Google, Amazon, Apple et Microsoft ont souvent été pointés du doigt du fait de leurs pratiques d'évasion fiscale. En jouant sur l'hétérogénéité des législations, ces derniers parviennent en effet en grande partie à échapper à la fiscalité de pays dans lesquels ils génèrent pourtant d'importants revenus. En avril dernier, la Fédération française des télécoms avait ainsi évalué à plus de 800 millions d'euros les pertes fiscales de l'État français en 2012 dues à ces pratiques, du fait des seuls acteurs « Over The Top » (OTT).
Reste que de plus en plus de pays s'agacent de ces pratiques et aimeraient rapatrier une partie de cette manne financière, forcément bienvenue dans un contexte économique délicat. Les rapports se sont succédé en France, jusqu'à celui présenté le 11 juillet dernier par les députés Éric Woerth et Pierre-Alain Muet, appelant à une harmonisation des législations ou encore à la consécration du principe d'établissement stable virtuel. Un rapport de la Chambre des Communes au Royaume-Uni, publié le 13 juin, accablait de son côté les pratiques de Google.
Mercredi 17 juillet, nous apprenions que le CNNum devrait se prononcer contre une taxe sur les données personnelles, une piste avancée par le gouvernement. Jeudi, Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'économie numérique, disait sur les ondes de la radio RTL vouloir explorer de nouvelles pistes. « Ça peut être un dispositif en matière de droit de la concurrence, etc, ne raisonnons pas toujours en termes de taxe », avait-elle précisé.
Ce vendredi, c'est l'OCDE qui y est allée de son initiative en remettant ses conclusions aux ministres des finances des 20 premières puissances économiques mondiales. ces derniers sont en effet réunis à Moscou pour préparer le sommet du G20 qui se tiendra début septembre à Saint-Pétersbourg. En février, elle appelait déjà à plus de transparence dans le domaine de la fiscalité.
L'économie numérique fait figure de préoccupation première, domaine largement concerné par l'évasion fiscale, à distinguer a priori de la fraude fiscale, puisque basée sur des mécanismes tout à fait légaux.
L'OCDE avance 15 pistes
« Les règles fiscales internationales, qui pour beaucoup datent des années 20, garantissent que les entreprises ne paient pas des impôts dans deux pays simultanément (double imposition). C'est un objectif louable, mais malheureusement ces règles sont désormais détournées pour aboutir à une double exonération. Le plan d'action entend remédier à cette situation, de sorte que les entreprises multinationales paient elles aussi leur juste part de l'impôt », annonce le document.
Pour y parvenir, l'OCDE préconise la mise en place de 15 mesures, basées notamment sur une réelle harmonisation des législations, préalable indispensable à la prise en compte de l'activité effectivement exercée sur un territoire donné. Parmi les pistes concrètes, sont notamment avancées :
- Dans un premier temps, l'organisation appelle à « identifier les principales difficultés posées par l'économie numérique pour l'application des règles fiscales internationales existantes, et élaborer des solutions détaillées pour les résoudre, en adoptant une démarche globale et en tenant compte à la fois de la fiscalité directe et indirecte ».
- Mais encore, elle demande de neutraliser les effets d'instruments et d'entités hybrides, à savoir la double non-imposition, la double déduction ou encore le report à long terme. Plusieurs pistes sont alors avancées, comme l'interdiction des déductions au titre d'un paiement n'entrant pas dans le calcul du bénéfice de son bénéficiaire ou qui serait également déductible dans un autre pays. Il s'agirait encore de valoriser la coopération transnationale.
- Une limitation de l'érosion de la base d'imposition via de multiples déductions, notamment via l'utilisation de paiements d'intérêts est également mise en avant, en recourant à l'emprunt auprès d'une partie liée ou d'un tiers « en vue de réaliser des déductions excessives d'intérêts ou de financer la production d'un revenu exonéré ou différé ».
- L'OCDE souhaite par ailleurs donner la prime à la transparence, notamment en favorisant les échanges d'informations entre États sur les régimes préférentiels.
- Elle appelle à lutter contre le recours abusif aux conventions fiscales, parfois utilisées par les États pour générer une double non-imposition.
- L'OCDE fait également de sa priorité la modification de la définition de l'établissement stable, notion purement physique qui ne permet pas actuellement de prendre en compte toutes les installations des sociétés. La notion d'établissement stable virtuel n'est pas clairement énoncée.
- L'organisation demande aussi à ce que les prix de transferts des actifs incorporels entre entités liées soient répartis en fonction de la création de valeur. Ils permettent souvent aujourd'hui à des sociétés de soumettre des actifs vers des pays à faible imposition. Elle voudrait imposer aux multinationales de communiquer à l'ensemble des pouvoirs publics concernés les informations requises sur leur répartition mondiale du revenu, l'activité économique et les impôts payés dans les différents pays, « conformément à un modèle commun ».
- Elle se positionne ensuite en faveur de la réalisation d'une analyse économique sur l'ampleur et l'impact de l'érosion de la base d'imposition, pour en mesurer les retombées dans les différents pays.
- L'OCDE prône la conception de règles de déclaration obligatoire pour les contribuables pour les transactions, structures à caractère agressif ou abusif en matière fiscal, notamment s'agissant des montages fiscaux internationaux.
- L'organisation aimerait enfin accroître l'efficacité des mécanismes de règlement des différends, notamment les procédures amiables et l'arbitrage, encore trop marginalement utilisés en matière fiscale.