Crowdfunding : opération séduction sur les start-up et PME

Karyl AIT KACI ALI
Publié le 02 octobre 2014 à 10h35
Le gouvernement avait promis du nouveau pour le secteur du crowdfunding français. Le décret entre en vigueur ce 1er octobre 2014. Il va permettre d'ouvrir ce mode de financement à de nouvelles entreprises et de protéger les parties prenantes en clarifiant le cadre juridique de l'activité. Malgré une réception positive, le texte mériterait encore d'être ajusté, selon certains professionnels.

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Présenté en février 2014 par Fleur Pellerin, alors ministre en charge des PME, de l'Innovation et de l'Economie numérique, le décret censé structurer le crowdfunding, ou financement participatif, est désormais en vigueur. Il prévoit d'encadrer la pratique avec un statut spécifique pour les plateformes de financement et un ensemble de nouvelles règles, dans le but de protéger toutes les parties.

Depuis mercredi 1er octobre 2014, les plateformes de financement participatif peuvent revendiquer deux statuts. Celui d'Intermédiaire en financement participatif (IFP) pour les plateformes de prêts ou de dons et celui de Conseiller en investissement participatif (CIP) pour les services proposant l'achat de titres financiers.

Le décret impose également des plafonds de 1 000 et 4 000 euros pour les prêts avec et sans intérêts, une limite de financement à hauteur d'1 million d'euros pour les entreprises et des règles garantissant l'information sur le fonctionnement des plateformes et sur les projets afin que les sociétés comme les investisseurs aient toutes les clés en main pour faire leurs choix. Ces changements sont importants pour les acteurs du secteur, mais ils ont également un impact sur les entreprises qui utilisent le financement participatif.

Ouvrir le financement participatif à plus d'entreprises

« Les nouveaux statuts ouvrent le champ des possibles, ils vont permettre à plus de sociétés d'emprunter via les plateformes de financement participatif », indique Nicolas Lesur, fondateur de la plateforme de prêt Unilend et président de l'association Financement Participatif France. Unilend n'a pas le statut d'IFP. La société commercialise des bons de caisse, une reconnaissance de dettes émise par l'emprunteur. Avant la loi, les plateformes ne pouvaient pas proposer aux particuliers de prêter de l'argent au sens propre du terme. C'est pourquoi certains sites, comme Unilend, commercialisaient ces titres.

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Seulement, une entreprise doit avoir effectué au moins trois bilans comptables pour proposer ces bons. La nouvelle loi supprime cette contrainte et ouvre le financement participatif aux jeunes sociétés. C'est la raison du lancement de Lendopolis, une plateforme de prêt pour les TPE et PME créée par les fondateurs de KissKissBankBank. Le site propose aux particuliers de prêter de l'argent à des sociétés ayant plus de 2 ans d'existence afin de percevoir, à terme, entre 4 et 10% d'intérêts.

Un cadre plus sécurisé mais plus de liberté pour les entreprises

Puis, ces statuts représentent une sécurité pour les entreprises, ainsi que les investisseurs : « La reconnaissance par l'Etat du financement participatif comme secteur parallèle au secteur bancaire permet d'établir un label garantissant la qualification des plateformes », explique Orthense Garand, présidente et co-fondatrice de la plateforme de dons Babeldoor. En effet, la loi impose aux plateformes d'avoir un personnel qualifié, soit par le biais de diplômes, soit par une expérience suffisante.

Concernant « l'equity crowdfunding », mode de financement participatif où les investisseurs peuvent obtenir des actions de l'entreprise en échange de leur soutien, la législation prévoit également de supprimer certaines contraintes. Comme l'obligation de rédiger le lourd prospectus d'information requis par l'Autorité des marchés financiers pour les entreprises qui lèvent plus de 100 000 euros. Le seuil est désormais d'1 million d'euros. En outre, les start-up pourront faire un « appel public à l'épargne » sans avoir à acquérir le statut, plus souple, de société par action simplifiée (SAS).

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Enfin, le décret devrait également permettre de lutter contre « l'equity gap », affirme Benoît Bazzochi, fondateur de SmartAngels et président de l'association AFIP. Il s'agit de ce moment dans le financement d'une entreprise, compris entre 100 000 et 1 million d'euros, où les banques ne prêtent plus car les projets ne sont généralement pas assez matures et qu'ils n'intéressent pas encore les fonds d'investissement. Désormais, le crowdfunding pourra prendre le relais. Cela explique également le plafond d'1 million d'euros : la levée de fonds était limitée à 300 000 euros auparavant.

Une bonne « première étape »

Si les représentants des plateformes interrogées semblent satisfaits par la loi, certains points restent tout de même à éclaircir. Vincent Ricordeau, co-fondateur de KissKissBankBank, juge que le décret est une « première étape » satisfaisante, mais il déplore que le cadre fiscal ne soit pas mieux défini : « certaines questions subsistent : les fonds levés seront-ils taxés ? Dans le cas où une entreprise enregistre des pertes, seront-elles déduites des impôts ? Y aura-t-il des incitations fiscales pour pousser le secteur ? ».

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De son côté, Hortense Garand regrette que « le texte empêche toujours les personnes morales (entreprises, associations...) de prêter de l'argent aux sociétés via le financement participatif ». Un avis partagé par Nicolas Lesur : « cela pourrait aider à l'adoption de ce mode de financement ».

Pour Jeremy Ley, fondateur du site SparkUp, il y a également le risque que « la loi empêche l'émergence de nouveaux acteurs en limitant l'activité aux plateformes ayant déjà acquis une certaine expérience ».

Néanmoins, le gouvernement a prévu d'organiser un rendez-vous tous les six mois avec les acteurs et régulateurs (AMF notamment) pour ajuster le cadre de la loi et vérifier qu'elle est toujours adaptée aux évolutions de ce jeune secteur pour le moins porteur. Selon le Monde, il revendiquait 160% de croissance en 2013 et 65 millions d'euros levés.



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