Le réseau social chinois commence à se faire une solide réputation en matière de désinformation, et il semblerait que la situation ne s'améliore pas vraiment, malgré ses efforts pour convaincre les régulateurs occidentaux.
La start-up NewsGuard avait déjà mené une enquête sur le sujet il y a près d'un an. Très critique à l'égard de ByteDance, elle estimait que le développeur de TikTok ne faisait pas assez pour retirer les contenus préjudiciables, qu'il proscrit pourtant en grande partie.
Des vidéos au contenu trompeur mises en avant
Lorsque l'on parle de désinformation, on pense généralement à des événements importants tels qu'un conflit ou une élection, voire à des théories du complot, pour ne citer que quelques-uns des domaines dans lesquels cette activité est pratiquée. Les grandes entreprises ont aussi droit à leur lot d'accusations mensongères, et TikTok est devenu une plateforme de choix pour les faire circuler. C'est du moins ce qui ressort de l'étude menée par NewsGuard, qui fait part de ses conclusions dans sa dernière newsletter.
La société a analysé 520 vidéos publiées sur le réseau social chinois, concernant des marques présélectionnées telles que le brasseur américain Anheuser-Busch, Balenciaga, Barilla, Heineken et Target (une chaîne de supermarchés américaine). Selon NewsGuard, 14 % de ces centaines de publications contenaient « des affirmations fausses, trompeuses ou infondées visant les marques citées ».
Comptant 57 millions de vues au moment de l'étude, ces vidéos ont un impact significatif sur les utilisateurs de TikTok, car il n'est pas nécessaire de chercher bien loin pour les trouver. En effet, les publications analysées apparaissent toutes dans les vingt premiers résultats obtenus lors d'une recherche par mots-clés.
Le réseau social a ici sa part de responsabilité, NewsGuard donnant l'exemple de certaines recherches qui ont rapidement basculé dans le sens de la conspiration. Ainsi, les titres « Le PDG d'Anheuser-Busch est un agent de la CIA » ou « Target boycott 2023 » ont été suggérés lors de l'ajout de mots-clés dans la barre de recherche de la plateforme. Tous deux ont conduit à des contenus diffusant de la désinformation.
Plus encore, si la pratique n'est pas nouvelle, les approches commencent à se moderniser et de nouveaux outils sont désormais mobilisés
Une modération insuffisante et un algorithme douteux
Sur les 73 vidéos fausses ou trompeuses identifiées par NewsGuard, sept contenaient des images modifiées numériquement ou même créées de toutes pièces grâce à des programmes tels que Midjourney. À l’image d’une publication affirmant que Target vendait des vêtements sataniques, un acte qui mériterait le boycott général de l’enseigne selon certains commentateurs choqués. Pour étayer son propos, l'auteur a utilisé des images montrant un magasin au décor satanique et un homme portant des vêtements sur le même thème. Cependant, comme l'a révélé NewsGuard, elles proviennent d'une utilisatrice de Facebook qui les a postées en mai 2023 avec la légende : « Photos générées par l'IA : par votre humble serviteur, n'hésitez pas à tomber dans le panneau ». Ironique.
Si l'usage de programmes d'IA générative pour illustrer de fausses affirmations n'est pas vraiment une surprise, TikTok s'est montré laxiste en matière de prévention dans ce domaine. En effet, ses consignes communautaires stipulent que « les médias synthétiques ou manipulés exposant les scènes réalistes doivent être manifestement dénoncés. Pour cela, vous pouvez utiliser un sticker ou une légende, notamment "synthétique", "faux", "irréel" ou "modifié" ». Or, comme le rapporte NewsGuard, pratiquement aucune des vidéos analysées ne respectait cette règle.
Ce problème ne doit pas être pris à la légère. Le réseau social gagne en popularité et touche plus d'un milliard d'utilisateurs, dont la plupart sont jeunes et se tournent de plus en plus vers lui pour s'informer. Si la plateforme semble avoir corrigé certains des problèmes soulevés par NewsGuard, un certain nombre de questions concernant sa modération et ses algorithmes ont été soulevées. Cela ne manquera pas de causer quelques migraines chez TikTok, qui fait désormais l'objet d'un intérêt particulier de la part d'un certain nombre d'organismes gouvernementaux.
Malheureusement pour les grandes marques, la désinformation à leur sujet risque de circuler encore un peu, car le réseau social chinois n'interdit pas encore les préjudices commerciaux. À ce propos, saviez-vous que Bill Gates s'est associé à Heineken pour éradiquer une partie de la population mondiale ? True story, nous l'avons appris sur TikTok.
Source : NewsGuard