Peu d'éditeurs de jeux vidéo sont capables de nous enthousiasmer à l'annonce d'un remake. Il y a bien Sony qui, même s'il n'en est pas l'instigateur, tente de déterrer les licences phares de sa PlayStation comme Crash, Spyro, Medievil.
Aussi, avant de poser les mains sur ce Resident Evil 2, on ne peut s'empêcher de pousser un petit soupir. "Encore ? Sérieusement ?". Oui, sérieusement. Et vous voulez que je vous dise ce qu'il y a de plus beau dans ce remake ? La promesse, à demi-mot, qu'un jour Resident Evil 3 : Nemesis et Resident Evil 4 auront droit au même traitement de faveur.
Mais que fait la police ?
L'histoire, on l'a connait. Leon Kennedy le bleu, en route pour son premier jour au commissariat de Raccoon City ; Claire Redfield la badass, à la recherche de son frère Chris, porté disparu depuis les événements du manoir Spencer quelques mois auparavant. "Deux étrangers, deux anonymes, mais pourtant", dirait le poète. Une rencontre fortuite et un camion-citerne en flammes plus tard, les deux héros sont séparés et poursuivront l'aventure chacun de leur côté.En dépit d'un tronc commun assez volumineux, le scénario de Leon et de Claire est assez largement dissemblable, et jouissent chacun d'un scénario bis parsemant ça et là quelques différences encore plus notables (pssst : pour les puristes, le canon c'est Claire A et Leon B). Autant de prétextes pour replonger, encore et encore dans les ruelles pluvieuses de Raccoon City, poussant la durée de vie totale du titre à une bonne vingtaine d'heures, si l'on n'a rien contre se retaper certaines séquences identiques. Autrement, la première run vous occupera entre 6 et 8 heures selon votre aisance.
Aussi malgré les efforts communicationnels de Capcom à cet égard : non, Resident Evil 2 n'est pas un "tout nouveau jeu", scénaristiquement parlant. Leon est toujours d'une niaiserie sans nom avec Ada, et Claire se changera toujours aussi rapidement en mère de substitution pour la petite Sherry Birkin. Capcom a préféré l'approche d'un maître de cérémonie qui ajuste ici et là la durée d'une séquence (la scène de l'alligator a d'ailleurs été assez sauvagement rabotée).
Mais si l'éditeur ne transforme pas le post-il scénaristique de Resident Evil 2 en chef-d'oeuvre de littérature, il fait preuve d'une maestria rare pour en faire un tableau de maître. Disons-le d'emblée : Resident Evil 2 est l'un des titres les plus techniquement impressionnants de cette génération.
S'extasier devant un crâne décharné : mode d'emploi
Le RE Engine avait déjà fait montre de sa docilité dans Resident Evil 7, et il ne s'en sort pas moins bien dans un jeu à la troisième personne. Mis à part quelques visages féminins à la limite de l'uncanny valley, le moteur de Capcom délivre un univers graphique impeccable sur tous les aspects.Il y a ces effets de lumière, d'abord, qui créent de parcimonieux halos qui viendraient presque nous rassurer de leur lueur jaunâtre. La réflexion des lampadaires sur un bitume trempé de pluie et maculé de sang est un bien étrange sujet de contemplation, et pourtant...
Mais ce qui force le plus le respect, c'est encore la modélisation des chairs. Ou plutôt, de leur absence. Jamais des zombies, aussi "lambda" soient-ils n'avaient paru si terrifiants. Un soin de modélisation qui se couple à une constante imprévisibilité des mouvements qui fait que, plus encore que les fameux lickers, les zombies sont les ennemis les plus redoutables de Raccoon City.
Capcom le sait parfaitement, et vous propose ainsi d'infliger les pires sévices à ces infectés pour qui vous ressemblez à une fondue savoyarde après une journée à skier. Grâce à une parfaite localisation des dégâts, libre à vous de démembrer joyeusement vos ennemis. Une solution parfois plus à propos qu'un tir dans la tête, les zombies étant vraiment coriaces. Il n'est pas rare de devoir loger plus de 8 balles dans l'encéphale de votre adversaire pour le clouer au sol. Parfois, la chance vous fera entendre le doux bruit d'une tête qui explose tel le couvercle d'un Tupperware qui aurait chauffé trop longtemps au micro-ondes après un tir seulement. Trop rarement pour le bien de vos stocks de munitions.
