Les séismes les plus graves causent des dégâts considérables, comme ici en Italie, en 2016 © Fabrizio Maffei / Shutterstock.com
Les séismes les plus graves causent des dégâts considérables, comme ici en Italie, en 2016 © Fabrizio Maffei / Shutterstock.com

Pour prévenir les séismes, notamment en France où certaines zones sont plus exposées que d'autres, les moyens technologiques évoluent et font leurs preuves sur le terrain. Ils aideront peut-être les experts, un jour, à anticiper les tremblements de terre.

Un puissant séisme de magnitude 6,8 a frappé le Maroc dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre 2023, provoquant la mort de plusieurs milliers de personnes, dans et autour de la province d'Al Haouz, au sud-ouest de Marrakech. Plus d'un siècle après le tremblement de terre de Lambesc (Bouches-du-Rhône), qui avait fait 46 victimes en 1909, la France est sous une menace sismique constante. Mais peut-on quantifier ce risque ? Quels sont les moyens technologiques mis en œuvre pour anticiper ce dernier, mais aussi pour répondre aux catastrophes sur le terrain ? Voici quelques éléments de réponse.

En France ? Les risques sont « globalement modérés », mais…

En France, les réseaux sismologiques enregistrent l'activité sismique de façon quotidienne. Le risque n'est pas le même selon les endroits, mais les mouvements sont constants. « En Métropole, nous avons des zones de sismicité classées de 1 à 4, et jusqu'à 5 pour les Antilles », nous explique Samuel Auclair, avec qui Clubic a pu discuter ce lundi.

L'ingénieur en risque sismique et gestion de crise au BRGM (service géologique national), nous précise qu'il y a dans le pays un zonage qui définit la probabilité d'avoir un séisme. Les Alpes-Maritimes, jusqu'à la région de Lambesc, le long des Pyrénées, les Alpes, les Vosges, et même le Massif armoricain sont des zones où l'aléa sismique est le plus élevé. En d'autres termes, « partout donc où ça bouge et où le sous-sol est fracturé, c'est-à-dire où il y a des failles », résume celui qui a écrit un bouquin sur le sujet, Le séisme sous toutes ses coutures – Les dessous d'une terre en mouvement, édité chez L'Harmattan.

Une carte postale de l'époque, après le séisme de Lambesc © IRSN
Une carte postale de l'époque, après le séisme de Lambesc © IRSN

Vous l'aurez compris, les zones montagneuses, qui ont davantage de relief, sont parmi les plus exposées. « La France est compressée par l'Afrique qui remonte, mais il est plus facile de faire bouger une faille existante que d'en créer une nouvelle ». Et si les risques sont globalement modérés en métropole, ce n'est pas le cas des Antilles, comme nous le rappelle Samuel Auclair. « La Martinique et la Guadeloupe ont chacune été dévastées par un séisme, respectivement en 1839 et en 1843 ».

La technologie, l'aide à la surveillance de l'activité sismique

La question légitime que vous vous posez peut-être, c'est de savoir comment on surveille, au quotidien, l'activité sismique en France et partout ailleurs. L'arme principale : c'est le sismomètre. « Il permet de mesurer comment le sol bouge, et permet de mesurer les secousses », décrit notre ingénieur. On peut aussi aujourd'hui mesurer précisément les déplacements de part et d'autre des failles, et on utilise pour cela des réseaux GPS très précis, pour « observer comment la Terre se déforme, ce qui d'ailleurs permet, hors séisme, de voir comment les plaques bougent les unes par rapport aux autres ».

Pour le cas du Maroc, et au regard de l'extrême sensibilité des sismomètres, le tout récent séisme a été enregistré par une grande partie des réseaux mondiaux, « à des milliers de kilomètres de là, jusqu'aux États-Unis par exemple », nous dit l'expert. « La plupart des réseaux transmettent leurs données et enregistrements en temps réel. En une dizaine de minutes, on a donc accès à la localisation de l'épicentre, on a connaissance de la magnitude du séisme, ainsi que sa profondeur ».

Voici un sismographe © Belish / Shutterstock

Mais nous nous posons une question : peut-on anticiper un séisme, comme on peut prévoir le réveil d'un volcan ? Samuel Auclair nous donne sa réponse. « La microsismicité est souvent utilisée pour l'alerte précoce aux volcans, effectivement. Il peut y avoir des activités mineures, des petites secousses qui sont des indicateurs pour se dire que oui, le risque d'éruption est élevé ».

