C'est une préconisation qui déplaira aux internautes. Dans un rapport de 200 pages remis au gouvernement mercredi, les sénateurs Pierre Hérisson (UMP) et Yves Rome (PS) recommandent que les tarifs des abonnements de l'accès à Internet soient relevés afin de « faciliter les investissements des fournisseurs d'accès, alors que la France a le coût le plus bas du monde ». Il y est question de déploiement du très haut débit.
Dans leur rapport, consulté par l'AFP, qui s'intéresse à l'action des collectivités territoriales dans le numérique, les sénateurs en appellent à l'État pour « exercer ses responsabilités de régulateur et de financeur pour assurer l'égalité territoriale. Il ne faudrait pas se retrouver dans la situation où les collectivités locales, qui ont développé des compétences avérées en matière numérique, font les investissements à la place des opérateurs ».
Cette prise de position fait écho à l'annonce du président François Hollande et du gouvernement du 20 février qui prévoit un plan d'investissement public et privé de 20 milliards d'euros dont l'ambition est de couvrir 100% de la population en très haut débit d'ici dix ans. Lequel prévoit justement que les collectivités territoriales en financent un tiers - en bénéficiant d'un prêt. L'État assurerait un autre tiers, et les opérateurs le dernier. Car si les FAI sont enclins à investir dans les zones denses, rentables, il en va autrement dans les zones peu denses.
Pour Yves Rome, qui préside également l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), et dont la mission est de défendre « l'échelon local » face aux opérateurs, la capacité des collectivités à porter le déploiement du très haut débit ne va pas de soi, car elles subiraient « les insuffisances d'un système de régulation qui n'a pas joué pleinement son rôle ». Dans ce contexte, est également pointé du doigt le rôle de l'Union européenne, qui aurait favorisé de manière « radicale la dérégulation des télécoms » et la concurrence qui « doit aller le plus loin possible ».
Comment les opérateurs investissent dans le très haut débit
La conséquence serait que les opérateurs, depuis l'arrivée de Free Mobile, ont taillé dans les prix, entamant sévèrement leur rentabilité (lire aussi Opérateurs : les revenus des services mobiles ont perdu 9%). De qui ébranler leurs investissements sur le très haut débit ? Tout n'est pas si noir. Orange a reçu en 2012 près de 2 milliards d'euros de la part de Free au titre de leur accord d'itinérance - le partenariat est prévu pour durer jusqu'en 2018, et il n'est pas impossible que la facture de l'itinérance explose d'ici là pour Free Mobile, qui devra s'adapter à la forte croissance de la consommation de données sur mobile.
De son côté, Free a reçu en août 2012 une enveloppe de 200 millions d'euros de la part de la Banque européenne d'investissement afin que l'opérateur investisse sur le raccordement à l'abonné en fibre optique (FTTH). SFR a pour sa part confirmé début janvier qu'il investirait 1,5 milliard d'euros sur la 4G et la fibre optique cette année. Rappelons enfin que pour le déploiement hors des zones très denses, les FAI mutualisent leurs investissements : Orange s'est allié avec Free, SFR et Bouygues Telecom sur ce sujet.
À la mi-février, Yves Rome écrivait déjà à François Hollande pour lui soumettre une idée de taxe des FAI pour financer le fibrage du pays. « Dans le contexte actuel, une piste efficace pour abonder ces aides nationales peut être l'instauration d'une contribution sur les abonnements et autres recettes des communications électroniques fixes ou mobiles. Le chiffre d'affaires de quarante milliards d'euros du secteur permet, avec un taux minime, de financer un objectif ambitieux », écrivait le sénateur.
La piste de la taxe avait déjà été évoquée en 2010, rappelle PC INpact. Les opérateurs s'y étaient alors opposé, arguant qu'« en alourdissant les coûts de plusieurs centaines de millions d'euros par an pour les opérateurs Internet, elle pourrait avoir pour conséquence, soit une hausse du prix de l'abonnement payé par le consommateur, soit une révision à la baisse des investissements et du déploiement des réseaux à très haut débit fixe et mobile, soit une combinaison des deux effets ».