Pour les jeunes sociétés technologiques, lever les fonds nécessaires au financement de leurs projets peut être un véritable parcours du combattant. Avant d'obtenir le moindre centime de la part d'investisseurs, il faut déjà réussir à convaincre du potentiel de croissance de son entreprise.
Pour cela, avoir des idées intéressantes suffit rarement. D'autant que mener un produit jusqu'à sa commercialisation requiert généralement plusieurs levées de fonds selon le niveau d'avancement du projet. Le crowdfunding ou financement participatif est souvent utilisé pour financer la recherche et développement ou le prototypage du produit. Dans d'autres cas, il peut servir à financer la production de masse mais les sommes nécessaires sont plus importantes et donc plus difficiles à atteindre.
Le financement participatif, une campagne de communication
C'est pourquoi certaines sociétés utilisent ce mode de financement pour se faire connaître, avant de chercher d'autres investisseurs. Jean-Luc Vallejo, dirigeant de la société ISKN, a eu recours à la plateforme américaine Kickstarter afin de financer iSketchnote, un projet de couverture intelligente pour iPad : « On a pu établir des connexions avec les grands groupes de l'industrie électronique. Pour nous c'était un tremplin, après nous avons été financés par des investisseurs en capital risque ».Selon une étude de CB Insight, les sociétés qui ont sollicité des investissements en capital risque après une campagne de financement participatif (40 sociétés dans cette étude) auraient réussi à générer environ 321 millions de dollars au total. Ceci étant dit, ces sociétés avaient particulièrement bien réussi leurs levées de fonds puisqu'elles avaient recueilli plus de 100 000 dollars.
Le financement participatif offre une réelle campagne de communication. Les plateformes sont des vitrines devant lesquelles les investisseurs privés passent régulièrement : « C'est plus simple de trouver d'autres sources de financement après une campagne réussie », pense Vincent Ricordeau, co-fondateur de la plateforme française KissKissBankBank. Un avis partagé par André Labat, directeur de l'incubateur Paca Est, dont le rôle est de conseiller les jeunes sociétés : « quand on réussit son financement participatif, cela donne de la crédibilité pour solliciter ensuite le soutien d'autres investisseurs ».
C'est une manière de tester le marché, de prouver que son produit attire le public : « C'est une excellente étude de marché et ça évite de payer un cabinet d'étude 30 ou 40 000 euros. On valide un marché et on se crée en plus une base d'utilisateurs », nous explique Richard Ollier, fondateur de la start-up Giroptic qui a financé sa caméra à 360 degrés sur Kickstarter. « Et pour réussir, un projet a besoin de trouver sa communauté », assure de son côté Vincent Ricordeau de KissKissBankBank.
Un marketing adapté
Le financement participatif permet en effet de s'offrir une campagne de communication à moindre frais, mais mener à bien sa levée de fonds est loin d'être chose facile. Cela requiert l'élaboration d'un plan marketing adapté.En premier lieu, pour que le projet soit accepté par les plateformes de financement participatif, il doit être suffisamment avancé, surtout pour un projet hardware. Ses initiateurs doivent prévoir du contenu pour alimenter la page du site : photos, vidéos, historique de la société et surtout, un système de contreparties bien élaboré. Il faut qu'elles soient réalistes et que la société puisse respecter ses engagements vis-à-vis des donateurs. Dans le cas contraire, ces derniers peuvent demander réparation et la plateforme de financement peut même se retourner contre l'entreprise.
Aussi, il ne faut pas se tromper sur les sommes demandées et atteindre rapidement ses objectifs financiers. Selon Jean-Luc Vallejo d'ISKN, il faut obtenir « 33% de son financement dès la première journée ou dans les 2 ou 3 premiers jours, car cela permet d'être en page d'accueil sur Kickstarter », ce qui offre évidemment une meilleure visibilité.
Comme pour tout projet, il est impératif d'élaborer un bon plan de communication. Dans le cas d'un financement participatif, il faut surtout penser à gérer sa communauté, à répondre aux questions des donateurs, à les impliquer autant que possible dans le projet et à faire vivre sa campagne en publiant régulièrement du contenu sur sa page : « une campagne de financement participatif est un marathon, on doit avoir des choses à raconter pendant 45 jours », affirme Richard Ollier.
Plateforme US ou européenne ?
Dernier critère déterminant, le choix de la plateforme : « chez nous, il y a peu de projets hardware car les sociétés de technologie préfèrent Kickstarter ou Indiegogo afin de s'attaquer au marché américain. », indique Mathieu Maire du Poset, responsable de la communication de la plateforme française Ulule. Cela se justifie lorsque le produit s'adresse à une cible américaine : « faire cela peut s'avérer payant sur une certaine gamme de prix et avec une petite niche de produits », précise Malo Girod de l'Ain, co-fondateur de la start-up Digitalarti.Toutefois, c'est une stratégie à double tranchant. Cibler le marché américain induit d'avoir une stratégie américaine, un plan média et de se créer une communauté aux Etats-Unis. Par ailleurs, cela peut entraîner des contraintes d'ordre légales. Pour Kickstarter par exemple, il faut créer une société et disposer d'un compte en banque aux Etats-Unis, ainsi qu'employer au moins un Américain. En revanche, la version britannique du site facilitera les démarches pour les Européens.
On ne se lance donc pas dans une campagne de financement participatif à la légère. De même qu'elle se fait vitrine de la réussite d'un projet, elle expose également plus les échecs. Mieux vaut se préparer correctement. Les sociétés que nous avons interrogées ont mis entre 3 et 6 mois pour préparer leur campagne. Dans le cas d'une réussite par contre, le financement participatif peut réellement accélérer le développement d'un produit.
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