Mais dans la guéguerre qui oppose annuellement Call of Duty à Battlefield s'est greffé un nouvel ennemi commun à abattre : Fortnite, qui cumule actuellement près de 8,5 millions de joueurs dans le monde. Aussi l'annonce des deux mastodontes du FPS que leur nouveau volet contiendrait un mode Battle Royale n'a étonné personne. Celle de l'abandon de la campagne solo de Call of Duty: Black Ops III en revanche, oui.
Un pas que Battlefield V n'ose pas franchir, en proposant à l'instar de son illustre prédécesseur Battlefield 1 des « Récits de Guerre » mettant en scène des théâtres d'opérations méconnus du grand public.
Pourtant, la forme étonne. Stigmate brûlant d'une polémique sur le modèle économique des jeux Electronic Arts en général, le contenu futur de Battlefield V s'offrira gratuitement aux joueurs tout au long de l'année. En découle ainsi un jeu au contenu initial un peu chiche et morcelé. La première confrontation avec l'écran principal et ses nombreuses options grisées ornées d'une date future de disponibilité laisse coi. Malgré tout, ce Battlefield V porte d'ores et déjà la promesse d'un épisode plus équilibré que ses prédécesseurs.
Rail de poudre et chant de canons
Que peut-on encore avoir à raconter sur la Seconde Guerre mondiale, alors que films, livres et jeux vidéo par dizaines se sont déjà attelés à nous immerger avec force détails dans l'opération Overlord ou la campagne russe ? « Beaucoup de choses », répond non sans malice DICE, cachant dans son escarcelle des Récits de Guerre aussi inédits que bien ficelés. Pour peindre son tableau guerrier, le studio s'appuie sur une science de la mise en scène et sur des scénarios courts et poignants, servant à la fois d'éléments de contexte et de prétextes légitimant votre haine de l'autre lors des futurs affrontements en ligne.Découpée en trois récits distincts d'environ une heure (un quatrième et dernier sortira le 4 décembre), la campagne solo de Battlefield V nous emmène d'abord sur le front nord-africain, où un braqueur raté se retrouve embrigadé dans des forces spéciales britanniques pour échapper à la prison. Car plus que de mettre l'accent sur des théâtres de guerre méconnus, DICE cherche ici à donner un coup de projecteur à des unités et soldats que les livres d'histoire taisent poliment. Une profession de foi qui se poursuit lors du deuxième chapitre nous mettant dans la peau d'une tireuse d'élite en pleine forêt norvégienne, et qui atteint son pinacle au cours d'un troisième récit dédié aux tirailleurs sénégalais.
Si le fond est plaisant, la forme n'en reste pas moins des plus convenues. Battlefield V ne réinvente pas la poudre, et vous demandera grosso modo de faire pénétrer de multiples projectiles envoyés à haute vitesse dans le corps de vos ennemis. Des nazis, animés par une IA aussi finaude qu'une vanne de Bigard au cours d'un repas de famille aviné. On pardonne, tant le cahier des charges de l'immersion est parfaitement rempli. Il ne faudra néanmoins pas chercher autre chose dans ce mode de jeu qu'un didacticiel extrêmement bien foutu des joutes multijoueurs à suivre.
Une guerre totale mais moins spectaculaire
Qu'est-ce qui différencie réellement Battlefield de Call of Duty ? Il y a 10 ans, on aurait répondu de but en blanc « les véhicules ». Mais l'expertise de DICE s'est progressivement mue en une maestria pour impliquer son joueur dans le conflit qui l'oppose à ses adversaires. D'une part - on l'a vu - en passant par une campagne solo servant d'élément de contextualisation, mais aussi en poussant à fond les curseurs de la coopération entre les membres d'une même escouade. Car plus que jamais, Battlefield V vous demandera de jouer en équipe pour triompher.Ce renforcement du lien entre joueurs passe notamment par une nouveauté de taille : tous les membres d'une même escouade peuvent désormais se ramener à la vie mutuellement. Un grand chambardement dans le gameplay qui, s'il est fort agréable lorsque vous jouez avec des personnes altruistes, se change en véritable cauchemar si vos team mates foncent bille en tête sur le champ de bataille. Aussi, conséquence logique de ce changement : on ne compte plus que 3 ou 4 médecins par équipe lors de parties à 64 joueurs. Autrement dit : bon courage pour se relever d'une mort certaine si vous ne jouez pas dans une équipe soudée.
Déjà très beau sur consoles, Battlefield V se magnifie sur PC, où il est pleinement compatible avec le Ray Tracing permis par les dernières cartes graphiques Nvidia. Découvrez ci-dessous du gameplay maison sur BFV avec le Ray Tracing activé.
