Voyager 2 fournit un trésor de données 42 ans après son décollage

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 05 novembre 2019 à 18h02
Voyager 1
Vue d'artiste d'une sonde Voyager, à des milliards de kilomètres

Avec ses cinq instruments encore actifs, la sonde Voyager 2, lancée en 1977, transmet patiemment ses données après le passage de la « frontière solaire », l'héliopause, il y a un an. Les précieux relevés documentent la zone pour la seconde fois...

Il y a tout juste un an le 5 novembre, Voyager 2 franchissait la frontière de l'héliosphère, cette zone au sein de laquelle les vents solaires de notre étoile sont prédominants, et atteignait l'héliopause. Le flux de particules (le plasma, très peu dense) dans lequel elle évolue a changé ainsi que les mesures du champ magnétique auquel elle est soumise.

Après Voyager 1 en 2012, elle devenait seulement la seconde sonde active à pouvoir faire des mesures hors de la « bulle » solaire... La NASA, dans un vocabulaire controversé, parle même d'espace interstellaire. Peu importe le nom, les équipes scientifiques ont saisi avec enthousiasme l'opportunité d'exploiter ces données, malgré les 16h30 de trajet que les relevés parcourent entre le véhicule et notre planète. Ce lundi, ils ont publié 5 articles dans Nature Astronomy.

Se prendre un vent interstellaire

Même si elle se trouve physiquement encore dans le Système Solaire, la sonde Voyager 2 n'est donc plus impactée par les vents solaires. Ses capteurs ont mesuré des changements des plasmas dans lesquels elle évolue, avec des particules chargées de beaucoup d'autres étoiles et des rayonnements cosmiques issus d'événements extrêmes comme les supernovae.

De ces 5 articles, qui correspondent aux 5 instruments de Voyager 2 encore actifs (un capteur de champ magnétique MAG, deux capteurs pour détecter les particules à faible énergie LECP et CRS, et deux capteurs pour étudier le plasma PLS et PWS), les principaux constats établis par Voyager 1 sont confortés, avec plus de précision car l'instrument PLS est en panne sur ce dernier.

Si loin de toi, Soleil

Il y a toutefois quelques différences dans les mesures, notamment parce que les trajectoires de Voyager 1 (actuellement à 22,1 milliards de km) et Voyager 2 (18,3 milliards de km) n'ont pas suivi le même cap. Voyager 1 a franchi l'héliopause dans la même direction globale que celle que poursuit le Soleil dans son mouvement au sein de notre galaxie, ce qui a aussi donné des mesures différentes au niveau des plasmas. Et le Soleil, entre 2012 et aujourd'hui, n'est pas dans la même « saison » de son cycle d'activité.

Stamatios Krimigis, l'un des scientifiques originels de la mission et chercheur à l'Université John Hopkins, a cependant déclaré que nous en savions toujours très peu sur la physique de l'héliopause, malgré ces deux visites. « C'est une bulle toute entière, que nous n'avons franchie qu'à deux points distincts ». Malheureusement, aucune autre mission ne devrait la franchir en étant active prochainement (New Horizons se sera éteinte avant), et à court de chaleur les deux sondes Voyager devraient lentement s'éteindre dans les 5 ans à venir... Après plus de 45 ans de découvertes !

Source : NASA.
Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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chaton51

voila, ca me laisse reveur… nous ne sommes rien, rien…

danicela

:smiley:

philippesnbrd

@ebottlaender tu parles des trajectoires différentes de V1 et V2, comment sont décidées ces trajectoires et comment fait on en sorte que les sondes gardent le cap ? Je n’ai pas creusé plus que ça - voire pas du tout :stuck_out_tongue: - mais je me dis, même motorisées, à 22 Mds de Km tu peux plus faire grand chose…

ebottlaender

En fait leur trajectoire a beaucoup été influencée par les planètes qu’ils ont survolé. Au cours de la mission, avec le peu de carburant qu’ils avaient à disposition les équipes ont géré ce qu’on appelle l’effet de Fronde des différentes planètes pour leur faire gagner de la vitesse et atteindre leurs objectifs. Et depuis 1989 eh bien… Elles sont sur leur trajectoire finale, en route pour des milliers, et sans doute des dizaines de milliers d’années hors du Système Solaire.

philippesnbrd

Merci pour le complément. J’ai entre temps découvert le concept d’assistance gravitationnelle. Je trouve ça incroyable qu’on arrive à calculer un tel « alignement des planètes » comme on dit parfois, sur une période aussi longue et des distances aussi énormes. En gros elles rebondissent d’une planète vers une autre. Elles sont bien motorisées mais le moteur est là à la marge vu le peu de ressources dispos en moyenne sur le parcours total.

ebottlaender

Tout à fait ! En Europe on est parmi les champions de l’assistance gravitationnelle, avec notre mission BepiColombo en route vers Mercure… A un détail près, elle utilise les planètes pour se ralentir.

Nicolas_orcet

Bonjour je m’intéresse beaucoup au sujet auquel vous discutez et au système solaire. Mais je n’y connais pas grand chose connaissez vous des livre loque je pour lire pour apprendre un maximum sur le sujet ? Merci d’avance
Cordialement

ebottlaender

Hello ! Je ne connais pas de livre en particulier sur l’aventure Voyager, mais si le sujet c’est Voyager et les sondes du système solaire, il y a une série de 6 petits documentaires (en anglais) disponibles sur Dailymotion (il faut chercher les Space Probe Episodes)

https://www.dailymotion.com/Education-Channel/videos

LordW

Ça prouve combien les missions Voyager sont une réussite totale ! Bon nombre d’images des planètes et satellites du système solaire que nous connaissons proviennent de ces sondes, avec une qualité incroyable pour l’époque.

Et ça fait aussi plaisir de voir une news sur Clubic qui n’a que des commentaires positifs, sans attaque contre le journaliste ou de commentaires idiots. :slight_smile:

Jacky67

Tout à fait. :grin:

Faut dire que l’article est bien écrit, clair, et très intéressant.
L’auteur me semble bien connaître son sujet. :+1:

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