Très en forme, Sir Berners-Lee déplace d'emblée le contexte de son allocution d'un point de vue technique vers un point de vue social : « Quelque chose d'aussi simple que le lien hypertexte ne fonctionne que parce que quelqu'un décide de cliquer sur ce lien, ou de le créer. Et ça s'applique à tout ce que l'on a construit par dessus ».
Le principe de la moindre puissance
Le premier point sur lequel Tim Berners-Lee revient est pourtant technique, mais il représente selon lui un des fondements du web : ce qu'il appelle « The principle of least power » . Concrètement, pour le fondateur du W3C, lorsque vous développez un système, comme le web, il doit reposer sur le langage le moins puissant, le moins complexe possible. Et Tim Berners-Lee de reprendre l'exemple du CSS : « Si je veux que tous les paragraphes soient verts, il est préférable d'utiliser une expression déclarative qui stipule que tous les paragraphes sont verts, plutôt que de créer un programme qui va parcourir le document, et s'il rencontre un paragraphe, le mettre en vert. En utilisant un script, il est beaucoup plus difficile de savoir exactement ce qui se passe ».Systèmes fermés : une pique envers Apple ?
Tim Berners-Lee embraye sur les systèmes fermés sur smartphone ou tablette, sans citer Apple, mais on devine que l'iPad fait partie de ses cibles. Citant l'auteur Cory Doctorow, il milite pour la possibilité de développer pour un appareil mobile, mais aussi d'y exécuter ce que l'on veut, plutôt que de l'utiliser comme un simple appareil électro ménager : « Ca ne me dérange pas de ne pas pouvoir programmer mon réfrigérateur. Mais dès que j'utilise un appareil suffisamment puissant, j'ai envie d'y mettre ce que je veux ».
La solution ? Le web, naturellement ! S'adressant aux développeurs dans l'assistance, il s'enflamme : « Si vous ne voulez pas d'un monde fermé, aidez nous à créer un monde d'applications mobiles ouvertes ! Si quelqu'un vient vous voir et vous dit qu'il aimerait transformer son magazine en une application pour telle ou telle tablette, proposez lui plutôt de créer une application web qui utilise les API validées par le W3C, semaine après semaine, jour après jour ! ». Une piqure de rappel au passage sur la possibilité de rejoindre les groupes de travail du W3C qui permettent « d'injecter plus de fonctionnalités aux applications web mobiles, en utilisant le stockage local, les accéléromètres ou les webcams »
Lutter pour la neutralité du net
Il n'y a pas que l'utilisation des standards qui enflamme Tim Berners-Lee, il y a aussi et surtout les évolutions des léglislations sur le net. Revenant sur les dangers des techniques de DPI (Deep Packet Inspection), il qualifie de « dynamite » les informations que l'on peut récupérer sur une personne à travers ses requêtes de recherche : « On peut trouver des informations sur votre foyer, sur les maladies dont vous avez peur de souffrir, sur vos recherches de témoignages sur le coming out, des choses très intimes que vous ne diriez même pas aux personnes qui vous sont les plus chères ».
Suit un appel à la vigilance : « Il y a un nombre incroyable de lois discutées dans les parlements, sans que la plupart des gens ne s'en rendent compte.». Un espoir tout de même : la protestation monte. Tim Berners-Lee constate que les gens se mettent à manifester leur mécontentement face à SOPA/PIPA ou ACTA. Et Berners-Lee d'engager la responsabilité des développeurs web eux mêmes : « Nous devons passer 90% de notre temps à créer des trucs cool avec Internet, et consacrer les 10% restants à protéger l'infrastructure sur laquelle repose tout ceci. Sans ça, nous ne pourrons plus innover, parce que la plateforme sera verrouillée ! »
Concluant son keynote, Tim Berners-Lee rappelle que les valeurs qu'il a exposées ne concernent pas uniquement la libre concurrence, mais plus généralement la démocratie. Alors que la conférence WWW2012 se poursuit demain avec une intervention de la Vice Présidente de la Commission Européenne Neelie Kroes, sur le thème de l'Internet comme un droit fondamental, le ton est donné...