Plus court, plus rapide, plus répétitif : l'analyse des données du Top 100 du Billboard par un scientifique nous en dit plus sur la façon par laquelle le streaming influence la production musicale.
Gucci Gang, le titre ayant révélé le rappeur Lil Pump en 2017, est avec ses deux minutes et quatre secondes le titre le plus court à s'être positionné dans le Top 10 Billboard depuis 1975. Un cas isolé ? Plutôt une tendance qui se dessine clairement selon Michael Tauberg, un data scientist qui a livré ses analyses au site Quartz.
Une chute progressive de la durée des titres musicaux depuis 20 ans
Selon l'analyste, les titres à se frayer une place dans le classement du Billboard ont tendance à être plus courts depuis une vingtaine d'années. Mais la machine s'est quelque peu accélérée depuis 2015, quand le nombre de chansons de moins de 2 mn 30 est passé de 1 % à 6 % dans le Top 100.Quelles conclusions en tirer ? Les artistes seraient-ils devenus paresseux avec les années ? En réalité, ils ont plutôt adopté la façon dont la musique est dorénavant consommée : en streaming. Ce mode d'écoute du 21e siècle représente désormais 75 % des revenus de l'industrie, et force ainsi les artistes à devoir s'y conformer pour gagner leur croûte.
Aussi, partant du constat simple que plus une chanson est streamée, plus elle rapporte d'argent, la réduction de la durée des morceaux de musique et leur caractère plus répétitif (Lil Pump répète « Gucci Gang » à 53 reprises en deux minutes de chanson) incitent alors les utilisateurs à les réécouter encore et encore.
La culture de l'immédiateté
Pour Quartz, la tendance est également à mettre sur le compte de notre ère numérique, où la satisfaction immédiate est reine. La capacité d'attention de l'être humain a tendance à décroître et peut expliquer notre attirance vers des choses simples, répétitives et courtes. En la matière, tous les genres musicaux ne sont pas égaux.Michael Tauberg a ainsi dressé la courbe de la durée moyenne des titres de R&B, de Rock, de Rap, de Pop et de Country. Comme on peut le constater, les morceaux de Pop ont une durée relativement stable depuis la fin de la première décennie des années 2000, mais la durée des morceaux de Rap est en chute libre depuis 2015.
Pour Jeff Ponchick, le fondateur de Repost Network qui distribue les morceaux des artistes sur les différentes plateformes de streaming, l'attrait des rappeurs pour les formats courts viendrait de l'essence même du beat-making, qui s'apparenterait à une production à la chaîne où les rappeurs créent rapidement et passent à autre chose de façon quasi-instantanée.
Pour d'autres, comme la rappeuse Tierra Whack, la brièveté des titres est perçue comme un défi en soi, un concept musical qui lui permet notamment de jouer habilement de tous les médias à sa disposition.
Reste que pour une grande majorité d'artistes, la question se pose désormais en véritable dilemme, à l'instar de Naomi Wild. « C'est un combat mental constant entre faire de la musique que j'ai envie d'écouter dans ma voiture et faire de la musique qui va bien se vendre, mais qui ne va pas me plaire, juste pour faire décoller ma carrière », regrette la chanteuse à Quartz.