Car du survival horror, Resident Evil 2 fait honneur aux deux composantes du genre. Comme il est de coutume dans la saga, les munitions sont rares. A fortiori lors de votre premier run où, tel un adolescent à sa première boum, ne sait pas bien comment s'y prendre. Capcom n'ayant pas son pareil pour adosser une technique à la pointe à des mécaniques de gameplay archaïques, il vous faudra organiser votre inventaire, stocker les poudres et les plantes nécessaires à la confection de munitions et de soin, et penser à sauvegarder dans les (nombreuses) safe places au sein desquels les zombies ne peuvent pas entrer. Évidemment pour les plus masos : le mode Hardcore ne vous autorise la sauvegarde qu'en échange d'un ruban encreur.
L'inconfort comme principale qualité
D'aucuns voient comme une hérésie de porter la caméra à l'épaule alors que le jeu fût conçu pour des angles de vue immuables. Que ces mêmes personnes ne doutent pas que Resident Evil 2 remplit malgré tout à merveille son office horrifique. C'est notamment grâce à une direction artistique flamboyante, et à un sound design ravageur que, jamais l'inconfort ne quitte le joueur. Encore mieux : le jeu pénalise l'imprudent. Celui qui, las de visiter encore cette même pièce à la recherche d'un indice qui lui aurait échappé, se met à courir comme un dératé a ainsi toutes les chances de tomber sur un nouvel ennemi avec pertes et tracas.C'est là toute la force de ce remake de Resident Evil 2. Même si l'on entrevoit, à force, les mécaniques. Même si les tenseurs horrifiques nous apparaissent cousus de fil blanc après plusieurs heures de jeu, persiste un doute qui nous pousse à marcher plutôt qu'à courir. À scruter une nouvelle pièce du sol au plafond à la recherche d'un licker qui y aurait élu domicile. À tendre l'oreille en espérant ne pas entendre le pas lourd du Tyran.
Le fonctionnement des armes secondaires a très largement évolué avec ce remake de Resident Evil 2. Tout d'abord, le couteau de combat est désormais doté d'une jauge de durabilité, qui vous obligera à en changer régulièrement. Ensuite, le couteau aussi bien que la grenade étourdissante et la grenade explosive peuvent être utilisés pour se défaire de l'emprise d'un zombie, et ainsi éviter d'être mordus.
Ce dernier croisera votre route assez tôt dans le jeu, et ne vous quittera que rarement. Infecté alpha missionné par Umbrella pour vous réduire au silence, ce grand dadet en impair ganté de cuir lancera avec vous un macabre jeu du chat et de la souris au sein du commissariat de Raccoon City. Champion du monde de la patate de forain, cette véritable Némésis avant l'heure se fera entendre à plusieurs pièces à la ronde, augmentant sensiblement le degré de stress du joueur pendant ses recherches. Un coup de génie, qui nous a rappelé les meilleurs moments de Alien : Isolation.
Resident Evil 2 : l'avis de Clubic
Le remake de Resident Evil 2 est tout ce qu'on aurait souhaité que soient Resident Evil 5 et 6. Un jeu qui ne voit pas le fait de positionner la caméra à l'épaule comme un prétexte pour devenir un cliché hollywoodien de bas étage.Plus angoissant que terrifiant, Resident Evil 2 brille en nous privant de cette sensation de confort qui transformait parfois Resident Evil 7 en ersatz de Doom. Ici, les munitions manquent du début à la fin, et il n'est pas rare de se faire croquer la guibole par un zombie totalement random alors que son fusil à pompe est amélioré au maximum.
Sublimé par un RE Engine décidément épatant, ce remake dépoussière un monument de l'histoire du jeu vidéo avec un infini respect et l'adapte aux codes d'aujourd'hui.
Une réussite à tous les étages, qui nous fait étrangement espérer que davantage de remake de cette trempe viennent garnir nos étagères dans les prochaines années. Aurions-nous vieilli ?
Test réalisé sur Xbox One X à partir d'une version fournie par l'éditeur