Une capacité qui change clairement la donne côté infiltration.Un nouveau panel de mouvements, qui trouve dans les environnements plus ouverts de The Last of Us Part II un formidable terrain de jeu. Visiblement enhardi par ses expérimentations en la matière sur Uncharted 4, Naughty Dog offre à Ellie des arènes beaucoup plus vastes pour livrer ses combats. Comme dans le premier volet, libre à vous de tenter l'approche frontale contre vos ennemis, ou de tenter de les contourner à grand renfort de briques et de bouteilles vides pour créer des diversions.
« L'approche furtive est plus complexe que jamais »
Seulement, l'approche furtive est plus complexe que jamais tant l'IA a fait des bonds de géant depuis The Last of Us. Désormais parfois accompagnés de chiens pisteurs, vos antagonistes peuvent suivre votre trace.
Et c'est déjà ici que le studio californien signe un premier tour de force quant à l'immersion du joueur. Vous le savez sans doute si vous avez analysé le moindre trailer disponible : The Last of Us Part II parle autant de violence qu'il nous en jette crûment au visage. Mais contrairement à ce que certains ont pu craindre, Naughty Dog ne se gargarise pas de cet aspect de son jeu — quiconque a déjà regardé un épisode de The Walking Dead n'en sera pas outré. Non, cette violence, il en fait un moteur pour responsabiliser le joueur.
On s'explique. Les soldats du WLF ou les Scars (une autre faction ennemie) se parlent beaucoup pendant les confrontations. Mieux : ils ont chacun un nom. Et entendre un soldat ennemi s'émouvoir, trémolos dans la voix, de la mort de «Kevin», que vous venez d'assassiner discrètement, a quelque chose de foncièrement dérangeant. Ne parlons même pas de la dévastation du maître lorsque, pour vous défendre, vous n'avez d'autre choix que d'abattre son chien. C'est atroce ; vous allez vous en vouloir pour cela. Tout comme Ellie qui, sous ses airs de Lara Croft décomplexée de sauvagerie, a son propre seuil de tolérance à la souffrance qu'elle peut infliger à autrui.
Bien sûr, tout n'est pas parfait. En mode de difficulté Normal, certains ennemis mériteraient un petit passage chez l'ophtalmo (on peut parfois rester planté 3 secondes dans le champ de vision d'un soldat avant qu'il ne lance l'alerte). De même que vos acolytes, s'ils sont plus malins que dans le premier épisode, restent parfois trop dans vos pattes. Un laxisme qui s'amoindrit dans les modes de difficulté supérieurs, mais qui ne parvient malheureusement pas à rendre les quelques combats de boss intéressants. Pourquoi Naughty Dog s'obstine tant à en proposer ?
Un soin du détail rare
Reste qu'en matière de level design, de direction artistique et de narration environnementale, Naughty Dog n'a de leçons à recevoir de personne.Comme dans les précédents jeux du studio, chaque promenade est prétexte à discussion entre les personnages. Bien plus bavards qu'à l'accoutumée, on se plait souvent à ralentir le rythme, juste par plaisir d'entendre Ellie et Dina se questionner sur un monde qu'elles n'ont pas connu (toutes deux sont nées après l'apparition du cordyceps). À ce titre, et grâce à l'ouverture nouvelle dont bénéficient les zones du jeu, The Last of Us Part II est un véritable paradis pour pillard. Que ce soit pour récupérer des ressources ou des documents venant épaissir l'univers conceptuel imaginé par Neil Druckmann, Bruce Stralley et Halley Gross.
Il vous faudra de toute façon sortir de l'ornière et prendre le temps de fouiller votre environnement pour espérer mettre la main sur tous les arbres de compétence de votre personnage — bien plus nombreux que dans le premier opus, et étonnamment bien cachés.
« Avec ses zones plus ouvertes, The Last of Us Part II est un véritable paradis pour pillard »
Des appels d'air reposants dans un jeu la plupart du temps angoissant, et qui permettent d'apprécier à sa pleine valeur le travail titanesque réalisé par les développeurs et les artistes de Naughty Dog pendant 6 ans.
Au risque de verser dans la formule toute faite : The Last of Us Part II est visuellement le jeu le plus abouti de cette génération, et de loin. Jamais des composites de pixels n'ont paru aussi humains. Une prouesse graphique qui se conjugue évidemment à l'interprétation habitée d'Ashley Johnson (Ellie), Shannon Woodward (Dina), Troy Baker (Joël) et tous les autres. Tout, du tressautement d'une lèvre qui trahit l'inquiétude, à ce vilain tic de se frotter les mains lorsque les mots ne viennent pas, est retransmis à l'écran par un moteur graphique qui pousse la PlayStation 4 dans ses retranchements.
