"Investissement et innovation : halte à la schizophrénie !", une tribune de Bertrand Diard

Bertrand Diard
Publié le 13 avril 2011 à 13h14
Bertrand Diard est le PDG et cofondateur de Talend Software, éditeur français d'un logiciel open source d'intégration de données (ETL) aujourd'hui basé en Californie. Alors que le secrétaire d'Etat au numérique Eric Besson se rend cette semaine à San Francisco pour rencontrer quelques pointures américaines de l'industrie du Web, il nous propose cette tribune libre libre dans laquelle il exlpique que les conditions de financement de l'innovation en France ne sont peut-être pas si calamiteuses que le dénoncent ceux qui ont les yeux qui brillent dès que l'on prononce le nom de la Silicon Valley.

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J'ai récemment été convié à présider le jury de l'édition 2011 de Start West, rencontres du Capital et de l'Innovation dont l'objectif est de mettre en relation des porteurs de projets innovants et des investisseurs professionnels et privés. La participation à cet événement m'amène aujourd'hui à vous livrer les enseignements que j'en ai tirés.

L'écosystème français de l'innovation et de l'investissement souffre aujourd'hui d'une sorte de schizophrénie, issue à mon goût d'un héritage qu'il nous conviendrait de répudier. D'une part, ces rencontres ont été marquées cette année par l'inquiétude des investisseurs vis-à-vis des évolutions législatives qui s'annoncent, notamment en termes de défiscalisation. Si ces préoccupations sont légitimes, puisqu'elles auront certainement des incidences non négligeables dans le futur pour les investisseurs, l'arbre ne doit pas cacher la forêt.

Je m'explique : au cours de ces rencontres, j'ai noté une certaine frustration des différents acteurs de l'innovation. Les Collectivités Locales regrettent de ne récupérer que rarement leur mise lorsqu'elles investissent dans une entreprise et les investisseurs se sentent bridés par le poids des réglementations. Pourtant, il me semble que le système fonctionne plutôt bien aujourd'hui. Les Régions, par exemple, ont aujourd'hui un rôle absolument fondamental d'amorçage, et si leur investissement n'est pas amorti directement, elles contribuent tout de même à la création d'emplois sur leur territoire, ce qui est non seulement essentiel, mais de plus totalement inhérent à leur mandat. Parallèlement, les investisseurs et notamment les Business Angels, doivent valoriser la forte valeur ajoutée qu'ils sont capables d'apporter : leur expérience et leur savoir-faire d'entrepreneur, au-delà de toute considération financière. Je suis bien conscient que dans le panorama économique actuel, la tendance est avant tout de maîtriser les risques, mais je pense que dans l'univers particulier de l'innovation, cette question n'est qu'un aspect de la démarche ; la créativité, la création de valeur et l'accompagnement des entrepreneurs en sont d'autres, tout aussi importants.

D'autre part, j'ai eu parfois l'impression dans nos débats, que chacun cherchait à dépasser son propre métier, ce qui me semble être une approche dangereuse. Les français louent souvent et admirent la Silicon Valley, qu'ils considèrent comme l'Eldorado où rêve de s'implanter toute entreprise innovante. Je souhaite simplement rappeler qu'en Californie, il n'existe aucun mécanisme de défiscalisation des investissements ; les entrepreneurs, leurs partenaires et les investisseurs s'attachant surtout à créer de la valeur... en acceptant l'existence d'un écosystème établi, reposant sur des règles et des responsabilités bien définies. Il me semble vain de tenter de remettre en cause ce système qui a maintes fois fait ses preuves.

Enfin, j'ai été très étonné de constater que les entrepreneurs français n'intègrent que rarement la dimension internationale dans leur business plan. A mon goût, c'est une erreur. D'une part, vis-à-vis de l'investisseur, cette limitation au territoire national peut décrédibiliser l'entrepreneur et traduire un certain manque d'ambition. D'autre part, c'est selon moi s'interdire toute chance de développer son entreprise : au XXIème siècle, le « terrain de jeu » des entrepreneurs est mondial ou n'est tout simplement pas, particulièrement dans l'univers des nouvelles technologies. La force de Talend réside dans le fait que dès le départ, nous avons pris en compte l'international, non comme un passage obligé, mais quasiment comme un point de départ de notre développement.

Nous disposons aujourd'hui en France d'un mécanisme de financement de l'innovation qui a prouvé son efficacité. De nombreuses sociétés nées en France sont aujourd'hui à l'avant-garde de secteurs tels que les biotechnologies ou les logiciels open source. Des financements d'origine nationale leur ont servi de tremplin pour se développer ensuite à l'international. Continuons !
Bertrand Diard
Par Bertrand Diard

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