La mission reste plus discrète que de nombreuses aventures américaines, et pourtant l'entreprise privée iSpace vient de réussir un petit exploit, en envoyant son petit atterrisseur Hakuto-R jusqu'en orbite de la Lune. Il lui reste encore à manœuvrer un mois avant de tenter de s'y poser, avec le petit rover Rashid.
Et on le sait, ce ne sera pas une promenade de santé…
Après 100 jours, l'orbite lunaire
En décembre dernier, un lanceur Falcon 9 de SpaceX envoyait la mission Hakuto-R sur une orbite de transfert particulière, en route pour la Lune. Le décollage n'avait pas reçu autant d'attention qu'il le méritait, pour une raison très simple : il avait lieu le même jour que le retour de la grande capsule Orion, qui achevait avec succès Artemis I. Pourtant Hakuto-R n'est pas une mission insignifiante. D'abord, c'est une aventure privée, même si l'entreprise iSpace est aidée par le gouvernement japonais. Ensuite, elle a été assemblée et testée en Europe, et plus précisément en Allemagne par ArianeGroup, dans un étonnant contrat en tant que prestataire.
Avec une tonne sur la balance et 2,3 mètres de haut, ce n'est pas non plus un si petit véhicule… Hakuto-R a cependant mis longtemps avant de devenir réalité, car cette idée est née dans le cadre de la participation de l'équipe japonaise au Google Lunar X-Prize, entre 2007 et 2018. Comme l'atterrisseur Beresheet israélien (qui s'est écrasé sur la Lune en 2019), il s'agit donc d'une mission de démonstration, qui sert un objectif de long terme commercial : iSpace veut devenir un « taxi vers la Lune ». Gros point positif depuis aujourd'hui, il est en orbite !
Des économies, mais pas n'importe comment
Mais alors, que fait l'atterrisseur Hakuto-R depuis trois mois ? Il tourne, dans une énorme ellipse. Comme pour la sonde sud-coréenne Danuri, l'étage supérieur de la fusée Falcon 9 a propulsé Hakuto-R sur une orbite vers un point très éloigné de la Terre, à un peu plus de 1,5 million de kilomètres. Ce qui lui permet, au prix d'une durée de mission étendue, d'approcher la Lune avec une vitesse bien plus faible qu'un transfert « habituel », lequel nécessite de freiner avec plus d'énergie pour entrer en orbite. Il s'agit donc de troquer plus de temps passé dans l'espace contre une économie substantielle de carburant… Utile pour un véhicule qui veut prouver sa résistance et garder un maximum de marge pour les opérations lunaires ! C'est ce 21 mars, au 100e jour de la mission, qu'iSpace a réalisé la « séquence n°7 » de l'aventure d'Hakuto-R. Les propulseurs ont été allumés pour une durée record, et le véhicule est maintenant en orbite lunaire.
L'épreuve du sol
Évidemment, même si c'est une splendide réussite pour un atterrisseur, le plus difficile reste à faire : se poser sur la Lune ! L'entreprise vise la zone Lacus Somniorum, une zone plane qui ne présente a priori pas trop de relief, ni trop de cratères, ni d'énormes blocs… Mais on ne peut jamais être à l'abri. D'autant que les dernières expériences en date, si l'on excepte les insolents succès chinois (Chang'E 3, 4 et 5 en une décennie), ont montré que contrôler une descente sur la surface n'est pas chose aisée. Il faut en effet une totale autonomie des commandes (trop peu de temps pour des corrections manuelles) pour le freinage et l'orientation en fonction du sol, y compris pour la sélection de la zone d'atterrissage. Un seul capteur mal réglé, comme pour l'atterrisseur indien Vikram, et c'est la catastrophe. Avec plusieurs petites manœuvres successives, iSpace espère être en mesure d'abaisser son orbite et de viser un atterrissage pour la fin avril.
Le principal passager de Hakuto-R est un rover de 10 kg et 50 cm de long, appartenant aux Émirats Arabes Unis. Appelé Rashid, ce dernier a quatre roues et deux panneaux solaires, pour espérer rouler plusieurs jours en observant la surface de près. On retrouve pour sa vision une participation française, des caméras CASPEX (CNES) adaptées à la Lune. Mais pour pouvoir filmer, il faudra d'abord se poser…
Source : ispace