Car DICE a aussi veillé à rendre son jeu un poil plus réaliste. Les dégâts des armes sont bien plus importants qu'à l'accoutumée, et chaque joueur démarre avec un nombre réduit de munitions dans sa cartouchière (trois chargeurs exactement). Des détails qui poussent à la prudence et à la parcimonie, et qui rendent le travail des classes médecin et soutien indispensable à la progression dans les différents modes de jeu.
Parlant de modes de jeu, Battlefield V n'innove pas réellement en la matière. Pour l'heure, seuls les modes Conquête, Domination, Ruée, Ligne de Front, Match à mort par équipe et Grandes Opérations sont disponibles, pour un total de 8 cartes seulement. Le mode Battle Royale, bien que présenté comme le meilleur argument de vente de cet opus, ne viendra garnir les rangs de BFV qu'au cours du premier trimestre 2019. Aussi Battlefield V n'échappe pas à la désagréable impression de jouer à un Battlefield 1 sur lequel on aurait apposé une skin Seconde Guerre mondiale (en oubliant par ailleurs ce qui la caractérise le mieux pour les joueurs : le fusil M1 Garand - absent du jeu jusqu'à ce que l'armée américaine soit introduite). Pire, le titre répond de manière plus pataude que son prédécesseur à notre demande de grand spectacle. Il faut dire que l'absence des Béhémoths y est pour beaucoup.
Bring Your Own Sac de sable
Dans un effort pour replacer la coopération entre joueurs au centre de son gameplay, Battlefield V vient accompagné de quelques très bonnes idées pour renforcer l'immersion et l'entraide. L'une des plus judicieuses est la possibilité de bâtir des fortifications aux endroits stratégiques à défendre pour repousser avec plus de férocité l'assaillant. Tous les joueurs sont ainsi équipés d'un marteau leur permettant de construire leur petite ZAD, sans pour autant pouvoir faire n'importe quoi.Une fois un point capturé, différentes options de construction s'offrent à vous, et un simple appui prolongé sur la touche de tir permet d'empiler des sacs de sable, de creuser une tranchée ou encore de bidouiller un échafaudage. Une feature de fait moins inspirée de Fortnite que de Rainbow Six Siege qui, une fois maîtrisée, se révèle parfaitement indispensable pour espérer tenir un point plus de 10 secondes.
Dépourvu de lootboxes (encore heureux), Battlefield V opte pour une progression plus axée sur la persévérance par rapport à ses prédécesseurs. Les armes et accessoires se déverrouillent ainsi au gré de votre niveau de classe, et celles-ci ont le bon goût de ne jamais s'imposer comme le choix le plus pragmatique pour être performant. Au contraire, Battlefield V vous force à vous choisir une arme de prédilection et à continuer de progresser à l'aide de celle-ci. Ce faisant, vous débloquerez des bonus qui vous permettront de réduire là le recul horizontal de l'arme, ou ici d'augmenter la vitesse à laquelle vous visez. Les pétoires que vous débloquez ne sont ainsi pas plus que des alternatives à des starters excellents, qui n'en deviennent que plus redoutables au gré de vos parties. Mais alors où est l'appât du gain dans tout ça ?
C'est justement là que Battlefield V semble se poser comme une rupture dans le game design général des FPS de DICE. Dépourvu de DLC, ne proposant aucun réel avantage à être au rang maximum et en encourageant au maximum le jeu en équipe, BFV est un jeu que l'on pourrait qualifier de prêt à l'emploi. Dès votre première partie, vous avez toutes les cartes en main pour être le meilleur soldat possible. Pour peu que vous vous pliiez aux quelques règles de bienséance. Après tout, la réussite de votre équipe en dépend. Et quelle plus belle récompense que de voir s'afficher en lettres capitales « Victoire » en fin de partie ?
Battlefield V : l'avis de Clubic
Pour quiconque a joué à Battlefield 1, ce dernier volet pourrait sembler à première vue austère. Moins spectaculaire sur bien des aspects, Battlefield V n'offre l'épique qu'à celles et ceux qui veulent bien se donner la peine de jouer le jeu vraiment. Éminemment centré sur la coopération entre les joueurs, on retrouve finalement dans ce 12e volet la quintessence de ce qu'à toujours voulu être la licence de DICE, mais qui s'était un peu perdue en route, trop occupée à vouloir mettre des bâtons dans les roues d'un Call of Duty qui ne l'effraie plus vraiment, désormais.Toujours beau à en pleurer, Battlefield V fait mouche aussi bien du côté visuel que sonore, où les mélopées vengeresses côtoient les cris de douleurs des soldats implorant votre aide sur le champ de bataille. À ce titre, BFV demande presque à ses joueurs de se la jouer role play pour être apprécié totalement. Une bien étrange manière de faire un jeu vidéo triple A, en 2018.
Plus exigeant, Battlefield V ? Disons simplement que le jeu de DICE récompense plus qu'aucun autre la persévérance de ses joueurs. Et à ce titre, la volonté du studio suédois d'étaler son contenu (gratuit) sur une année entière s'avère judicieuse.