Mini-satellite, maxi-difficulté, le CubeSat QARMAN va tenter de rentrer dans l'atmosphère

Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender, Spécialiste espace.
Publié le 16 février 2020 à 18h30
QARMAN test 1
Test du bouclier thermique du satellite QARMAN

Dans quelques jours, l'ISS éjectera un petit satellite avec un objectif inédit : survivre à la traversée de l'atmosphère depuis l'orbite.

Nous avons eu la chance de pouvoir interroger Amandine Denis, qui est responsable du projet QARMAN à l'Institut Von Karman.

Une longue préparation

La rentrée atmosphérique depuis l'orbite fait partie des phénomènes les plus extrêmes de l'exploration spatiale. En 18 minutes, un véhicule doit passer de pratiquement 27 km/s à moins de 0,3 km/s, et résister aux terribles efforts créés par les frottements atmosphériques. Alors pour imaginer qu'un CubeSat au format 3U (10 x 10 x 30 cm) pourrait y survivre, il faut de l'imagination !

C'est pourtant l'objectif de l'Institut Von Karman, au Sud de Bruxelles, qui a conçu, assemblé et testé son minuscule satellite QARMAN depuis 2013. « C'est un projet qui a débuté en 2013 et qui est financé par l'agence spatiale européenne, mais comme toute aventure spatiale, elle implique de nombreux partenaires, nous explique Amandine Denis. Les universités de Liège, l'ISAE-Supaero et différentes sociétés belges nous ont énormément aidé, sans compter le soutien de l'ESA y compris pour une simulation d'entrée atmosphérique dans le plasmatron Scirocco ». Placée dans le dispositif en Italie, une version de test de QARMAN a résisté plus de 6 minutes aux conditions infernales de plasmas chauds hypersoniques.


De l'ISS à la maison

Après sept ans de préparation, QARMAN est déjà en orbite : il a été amené au mois de décembre sur la Station Spatiale Internationale par la dernière rotation d'une capsule Dragon de SpaceX, au sein de la soute pressurisée. QARMAN est situé dans un dispositif d'éjection qui est placé dans le sas du module japonais Kibo puis transféré à l'extérieur avant d'être éjecté grâce au bras robotisé japonais « Le bras mettra les dispositifs en position (vers l'arrière, 45° vers le bas) et les éjections seront commandés depuis le sol, au rythme d'une par orbite en général », détaille Amandine Denis, qui nous a aussi expliqué que l'éjection devait initialement avoir lieu le 12 février... Mais n'a pas pu être menée à bien : les partenaires de l'ISS attendent que le prochain cargo, Cygnus, décolle le 14 et vienne s'amarrer à la station. En effet, il faut éviter tout risque de collision...

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Le petit satellite QARMAN tel qu'il est replié

Bientôt la mission

« Nous attendons une prochaine date en détail, mais nous savons que nous ne serons pas en orbite avant le 17. Lorsque QARMAN commencera sa mission, il faudra attendre 45 minutes pour qu'il déploie ses antennes et commence à émettre son état de santé. C'est un moment important pour nous, et nous espérons communiquer avec lui dans les heures qui suivent » explique Amandine Denis. QARMAN sera sur une orbite circulaire, quasiment à l'altitude de l'ISS au départ, mais va progressivement freiner et son altitude va diminuer. Son entrée atmosphérique est prévue dans sept mois environ, mais il est pour l'instant impossible de déterminer exactement quand et surtout où elle aura lieu (pour rappel rappel : le satellite fera le tour de la Terre en 90 minutes).

« Evidemment, c'est la rentrée qui nous intéresse, c'est le cœur de la mission, confirme Amandine Denis. Elle s'étend, en gros de 90 à 45 kilomètres d'altitude, et va durer environ 18 minutes. Pendant ce temps, QARMAN effectuera plusieurs relevés : températures et pression à différents endroits du satellite, et différentes couches de son bouclier thermique ainsi que la composition des gaz émis ». Car aussi petit qu'il soit, QARMAN est « blindé » : il dispose de parois en titane, et d'un bouclier avec revêtement ablatif en liège.