Pour les séismes, le problème, « c'est qu'à ce stade, il demeure imprévisible ». Il peut néanmoins arriver que, dans certains cas et en procédant à de la rétro analyse, on puisse voir qu'il y avait bien une activité. « Mais il n'existe rien, aujourd'hui, qui puisse permettre une prévision, une prédiction fiable », assure l'ingénieur en risque sismique.

Drones, laser et un jour les exosquelettes : on n'arrête pas le progrès !

La technologie est en revanche de plus en plus présente, et le potentiel paraît immense. Pouvoir anticiper un séisme, cela est vu comme le Graal de la sismologie. « L'intelligence artificielle, le croisement des données et le big data de façon générale rouvrent cette voie de la recherche, qui était un peu fermée ces dix ou vingt dernières années, faute de résultats probants ».

La communauté scientifique travaille sur ce qu'elle appelle les systèmes de réponse rapide, qui « permettent d'avoir une chaîne de calculs qui aide à déduire l'intensité des secousses automatiquement et en quelques dizaines de minutes ». Sur cette base-là, les scientifiques peuvent faire jouer des simulations, « des scénarios offrant la possibilité d'apprécier l'impact potentiel et de manière globale, pour savoir l'ordre de grandeur du nombre de victimes ou de bâtiments détruits, et pour permettre aux autorités d'accélérer, d'anticiper leurs réponses ».

Sur le terrain et une fois les équipes de secours en place, la technologie offre de plus en plus de solutions. Les drones, qui ne sont pas utilisés que pour la surveillance, sont déjà une solution de soutien pour les équipes de secouristes qui procèdent au sauvetage, au déblaiement et à l'extraction des personnes. « On peut parler de drones aériens, mais aussi de ceux qui permettent de ramper, de se faufiler dans les décombres, parfois équipés de caméras thermiques ou porteurs de ravitaillement ». Samuel Auclair constate que le matériel a beaucoup évolué ces dernières années. « Outre les drones, on utilise aussi un faisceau laser qui pointe un bâtiment et est capable de détecter le moindre mouvement, pour que les secouristes puissent s'en extraire ». Ce fut le cas notamment à Paris et à Marseille lors de récents effondrements.

L'exosquelette, futur allié des équipes de secours ? © Frame Stock Footage / Shutterstock

Et le futur dans tout ça ? Les exosquelettes, dont nous vous parlons depuis plusieurs années sur notre site, pourraient aider à déplacer de lourdes charges. Et s'ils sont coûteux, leur soutien pourrait être précieux. Samuel Auclair, de son côté, a pu travailler sur l'IA et le traitement automatique des réseaux sociaux, « pour essayer de valoriser tout ce que les citoyens peuvent remonter et pour pouvoir faciliter la compréhension et avoir une vision d'ensemble sur ce qui peut se passer à tel ou tel endroit. C'est ici plutôt destiné aux échelons de gestion de crise ». Et chaque solution pertinente sera bonne à prendre, pour atténuer un maximum de telles catastrophes.

Quelle suite au Maroc ? Qu'en est-il des risques de réplique, quelle peut être leur intensité ? La réponse de Samuel Auclair :

« On constate les répliques au fur et à mesure. Un séisme, c'est une faille. Il faut imaginer deux blocs l'un contre l'autre qui veulent pousser en sens inverse, mais qui sont bloqués par de la friction, comme si l'on appuyait une main contre l'autre, qui restent bloqués jusqu'au moment où la résistance ne peut plus bloquer les deux morceaux, et d'un seul coup, tout bouge. Ces contraintes se sont accumulées pendant des dizaines, des centaines, voire des milliers d'années, comme dans le cas du Maroc. Pour que la faille se retrouve bloquée pendant des temps très longs, il faut qu'elle retrouve un état très stable. Le phénomène de réplique, c'est lorsqu'on a un séisme principal, puis derrière des séismes assez nombreux qui décroissent en fréquence et en intensité dans la durée. C'est le cas d'école. Au Maroc, il y a des répliques, qui sont de moindre intensité, mais qui dureront potentiellement plusieurs mois ».