Des rumeurs ont récemment indiqué que BlackBerry quitterait le marché des smartphones. Malgré un démenti formel, le fait que la question ait été évoquée est-il si anodin ?
François Mahieu : Notre ambition est bien entendu de rester sur ce marché. Nous annonçons d'ailleurs, comme nous l'avions prévu, le lancement du Z3 en Indonésie. Vendu aux environs de 190 dollars, il est le fruit de notre partenariat avec Foxconn. Il ne nous aura fallu que 5 mois de production, Foxconn a accéléré les choses en nous permettant de sortir sur le marché un smartphone rapidement.
De mémoire, le Z3 est même le produit qui est arrivé le plus vite chez BlackBerry. Nous sommes devenus une entreprise capable de réaliser une telle sortie en 5 mois. C'est quelque chose qu'a apporté John Chen, le p-dg du groupe.
Justement, le Z3 est un smartphone avec un écran tactile mais abandonnez-vous pour autant les claviers physiques ?
F.M : La présence d'un clavier physique est un élément de différenciation pour nos produits. Si le touchscreen est intéressant pour certains usages, il faut comprendre que chez BlackBerry il y aura les deux. Nous voulons rester la référence pour toujours dans les claviers physiques. D'ailleurs le Q20 « Classic » est l'héritier du Bold, avec un clavier et du touchscreen.
Nous avons en effet une réelle demande de la part de clients, lesquels souhaitent revenir à un clavier physique avec également un format et une taille « classique ». Nous sommes désormais en mesure d'écouter ces attentes-là.
BlackBerry a dû revoir ses priorités. Quelles sont désormais ses cibles prioritaires ?
F.M : Notre stratégie est de cibler les utilisateurs professionnels. Ces clients ont besoin d'un appareil pour leur vie personnelle mais avant tout pour le travail. Nos racines sont dans ce domaine depuis plusieurs années déjà. Mais attention, parler aux professionnels ne veut pas dire que nous nous adressons aux entreprises. Nous voulons proposer un outil pour le travail quotidien qui servira à l'utilisateur. Nous concentrons nos efforts plutôt sur le cadre supérieur, le designer ou celui qui peut acheter lui-même son portable.
BlackBerry tente donc de s'inscrire dans le mouvement du BYOD (Bring your own device). Quelle est la position de la société face à cette tendance selon laquelle les personnes utilisent leur propre smartphone dans un environnement de travail ?
F.M : La question est intéressante. Le mouvement du BYOD n'est pas infini et doit être découpé en plusieurs catégories. La première regroupe la catégorie des consommateurs purs, nous ne sommes pas particulièrement axés sur cette partie. A l'autre bout de la chaîne, nous avons les entreprises qui ont besoin de flottes de mobiles, ces dernières achètent elle-même les téléphones dont elles ont besoin.
Au milieu du marché des professionnels se trouve notre cible. Il s'agit de personnes qui ont besoin d'un terminal et de services pour leur travail, mais qui utiliseront également l'appareil pour des motifs personnels. Ces clients vont chercher un appareil doté de bonnes performances en termes d'appels, de qualité de son, de batterie mais vont également regarder les services associés.
Outre les terminaux, comment BlackBerry va-t-il reconquérir les territoires perdus dans l'entreprise ?
F.M : Il faut savoir que le marché professionnel ne répond pas au doigt et à l'œil, ce n'est pas comme le grand public où l'on peut voir l'accueil réservé à un appareil en particulier. C'est pourquoi nous avons entamé des efforts voilà un an et ceux-ci commencent à porter leurs fruits. Il faut en général attendre entre 1 et 2 ans pour voir les choses bouger car les professionnels ont besoin de faire des tests, réaliser des validations...
La sécurité mais aussi les services sont donc des points importants pour nous. BBM compte à ce jour 85 millions d'utilisateurs actifs. Pour ce qui est de BES 10, plus de 33 000 serveurs en version test et commerciale ont été installés à travers le monde.
Pour l'avenir, nous allons donc capitaliser sur ce que nous savons faire, notre intérêt n'est pas de multiplier les fonctions. Nous bénéficions déjà d'un avantage énorme car nous sommes capables de les implémenter facilement dans les entreprises.