Il faut aussi parler du sound design, dont la réverbération rend les claqueurs plus terrifiants que jamais. Ce soin du détail qui fait que, lorsqu'on interagit avec un établi pour améliorer ses armes, le moindre cliquetis est parfaitement restitué aux oreilles du joueur. Rien n'est laissé au hasard, et le dénominateur commun à tous les efforts entrepris par le studio est l'immersion du joueur.
Aussi ne boudons pas notre plaisir d'entendre à nouveau Gustavo Santaolalla reprendre en main sa guitare et son banjo pour la bande originale. Une B.O qui, à l'image du premier opus, se fait parcimonieuse, et réserve ses plus belles mélodies à des scènes clés de l'intrigue. Au risque de se faire oublier parfois, sans doute.
De quoi The Last of Us est-il le nom ?
Soyons francs : nous ne jouons pas à The Last of Us pour sa proposition de gameplay, aussi sympathique soit-elle. Améliorée juste ce qu'il faut pour la rendre plus digeste, la recette est proche de ce que proposait Naughty Dog il y a sept ans.Non, si l'on s'intéresse à ce monument du jeu vidéo, c'est pour la marque indélébile que son scénario a laissé sur la plupart des joueurs qui s'y sont essayés. On en revient donc à la gageure de lui imaginer une suite.
« The Last of Us Part II est un jeu indiciblement plus complexe que ne l'était son prédécesseur »
Sans détailler aucun élément de l'intrigue, il faut garder en tête que The Last of Us Part II est un jeu indiciblement plus complexe que ne l'était son prédécesseur. Et il part avec un avantage de taille : l'opus original n'appelant absolument pas à une suite, nous n'avons au départ aucune idée d'où il veut nous emmener.
On écrit avantage... mais il faut rester prudent, surtout pour les joueurs impatients : TLOU 2 vous occupera entre 20 et 30 heures pour une bonne raison. C'est un jeu qui ne précipite rien, qui brouille les pistes en permanence et semble nous agiter sous le nez des lieux communs scénaristiques pour finalement nous décrocher la mâchoire avec ici un twist, là une scène à la délicatesse rare.
Parfois, le titre semble s'engager dans d'interminables tunnels narratifs. Il prend d'énormes risques et étire quitte à frôler la dilution. Tout ne fait pas sens immédiatement et on nous demande de l'accepter.
Puis les pièces du puzzle s'imbriquent jusqu'à ce moment — horrible — où l'on comprend très clairement ce qu'essaie de faire Naughty Dog. Nous parlions plus haut d'immersion du joueur, mais il est plutôt ici question d'implication. De ce que le jeu nous fait traverser et des choix qu'il nous force à faire.
Vous comprendrez sans doute le numéro d'équilibriste que représente la rédaction d'une critique exempte de tout divulgâchis. Aussi concluons en rassurant les lecteurs : même si vous avez regardé tous les trailers et lu toutes les interviews au sujet de The Last of Us Part II, vous n'avez encore rien vu. Et sachez comme nous vous envions d'avoir le plaisir, bientôt, de découvrir pour la première fois cette suite qui, définitivement, n'a rien de surnuméraire.
The Last of Us Part II : l'avis de Clubic
Mais pourquoi Naughty Dog a-t-il fait une suite ? Cette question, légitime de prime abord, n'en est plus une une fois que son générique défile et que nous passons nos mains sur notre visage, comme pour encaisser le choc.The Last of Us Part II n'enlève rien à la perfection de son aîné. Il ne rebat aucune carte. C'est un jeu qui ne gâche rien ; qui embellit tout et donne même davantage que ce à quoi on peut s'attendre. Un titre parfois insaisissable ; qu'il nous arrive de trouver trop long pour, le moment d'après, le serrer très fort contre soi pour l'empêcher de partir.
Des ratés dans The Last of Us Part II ? Probablement une ou deux longueurs, et une poignée de combats de boss insipides. Rien que la somme de ses qualités n'écrase de tout son poids. Un nouveau trophée gravé du nom de Naughty Dog, et un magnifique chant du cygne pour la console de Sony.
Test réalisé sur PS4 Pro grâce à un code fourni par l'éditeur