« Une page se tourne, » prévient d'emblée Nicolas Beau dans son édito. Et c'est peut-être là que l'aventure Bakchich a coincé : le papier. La version web du satirique existait depuis plus de deux ans, quand, le 29 septembre 2009, Bakchich décide de se lancer en hebdo. Retour au papier, alors que « toute la presse planche sur sa stratégie numérique, » écrivait à l'époque Clubic.
Toutes les leçons restent encore à tirer pour Bakchich comme pour le secteur de la presse, mais le parcours reste remarquable. Monté par « trois jeunes de 25 ans, Guillaume Barou, Léa Labaye et Xavier Monnier, dans un local pas franchement gracieux, dans le XIe arrondissement parisien, » explique la biographie officielle du site. Satire et scoops font sa renommée, le débauchage de Nicolas Beau, ancien du Canard enchaîné, à l'automne 2007, apporte la crédibilité.
Vient l'accès payant, à contre-courant de l'imaginaire collectif des éditeurs de presse. La télé suit mi-2008, avec le rachat de Desourcesure.com et de ses 41 000 visiteurs uniques mensuels. Bakchich TV naît. Trop tôt ?
Car les comptes de Bakchich sont plombés. Le site confesse des ennuis avec l'Urssaf, assume de gros coups, comme avec le double « François l'a dans le Fillon. » C'est l'époque de la dénonciation d'un gouvernement jugé bling-bling, et d'un Cercle de Jeu Concorde détesté. Bakchich sera sauvé par... Xavier Niel, grâce à un mail « exfiltré des courriers indésirables. "Je vous aime bien, si vous voulez, on peut en discuter." »
Le patron d'Iliad participe, après « quatre bouteilles de vin blanc », à un tour de table à près de 500 000 euros. Bakchich se ressent pousser des ailes, déterre du scoop à tout-va. Nicolas Beau veut imaginer un modèle économique avec ses lecteurs, annonce une nouvelle levée de fonds et prédit l'équilibre à six mois.
Arrive l'hebdomadaire, en septembre 2009. A contre-courant, une fois de plus, mais sans le succès escompté. Il y aura au final 10 000 lecteurs réguliers, selon Nicolas Beau, face à une concurrence féroce : Charlie Hebdo et le Canard enchaîné restent les anciens du satirique, le second travaille aussi sur les scoops, et Siné Hebdo n'est pas - encore - mort. « La cohorte est restée trop mince », confirme Nicolas Beau dans son dernier édito.
Et Bakchich reste en difficulté. Placé en redressement judiciaire en novembre 2009, il survit grâce à un plan de continuation depuis mai 2010. Une stratégie à contre-courant (et contre-productive ?) avec le payant et l'hebdomadaire, un lectorat qui n'a pas suffisamment progressé, des procès coûteux inhérents aux satiriques - David Douillet a gagné 40 000 euros en justice il y a cinq jours (Bakchich a fait appel)... Dernier hebdo, dernier édito. C'est définitif, Bakchich tire son dernier coup.