Communiquer puis mourir

Mais il y a une difficulté particulière : QARMAN ne sera pas récupéré. Il est trop petit pour embarquer un parachute et une balise de positionnement, et comme il n'a pas de moteur il peut rentrer dans l'atmosphère à peu près n'importe où sur le globe à l'exception des pôles. Pour un satellite scientifique, il est donc capital de pouvoir transférer ses données. Et cela va peut-être vous étonner, mais ces dernières vont êtres renvoyées... En orbite. « À partir de 45 km d'altitude, QARMAN va établir une communication avec la constellation Iridium, détaille Amandine Denis. C'est une course contre la montre, car à ce moment précis il n'aura que quatre minutes et demie pour transmettre 18 minutes d'enregistrement avant d'atteindre la surface de la Terre. Nous avons tout fait pour minimiser les risques, mais ce sera un moment crucial ! ».

QARMAN satellite3
Le satellite Qarman en version dépliée, panneaux solaires en haut et bouclier en bas (et quelques protections)

Petit record

L'équipe de l'Institut Von Karman espère bien réussir ce qui deviendra une grande première pour un si petit satellite : il est le premier CubeSat spécialement conçu pour cette mission. « Non seulement il est plus petit et plus abordable qu'un grand satellite, mais il ouvre la porte à des expériences répétées plus souvent » nous raconte Amandine Denis. « Il y a plusieurs types d'applications : l'étude des matériaux de protection thermique, la façon dont les débris se détruisent (ou non) en rentrant dans l'atmosphère, etc. Pour nous, c'est une continuité des installations de test que nous avons au sol, mais si nous pouvons tester différents aspects d'une rentrée atmosphérique, un véhicule comme QARMAN les combine tous ». Entre les nouvelles capsules habitées américaines, les petites navettes en développement (DreamChaser et SpaceRider), les travaux japonais sur de petits véhicules capables de ramener des expériences depuis l'orbite, le sujet est au cœur des préoccupations. « Mais peu de données sont directement accessibles aux chercheurs » conclut Amandine Denis. L'Institut Von Karman tentera donc bientôt d'inverser la tendance.

Source : interview
Eric Bottlaender
Par Eric Bottlaender
Spécialiste espace

Je suis un "space writer" ! Ingénieur et spécialisé espace, j'écris et je partage ma passion de l'exploration spatiale depuis 2014 (articles, presse papier, CNES, bouquins). N'hésitez pas à me poser vos questions !

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Commentaires (7)
Pi_upi_u

D’un coté, c’est vrai. L’avantage c’est que tu peux combler plus facilement la charge d’une fusée qui a déjà une charge conséquente, ou tu peux en envoyer plusieurs via des lanceurs plus léger (par exemple Space X et sa constellation de satellite via la Falcon 9).

ebottlaender

Oui le gros avantage de ces petits satellites c’est qu’ils sont moins chers, qu’ils sont plus petits et qu’on les envoie plus facilement en orbite, ce qui pour tester de nouvelles technologies comme ici, est particulièrement intéressant.
Avoir de tout petits satellites capables de rentrer dans l’atmosphère, et d’y survivre, c’est une belle avancée technologique aussi.

Je ferai peut(être un jour un article sur Scirocco, mais le plus simple est de le voir dans ce cadre comme un simulateur de rentrée atmosphérique.

Aristote76

Quel intérêt ? mieux organiser la poubelle orbitale. Franchement je vois pas l’objectif d’une telle mission hormis recueillir des données pour mettre encore plus de micro-satellites de Telecom et surveillance.

ebottlaender

L’intérêt est exprimé dans l’article : des satellites capables de ramener des charges utiles sur Terre, et des études sur ces domaines de physique extrême à moindre coût qu’avec de grosses capsules.
Cela n’a absolument rien à voir avec la « poubelle orbitale » (laquelle n’existe pas, on en parle régulièrement).

Brenten

c’est principalement pour envoyer vers l’iss des tests scientifiques à réaliser et par la suite pouvoir les renvoyer rapidement sur terre sans attendre un nouveau passage de la capsule dragon (ou autre soyous)

Aristote76

Merci pour le complément d’information:wink:

max_971

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